Les communs au service d’un modèle européen de souveraineté numérique non hégémonique

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L’Union européenne, fidèle à ses valeurs et ses principes, doit continuer à œuvrer pour une société européenne démocratique et forte, adaptée à l’ère numérique. Alors que le monde continue à se morceler, le secteur numérique est plus que jamais accélérateur des tendances géopolitiques en cours. Dans ce contexte, l’Europe peut s’appuyer sur les principes fondateurs de l’Internet libre, ouvert, neutre, unique et sûr, dont elle est le berceau, pour tracer son modèle de souveraineté numérique. Les communs numériques lui offrent l’opportunité de mettre en pratique un modèle de gouvernance numérique collective et partagée, au service du renforcement de notre souveraineté commune.

Sous Présidence française du Conseil de l’Union européenne, les communs numériques deviennent un sujet européen

Les 21 et 22 juin 2022, de nombreux acteurs européens du numérique se sont rassemblés à Toulouse pour l’Assemblée Numérique. Ils ont traité de nombreux sujets relatifs au futur numérique de l’Europe, comme les enjeux socio-économiques du metavers et du Web3, la mobilisation du secteur numérique pour garantir le maintien des infrastructures numériques en Ukraine ou encore la relation entre transition climatique et numérique.

A cette occasion, l’Ambassadeur pour le numérique a présenté les conclusions de l’équipe de travail sur les communs numériques, ces « ressources non-rivales et non-exclusives définies par une production, une propriété et une gouvernance distribuées et communes des capacités et technologies de l’information ». Ce rapport est le fruit ambitieux d’un travail mené sous présidence française du Conseil de l’UE avec 18 États membres (Allemagne, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Irlande, Italie, Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Slovénie, Suède) et la Commission Européenne.

Quelle place des communs numériques dans les politiques publiques ?

Au terme de 4 mois d’échanges et d’auditions de représentants des communautés des communs numériques, l’équipe de travail a fait le constat d’un déséquilibre entre l’utilisation quotidienne de grands communs numériques (Wikipedia, Linux,…) et le manque de contribution pour assurer la pérennité de ces ressources stratégiques. La prise en compte des communs numériques par les institutions et dans les politiques publiques est une condition nécessaire pour mettre en place une souveraineté numérique européenne.

Plusieurs initiatives en faveur des projets open source et des communs numériques existent déjà, l’Union européenne et plusieurs États membres ayant lancé des initiatives à leurs échelles pour promouvoir l’innovation et l’utilisation libre des données, au service d’une société ouverte mais protectrice des droits de ses citoyens. Collectivement, nous affirmons qu’il faut désormais aller au-delà de ces efforts non coordonnés. Un véritable changement culturel permettrait d’instaurer des ressources et infrastructures ouvertes et collaboratives, au service de l’innovation et de la participation citoyenne.

L’équipe de travail formule quatre propositions majeures

  • Créer un guichet unique pour les communs numériques, pour orienter les communautés des communs numériques vers les fonds et aides publiques adéquats, tout en fournissant une expertise et des ressources humaines pour faciliter et accélérer le processus de demande.
  • Lancer un appel à projets pour financer rapidement et efficacement les communs identifiés comme stratégiques pour la souveraineté numérique européenne. Nous encourageons les États membres à coordonner leurs efforts financiers en la matière.
  • Sur le long terme, établir une fondation européenne autonome pour les communs numériques, dont la gouvernance serait ouverte et partagée avec les communautés concernées. Cette structure aurait pour but de favoriser le développement d’écosystèmes de communs numériques à travers l’Europe, en facilitant la diffusion du modèle des biens communs numériques et en soutenant le développement de nouveaux communs.
  • Appliquer le principe « communs numériques d’abord » dans les administrations publiques, de façon à contribuer au développement de solutions communes et ouvertes.

Forte de son histoire, l’Europe a l’opportunité de se poser en modèle d’une société numérique reflétant ses valeurs. Elle ne doit pas rater cette occasion de devenir la protectrice des communautés de l’open source et de communs numériques, et la bâtisseuse d’infrastructures publiques, ouvertes et souveraines, avec l’aide des meilleurs développeurs.