Ukraine - Conférence de presse conjointe de Catherine Colonna et de Dmytro Kuleba en marge de la XXIXe Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs (Paris le 29 août 2023)
Conférence de presse conjointe de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et de Dmytro Kuleba, ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, en marge de la XXIXe Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs -
Propos de Catherine Colonna (Paris, 29.08.23)
🔴 EN DIRECT #Ukraine | Conférence de presse conjointe de @MinColonna avec son homologue ukrainien 🇺🇦 @DmytroKuleba, à l’occasion de la #ConfAmbass
https://t.co/F9K0dzALJn— France Diplomatie🇫🇷🇪🇺 (@francediplo) August 29, 2023
"Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d’être devant vous en compagnie de Dmytro Kuleba. En fait, si nous avons donné ensemble, souvent, des points de presse, à Kiev, à Odessa, et aux Nations unies à New York, c’est la première fois que nous le faisons ici, à Paris. Merci, Monsieur le Ministre, merci, cher Dmytro, d’être venu jusqu’ici. C’est la deuxième fois que vous le faites depuis le début de la guerre, puisque j’avais pu vous accueillir au mois de mai dernier, lorsque vous aviez accompagné le Président Zelensky à Paris.
Le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine m’a fait le plaisir d’accepter, cette année, d’être l’invité d’honneur de la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. Nos ambassadrices et nos ambassadeurs pourront l’entendre dans quelques minutes. Puis le Ministre sera reçu à l’Élysée par le Président de la République. Et enfin, nous aurons un dîner de travail avec quelques-uns de nos ambassadeurs, avant de partir ensemble, demain, pour le Gymnich sous présidence espagnole, à Tolède.
Évidemment, proposer à Dmytro Kuleba d’être cette année l’invité d’honneur de notre Conférence ne doit rien au hasard. Cela donne tout simplement la mesure de l’importance de ce qui se joue, car évidemment, la guerre que fait la Russie à l’Ukraine depuis 18 mois, maintenant, et les implications internationales de celle-ci, figureront au premier rang de nos priorités diplomatiques, cette année encore. Cela fait en effet plus d’un an et demi que l’Ukraine est victime de la guerre d’agression déclenchée par la Russie ; une guerre déclenchée sur des motifs totalement infondés, au mépris le plus absolu du droit international. Cela fait plus d’un an et demi que la Russie ne cesse de cibler, de façon quasi quotidienne, les infrastructures civiles et les populations civiles en Ukraine, comme nous l’avons vu encore ces derniers jours. Je dois répéter ce que dit clairement le droit international : cibler intentionnellement des objectifs civils est constitutif de crimes de guerre. Plus d’un an et demi, également, que le peuple ukrainien résiste, résiste avec bravoure, et mérite notre admiration, résiste pour défendre la liberté, la souveraineté de son pays, injustement agressé.
Et alors que le Président de la République l’a dit hier, je veux redire après lui que, comme je le disais aussi ce matin à nos ambassadrices et à nos ambassadeurs : la France apporte et apportera tout son soutien à l’Ukraine, dans tous les domaines, politique, diplomatique, juridique, économique, et bien sûr militaire, pour aider ce pays à exercer son droit à la légitime défense. Et ce soutien se poursuivra, il se poursuivra et s’intensifiera aussi longtemps qu’il le faudra, pour mettre en échec l’agression russe. C’est une nécessité absolue, nous le savons. Une nécessité absolue pour défendre l’Ukraine, mais au-delà, pour défendre aussi notre sécurité collective et l’avenir du système international fondé sur le droit et non sur la force.
Dmytro Kuleba interviendra d’ici quelques minutes devant nos ambassadrices et nos ambassadeurs pour présenter en particulier l’engagement et la vision de l’Ukraine pour la paix. Car malgré les violences, malgré les exactions, malgré ces crimes, dont je parlais, commis de façon systématique par la Russie, l’Ukraine souhaite la paix. Nul autre pays plus que l’Ukraine ne souhaite la paix. Et elle se mobilise, de plus, pour l’obtenir.
Ce soir, nous aurons également une cession spécifique avec nos ambassadeurs et ambassadrices sur le continent africain, afin d’identifier les meilleurs moyens de continuer à travailler avec les pays d’Afrique sur les conséquences globales de la guerre d’agression russe. Des conséquences toutes négatives que ces pays subissent au tout premier chef. C’est l’une des priorités de la diplomatie ukrainienne. Le Ministre s’est beaucoup déplacé sur le continent et c’est une priorité que nous soutenons pleinement.
Et nous-mêmes, lors de l’échange que nous venons d’avoir, nous avons abordé ensemble la contre-offensive en cours, qui n’est pas achevée. La France prend toute sa part à cet effort, avec, aux côtés de ses partenaires, bien sûr, ce qu’il faut pour donner à l’Ukraine les moyens de se défendre et les moyens de réussir.
Nous avons aussi évoqué les efforts conjoints pour poser les bases d’une paix juste et durable. Là aussi, l’Ukraine avance : les deux réunions de Copenhague, en juin, et de Djeddah, en août, ont permis d’initier un dialogue sur le plan de paix du Président Zelensky, le plan qu’il avait présenté au G20 de novembre dernier, plan de paix et discussions qui associent désormais un nombre de plus en plus important de payset venant de toutes les géographies du monde, ces pays étant essentiels pour progresser vers cette paix juste et durable que nous appelons de nos vœux. Ce dialogue se poursuit, il se poursuivra aussi à Kiev, et il se poursuivra, à New-York, au moment de l’Assemblée générale des Nations unies.
Enfin, nos échanges ont porté- je ne cite là que quelques-uns des sujets qui nous ont occupés - sur les questions de sécurité alimentaire et sur la poursuite des exportations agricoles ukrainiennes, dont le monde a tant besoin. En effet, depuis la suspension par la Russie de sa participation à l’initiative céréalière de la mer Noire, au mois de juillet, nous avons dénoncé sa stratégie de destruction délibérée des infrastructures ukrainiennes, et parfois de destruction des céréales elles-mêmes ; tout fait qui constitue un véritable chantage à la sécurité alimentaire mondiale et qui frappe en premier lieu les pays les plus vulnérables et ceux qui en ont le plus besoin. Rappelons que la majorité des céréales ukrainiennes, qui sont exportées le sont à destination de ces pays. Et nous avons évoqué à ce titre les actions qu’entreprennent la France et l’Union européenne pour contribuer à l’exportation des productions agricoles ukrainiennes par la voie continentale et par d’autres, pour stabiliser aussi les marchés mondiaux - vous savez que les prix ont monté - et en un mot combattre l’insécurité alimentaire et déjouer ce calcul cynique de la Russie.
Voilà quelques-uns des thèmes de notre entretien et quelques-uns des thèmes de la journée à venir. Je donne la parole au Ministre pour qu’il complète mes propos, en le remerciant à nouveau, Monsieur le Ministre, cher Dmytro, d’avoir accepté mon invitation et d’être avec nous à Paris, dans cette rentrée diplomatique. Merci beaucoup.
Q - Bonjour. (…) Une question pour tous les deux : la France est largement engagée pour agir comme intermédiaire et engager les pays Sud global, et les convaincre de s’engager derrière l’Ukraine ; est-ce que la France, malgré tout, est la puissance la mieux placée pour ce faire, dans la mesure où elle est très critiquée, notamment en Afrique, aujourd’hui ?
R - Merci beaucoup, Dmytro. Je vais répondre à votre seconde question, Madame. Est-ce que la France est engagée ? Oui, résolument. Je me suis rendue - mais je ne suis pas seule dans cette République à agir -, je me suis rendue moi-même, personnellement, en Afrique du Sud, en Inde, au Brésil, en Arabie saoudite, en Éthiopie, et j’oublie quelques pays. Ce mois-ci encore, je me suis entretenue par téléphone avec mon nouvel homologue chinois, et à chaque fois nous avons parlé de cela. Est-ce que nous sommes les mieux placés ? Ce serait impudent de le dire. De toute façon, nous ne serons pas seuls à le faire et nous ne sommes pas seuls à le faire, puisque, comme le Ministre le remarquait tout à l’heure, de Copenhague à Djeddah, on a vu croître le nombre des pays participants, de toutes les régions du monde, de toutes les géographies du monde, je le redis. Et notamment, à Djeddah, on a vu la participation de la Chine, ce qui n’est pas sans signification. Est-ce que nous pouvons jouer un rôle ?
Assurément, je crois même que nous pouvons jouer un rôle important. Il ne sera pas unique, mais il peut être important et peut-être même un peu plus, dans la mesure où, avec chacun de ces pays que je viens de citer, nous avons d’excellentes relations. Je ne vais pas vous rappeler la visite du Premier ministre Modi le 14 juillet, à l’occasion de notre Fête nationale, la visite d’État du Président de la République en Chine, d’autres contacts qui ont suivi, ou la présence du Président Lula au Sommet de Paris pour un nouveau Pacte financier mondial, par exemple. Donc oui, nous agissons. Nous n’agirons pas seuls et nous ne réussirons pas seuls, mais nous sommes aux côtés de l’Ukraine pour cela aussi.
Un dernier détail : j’ai essayé dans ma réponse, vous voyez, de ne pas reprendre l’expression « Sud global » et, comme je le dis assez ouvertement, y compris dans des cercles plus privés, j’ai quasiment banni cette expression de mon vocabulaire quand, au dernier G20 ministériel en Inde, où notre homologue, M. Lavrov, était là, en quatre minutes d’intervention, a dû employer six ou huit fois cette expression. Et donc, je me suis dit qu’elle avait peut-être pour intérêt pour lui - et donc l’inverse pour nous - de décrire un monde « eux et nous » que, précisément, nous voulons ne pas voir apparaître.
Q - Bonjour. Madame Colonna, je voulais vous demander, est-ce que la France serait peut-être prête à accorder les garanties bilatérales de sécurité pour l’Ukraine, est-ce que ça s’envisage, et ainsi devenir sans doute le premier pays européen à le faire ? Et aussi, est-ce que la France envisage d’accueillir peut-être le sommet, selon le plan de la paix de Zelensky, mentionné tout à l’heure ? Merci.
R - Merci, Madame. Nous y travaillons, depuis Vilnius et en marge de Vilnius. Vous vous souvenez que les pays du G7 ont exprimé leur soutien et leur intention de conclure des arrangements de sécurité avec l’Ukraine. Et depuis, une vingtaine de pays, je crois même un peu plus, les ont rejoints, ce qui donne, je pense, le sens de la solidité de notre engagement collectif aux côtés de l’Ukraine. Nous y travaillons, ce travail est en cours, nous en avons parlé avec le Ministre. Est-ce que nous serons le premier pays à le faire ? Très honnêtement, je n’en sais rien, et je dirais- je ne veux pas vous choquer - que cela m’indiffère. Ce n’est pas une compétition. Ce que nous privilégions, c’est la substance. Et vous savez que les différents arrangements bilatéraux sont sous cette ombrelle multilatérale qui a été décidée en marge de Vilnius. Il y aura un volet militaire, nous en avons parlé avec le Ministre, et il vous a rendu compte de quelques contacts de cet ordre qu’il avait eus ce matin. Il y aura également un volet humanitaire et un volet civil, puisqu’il s’agit, en peu de mots, de prolonger le soutien que notre pays a accordé jusqu’ici à l’Ukraine, et de le projeter sur une plus longue durée, pour avoir de la visibilité, de la prévisibilité, aussi pour nos industries, nos partenaires et nos investisseurs, et pour, je l’ai dit alors et je le redis, adresser aussi un message à la Russie, de notre détermination à poursuivre et du fait que le temps ne joue pas en sa faveur.
Pour le sommet, c’est un peu prématuré, nous semble-t-il. Mais nous y travaillons, en élargissant le cercle des pays qui parlent avec l’Ukraine des paramètres d’une paix juste et durable, cercle qui s’élargit, et qui permet d’entretenir ce dialogue entre l’Ukraine et des pays qui ne lui parlaient pas spontanément, qui désormais lui parlent et travaillent avec elle.
Q - Bonjour, Madame, Monsieur le Ministre. Madame la Ministre, le vice-président du Conseil de sécurité de Russie, Dmitri Medvedev, considère que les attaques ukrainiennes en Crimée constituent une base juridique pour répliquer contre tous les membres de l’OTAN. Il parle d’ « Apocalypse ». Quelle est la position de la France à cette déclaration, alors que vous avez vous-même réaffirmé la position de soutien à l’Ukraine aujourd’hui ?
R - Merci, Monsieur. Je vous répondrai brièvement mais, au-delà de la formule, je crois qu’il y a la vérité dans la formule qu’il faut méditer : tout ce qui est excessif est indifférent. Et l’Ukraine parle de paix, une petite différence avec la Russie."