Initiative pour l’Europe du Président de la République : une Europe souveraine, unie et démocratique (26 septembre 2017)
Le 26 septembre 2017, le Président de la République Emmanuel Macron a présenté à la Sorbonne son initiative pour une Europe souveraine, unie et démocratique.
Face aux grands défis de notre temps – la défense et la sécurité, les grandes migrations, le développement, le changement climatique, la révolution numérique, la régulation d’une économie mondialisée – les pays européens ont-ils trouvé les moyens de défendre leurs intérêts et leurs valeurs, de garantir et d’adapter leur modèle démocratique et social unique au monde ? Peuvent-ils relever seuls chacun de ces défis ?
Nous ne pouvons pas nous permettre de garder les mêmes politiques, les mêmes habitudes, les mêmes procédures, le même budget. Nous ne pouvons pas davantage choisir la voie du repli national.
La seule voie qui assure notre avenir, c’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique.
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Une Europe souveraine
Les six clés de la souveraineté européenne
1. Une Europe qui garantit la sécurité dans toutes ses dimensions
- En matière de défense, l’Europe doit se doter d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir. Il convient d’encourager la mise en place au plus vite du Fonds européen de défense, de la coopération structurée permanente et de les compléter par une initiative européenne d’intervention qui permette de mieux intégrer nos forces armées à toutes les étapes.
- Dans la lutte contre le terrorisme, l’Europe doit assurer le rapprochement de nos capacités de renseignement en créant une Académie européenne du renseignement.
- La sécurité doit être assurée, ensemble, dans toutes ses dimensions : il faut doter l’Europe d’une force commune de protection civile.
2. Une Europe qui répond au défi migratoire
- Nous devons créer un espace commun des frontières, de l’asile et des migrations, pour maîtriser efficacement nos frontières, accueillir dignement les réfugiés, les intégrer réellement et renvoyer rapidement ceux qui ne sont pas éligibles au droit d’asile.
- Nous devons créer un Office européen de l’asile, qui accélère et harmonise nos procédures ; mettre en place des fichiers interconnectés et des documents d’identité biométriques sécurisés ; établir progressivement une police des frontières européenne qui garantisse une gestion rigoureuse des frontières et assure le retour de ceux qui ne peuvent pas rester ; financer un large programme européen de formation et d’intégration pour les réfugiés.
3. Une Europe tournée vers l’Afrique et la Méditerranée
- L’Europe doit avoir une politique extérieure centrée sur quelques priorités : d’abord la Méditerranée et l’Afrique.
- Elle doit développer un nouveau partenariat avec l’Afrique, fondé sur l’éducation, la santé, la transition énergétique.
4. Une Europe modèle du développement durable
- L’Europe doit être le chef de file d’une transition écologique efficace et équitable.
- Elle doit favoriser les investissements dans cette transition (transport, logement, industrie, agriculture…) en donnant un juste prix au carbone : par un prix minimum significatif à l’intérieur de ses frontières ; par une taxe carbone européenne aux frontières pour assurer l’équité entre ses producteurs et leurs concurrents.
- L’Europe doit mettre en place un programme industriel de soutien aux véhicules propres et aux infrastructures nécessaires (bornes de recharge…).
- Elle doit assurer sa souveraineté alimentaire, en réformant la politique agricole commune et en mettant en place une force commune de contrôle qui assure la sécurité alimentaire des Européens.
5. Une Europe de l’innovation et de la régulation adaptées au monde numérique
- L’Europe doit mener et non subir cette transformation, en promouvant dans la mondialisation son modèle combinant innovation et régulation.
- Elle doit se doter d’une Agence pour l’innovation de rupture, finançant en commun des champs de recherche nouveaux, comme l’intelligence artificielle, ou inexplorés.
- Elle doit assurer l’équité et la confiance dans la transformation numérique, en repensant ses systèmes fiscaux (taxation des entreprises numériques) et en régulant les grandes plateformes.
6. Une Europe puissance économique et monétaire
- Nous devons faire de la zone euro le cœur de la puissance économique de l’Europe dans le monde.
- En complément des réformes nationales, elle doit se doter des instruments qui en feront une zone de croissance et de stabilité, notamment un budget qui permette de financer des investissements communs et d’assurer la stabilisation face aux chocs économiques.
Une Europe unie
1. Une solidarité concrète par la convergence sociale et fiscale
- Nous devons encourager la convergence au sein de toute l’Union en fixant des critères qui rapprochent progressivement nos modèles sociaux et fiscaux. Le respect de ces critères doit conditionner l’accès aux fonds de solidarité européens.
- Sur le plan fiscal, il convient de définir un corridor de taux d’impôt sur les sociétés ; sur le plan social, il faut garantir à tous un salaire minimum, adapté à la réalité économique de chaque pays, et encadrer la concurrence par les niveaux de cotisations sociales.
2. Le ciment de la culture et du savoir
- Créer un sentiment d’appartenance est le ciment le plus solide de l’Europe.
- Nous devons renforcer les échanges, pour que chaque jeune Européen ait passé au moins 6 mois dans un autre pays européen (50 % d’une classe d’âge en 2024), que chaque étudiant parle deux langues européennes d’ici 2024.
- Nous devons créer des Universités européennes, réseaux d’universités qui permettent d’étudier à l’étranger et de suivre des cours dans deux langues au moins. Au lycée, nous devons mettre en place un processus d’harmonisation ou de reconnaissance mutuelle des diplômes de l’enseignement secondaire (à l’instar de l’enseignement supérieur).
Une Europe démocratique
La refondation européenne ne se construira pas à l’abri des peuples, mais en les associant dès le début à cette feuille de route.
1. La nécessité du débat : les conventions démocratiques
- Pendant 6 mois, des débats nationaux et locaux, sur la base de questions communes, seront organisés en 2018 dans tous les pays de l’UE volontaires.
2. Le renforcement du Parlement européen : les listes transnationales
- Dès 2019, en utilisant le quota des députés britanniques partants, nous devons créer des listes transnationales qui permettent aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun.
Quelle Europe en 2024 ?
1. L’Union européenne, notre cadre commun
- L’UE définit notre socle commun, fondé sur (i) des valeurs démocratiques communes, non négociables ; (ii) un marché unique plus simple et plus protecteur, associé à une politique commerciale refondée (dans 3 directions : la transparence dans les négociations et la mise en en œuvre des accords commerciaux ; l’exigence sociale et environnementale ; la réciprocité, avec un procureur commercial européen chargé de vérifier le respect des règles par nos concurrents et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale).
- Si elle permet des différenciations ambitieuses, cette Union pourra s’élargir progressivement aux pays des Balkans occidentaux.
- Elle devra pour cela réformer ses institutions, avec une Commission plus restreinte (15 membres).
2. La différenciation par l’ambition
- Au sein de cette Union, ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent le faire sans être empêchés. Les coopérations seront toujours ouvertes à tous, sur le seul critère du niveau d’ambition partagée, sans format prédéfini.
3. L’impulsion franco-allemande
- Face à ces défis, l’impulsion franco-allemande sera décisive. « Pourquoi ne pas se donner l’objectif, d’ici 2024, d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ? »
- Cet esprit pionnier et concret, c’est celui du Traité de l’Elysée, dont la France propose d’engager une révision traduisant une nouvelle ambition commune.
4. Le groupe de la refondation européenne
- Tous les États qui adhèrent à cette volonté pourront lancer dans les prochaines semaines un « groupe de la refondation européenne ».
- Ce groupe accueillera les représentants de chaque État membre volontaire et associera les institutions européennes.
- D’ici l’été 2018, il travaillera pour préciser et proposer les mesures qui mettront en œuvre cette ambition, en se nourrissant des débats des conventions démocratiques. Thème par thème, les outils nécessaires à la refondation (coopération renforcée, changement de traité à terme…) seront examinés.
« Le temps où la France propose est revenu. Je pense en cet instant à Robert Schuman, le 9 mai 1950, à Paris, osant proposer de construire l’Europe.
Je pense à ses mots saisissants : ‘L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre’. »
Emmanuel Macron, 26 septembre 2017