Introduction historique

 


La spoliation
Les restitutions
Les oeuvres non restituées
Conseils pratiques pour la lecture du catalogue
Ouvrages cités en abrégé


La spoliation

Grand amateur d'art reconnu dans le monde entier pendant l'entre deux guerres, Adolphe Schloss avait légué à sa femme une magnifique collection, constituée, pour la plus grande partie, de tableaux flamands et hollandais.

Cette collection de 333 tableaux de maîtres flamands et hollandais était mondialement connue pour son importance en raison du choix des maîtres qui la composaient et la qualité de ses tableaux. La collection Schloss, de l'avis même des meilleurs spécialistes, était la dernière des grandes collections d'art hollandais constituées en France au XIXème siècle.

On pouvait y voir, en effet, des oeuvres des grands maîtres primitifs, telles que la Pieta de Petrus Christus, une Vierge d'Isenbrandt, et une Vénus de Gossaert.

Des chefs d'oeuvre des maîtres néerlandais du XVIIème siècle, Bruegel de Velours, Brouwer, Van Der Heyden, Van Der Neer, Rembrandt ou Ruisdael y étaient également représentés.

D'autres oeuvres avaient été choisies en raison de leur qualité et portaient la signature authentique de petits maîtres, mal représentés dans les collections françaises et pour la plupart très rares tels que Boursse, Brekelencamp, Molenaer, etc.

Après le décès de Lucie Schloss, la collection fut léguée en indivis à ses enfants qui la mirent en sûreté, dès 1939, au château de Chambon, à Laguenne, à 2 kilomètres environ de Tulle. Cette propriété était une dépendance de la Banque Jordan à qui la collection avait été confiée au début de la guerre.

Les services allemands la recherchèrent dès le début de leur activité en France, ayant reçu l'ordre de la retrouver par tous les moyens dont ils disposaient : services de police, indicateurs, etc.

Les recherches entreprises par ces services leur firent tout d'abord découvrir l'adresse de refuge des héritiers Schloss. Deux d'entre eux furent arrêtés, le troisième, absent, ne put être rejoint.

Un liquidateur de la collection fut désigné par une décision allemande, jamais entérinée par le Directeur de l'aryanisation qui, estimant qu'il y avait voies de faits et pillages, refusa sa nomination. Il s'agissait de J.-F. Lefranc, l'un des indicateurs qui avait permis de retrouver la collection.

Le 10 avril 1943, la collection fut découverte et dérobée par des hommes de main de la Gestapo française de la rue Lauriston, lesquels se firent passer pour des policiers. Parmi eux, cependant, se trouvaient quelques S.S. allemands qui se présentèrent avec des papiers français.

Le convoi fut arrêté par la Gendarmerie française sur ordre du Préfet de la Corrèze. Après quelques avatars, la collection fut transportée dans une caserne allemande à Tulle. Intervint alors Pierre Laval qui demanda au Général allemand commandant la zone sud (1) que les oeuvres soient retournées à Chambon. Ces peintures furent remises aux autorités françaises qui les entreposèrent dans les coffres de la Banque de France à Limoges (2).

En dernier étape, l'affaire ayant été confiée au ministre de l'Instruction publique chargé de la Culture, Abel Bonnard, ce dernier livrait la collection à l'occupant. La collection fut donc transportée à Paris, dans les caves de la Banque Dreyfus qui servait de dépôt au Commissariat aux Questions juives. C'est là que l'inventaire de la collection Schloss fut effectué entre le 13 et le 23 août 1943.

Plusieurs représentants des différentes administrations étaient présents : la Délégation de la Direction des Services de Police de Sûreté de Paris, Jean-François Lefranc, administrateur expert, Postma, expert en tableaux flamands, René Huyghe, et Germain Bazin, conservateurs au Louvre, des huissiers, et des fonctionnaires des Sections d'enquêtes et de contrôle du Commissariat général aux Questions juives (3).

Le Louvre obtint de préempter 49 des 333 tableaux recensés, intervention dont le but était de mettre les oeuvres à l'abri en vue d'une restitution ultérieure.

Sur les 284 tableaux choisis par les Allemands, 262, destinés au musée de Hitler, furent envoyées au Jeu de Paume. Rose Valland, présente à l'arrivée de cette collection, l'évoque à plusieurs reprises dans ses notes à Jaujard, son directeur:

" 2 novembre 1943.

" La collection Schloss est ramenée de la Banque Dreyfus, 262 tableaux apportés au Jeu de Paume. Remise de ces tableaux en présence de Darquier de Pellepoix, Lohse (4), Lefranc (chargé de la collection), et du Dr Erhard Göpel (5) qui prend livraison des tableaux pour le Führer.

Lefranc anime la réunion par de grosses plaisanteries. Darquier de Pellepoix fait des amabilités à Lohse. Lefranc quitte la Banque Dreyfus un tableau sous le bras. " (6).

Deux jours plus tard, Alfred Rosenberg vient rendre visite au Jeu de Paume, " accompagné de sa suite dans sept autos. Rapide coup d'oeil à l'exposition et à la collection Schloss. Interdiction à tout le monde de sortir. Le musée est fermé pendant plus d'une heure. Les salles somptueusement décorées de chrysanthèmes sont immédiatement dévalisées par les Allemands dès la fin de la visite. ".

Par la suite, le 19 novembre, " Départ de Borchers en Belgique, de Lohse à Munich. Ce dernier voyage est en rapport avec l'histoire de la collection Schloss. Lohse va préparer l'arrivée de cette collection à Munich. Il s'était déjà occupé de ces tableaux, mais le Dr Göpel dit qu'il a raté son affaire.

Sans doute avait-il organisé l'enlèvement par le camion qui a été arrêté sur ordre de Laval. Cependant, toujours d'après Göpel, il s'est efforcé de s'attribuer malgré tout un mérite. Aussi, a-t-il offert au Dr Göpel de s'installer au Jeu de Paume, où une fois arrivé, il a été, lui et sa collection, négligé, sans qu'aucune des facilités promises lui soit accordée. " L'atmosphère du musée n'est pas pure " constate Göpel, mais toutes les manoeuvres de Lohse n'ont aucune importance puisqu'il a, lui, l'appui du Führer. La collection Schloss étant pour Hitler lui-même, celle-ci sera adressée à son nouveau musée au Führerbau de Munich. ".

La collection Schloss part pour Munich le 27 novembre 1943.

Il semble, cependant, que quelques tableaux aient fait surface après l'enlèvement des oeuvres. En effet, le 31 mars 1944, Rose Valland, intriguée, note :

" A propos de la collection Schloss, Lohse espérait recevoir de nombreux compliments pour la résolution de cette affaire. Mais en Allemagne, personne n'a consenti à lui en faire. Par quel subterfuge Lohse est-il arrivé à prélever trois tableaux de cette collection, dont un tableau de Rembrandt, un autre d'un disciple de Hals ? Ces trois tableaux ont été offerts par la suite au Maréchal Goering pour l'achat. M. Hofer (7), qui est hostile à Lohse, les a refusés disant que ces tableaux n'avaient aucun intérêt pour le Maréchal. Le Dr Lohse les a gardés pour lui et les a obtenus à très bas prix. Comment se fait-il que ces trois tableaux aient pu être séparés de l'ensemble de cette collection dont la totalité des oeuvres laissées par le Louvre paraissait devoir être achetés par le Führer lui-même pour sa maison de Munich ? Se rappeler, à ce propos, que M. Lefranc a quitté la réunion, lors de la remise de la collection avec un tableau sous le bras. ".

L'examen attentif des registres, établis d'après la liste allemande, par la Maison Pusey, Beaumont, Crassier, déménageurs (8), a permis de constater qu'en effet, seules 230 oeuvres ont été emballées dans 15 caisses, alors que 262 tableaux se trouvaient au Jeu de Paume le 2 novembre 1943, ce qui implique une différence de 32 peintures manquant à l'appel lors du départ des caisses à Munich. Il convient également de signaler que, sur les 170 oeuvres non restituées, seules 123 sont consignées dans le registre Pusey.

En outre, il est assez curieux de constater que deux peintures, l'une de Metsu, les deux autres de J. De Wit, censées avoir été vendues à Buittenweg, sont consignées comme emballées par Pusey avec les autres oeuvres destinées à Munich.

Avant le dépôt au Louvre, vingt-deux autres tableaux ont été confiés à Lefranc qui les a revendus à un mystérieux personnage sous le nom de Buittenweg, prétendu marchand hollandais, qui par la suite, et malgré toutes les enquêtes de police, ne put jamais être identifié. Il semble qu'il se soit agit d'un nom imaginé pour cacher un bénéficiaire de cette attribution désireux de conserver l'anonymat, mais probablement d'origine allemande ou hollandaise.

A l'origine, ces 22 tableaux avaient été sélectionnés, en raison de leur valeur et de leur importance, à l'intention de Goering. Celui-ci, dont le crédit commençait à décliner en 1943, craignit de mécontenter Hitler en se faisant réserver une partie de la collection. De plus, il semble qu'il n'ait pas voulu que rejaillisse sur lui le scandale fait autour de l'enlèvement des tableaux Schloss.

Lorsque Goering se désista, l'attribution de son lot au prétendu Buittenweg fut facilitée par une nouvelle expertise de complaisance, permettant d'acheter les tableaux à bas prix (mais qui ne furent jamais payés).

En effet, Rose Valland note, le 18 avril 1944, qu'elle a appris au cours d'une conversation que :

"C'est Lohse qui a essayé d'organiser l'enlèvement de la collection Schloss (enlèvement clandestin en camion). Sur le camion, il y avait un officier de S.S. de ses amis. Cette aventure avait été tentée contre la volonté de Goering qui avait télégraphié de laisser cette affaire tranquille, qu'elle ne l'intéressait pas. ".

Lors de son interrogatoire après la guerre, Lohse a, en effet, reconnu qu'ayant conservé un certain nombre d'oeuvres, il les avait d'abord offertes à Hofer pour Goering, puis avait tenté d'en négocier la vente avec Maria Almas Dietrich.


Les restitutions

Après la guerre, sur les 22 tableaux, 5 furent retrouvés en Allemagne. Deux autres peintures furent retrouvées dans la collection du Führer à Aussee.

Dès 1945, Le Louvre restitua les 49 tableaux préemptés.

Pour ce qui est des autres oeuvres, la liste en parut dans le Répertoire des biens spoliés durant la guerre 1939 - 1945, vol. 2, Tableaux et tapisseries, publié en 1947 par le Bureau central des restitutions.

Ce catalogue avait pour but de faciliter la recherche et l'identification des biens spoliés. Il ne fut donc pas conçu comme un catalogue de collectionneurs. Les photographies publiées étaient parfois très médiocres mais devaient permettre, mieux qu'une description, d'identifier les oeuvres d'art qu'elles représentaient.

Le répertoire était non seulement un instrument de travail pour les experts chargés de récupérer les oeuvres et objets d'art spoliés en France, mais, il énumérait, "en outre, pour des acquéreurs éventuels, les biens acquis de façon irrégulière qui, de ce fait, ne pouvaient faire l'objet de tractations commerciales, sans engager gravement leur responsabilité".(9)

Il fut donc diffusé largement en Europe et aux Etats-Unis et dans tous les pays alliés ou de l'Axe, aussi bien auprès des experts et marchands d'art que dans les musées.

Le Louvre ayant fait exécuter des photos des oeuvres avant leur enlèvement, la famille Schloss put donc en faire paraître la liste.

Les recherches effectuées après la guerre montrèrent que les tableaux destinés à Hitler avaient été envoyés à Munich et certains déposés au Führerbau où ils disparurent. D'autres furent retrouvés dans d'autres parties de l'Allemagne.

Sur les 333 oeuvres, cent-soixante-deux furent restituées, puis, en partie revendues par les héritiers Schloss dans les années 50.

En 1977, un tableau de Van de Capelle, Mer calme, retrouvé en Allemagne fut restitué à la famille Schloss, moyennant remboursement de l'indemnité versée par l'Allemagne après 1961.

Les oeuvres de Rembrandt, Vieillard à la barbe blanche coiffé d'une toque noire et de Dirk Van Delen, Nature morte à la tulipe, ont été restituées dans le courant de l'année 1999.

Marie de Médicis de Rubens, acheté par un marchand d'art de New York à Christie's, a été restitué en décembre 2000.

Le Portrait d'Adrianus Tegularius de Frans Hals découvert à la Biennale Internationale des Antiquaires de Paris, a été restitué en juillet 2001.

Le Juif au bonnet de fourrure de Rembrandt signalé à la Galerie Narodni de Prague, a été restitué par les autorités tchécoslovaques en juin 2002.


Les oeuvres non restituées

A l'heure actuelle, 166 oeuvres n'ont pas été restituées mais certaines d'entre elles, reconnues dans des musées étrangers ou dans des ventes, font ou ont fait l'objet d'actions en justice ou de demandes de restitution par voie diplomatique.

Il s'agit des oeuvres suivantes :

Nature morte de Van Roestraten retrouvé à la Foire de Maestricht dans une galerie belge en 1998.

Portrait de l'artiste, Peintre devant son chevalet attribué à Brouwer ou à Saftleven retrouvé à la Foire de Maestricht dans une galerie d'Amsterdam en 1998.

D'autres, comme les Portraits de Miéris et sa femme ou Vue du forum romain d'Ulft sont passées en vente à l'Etranger, parfois avec la mention " Collection Schloss. Stolen by the Nazis " avant que les héritiers aient pu entreprendre quoi que ce soit pour arrêter les ventes.


Conseils pratiques pour la lecture du catalogue

Le catalogue des oeuvres non restituées a été établi dans une double perspective : aider les héritiers dans leurs recherches des oeuvres disparues, mais aussi éviter à d'éventuels acquéreurs de se retrouver involontairement placés dans la situation de receleurs et d'être, par conséquent, confrontés à des problèmes juridiques.

Le catalogue ne recense ici que les oeuvres qui n'ont pas été restituées au 1er juillet 1997. Il a été établi d'après les différentes listes trouvées dans les fonds d'archives de la Récupération artistique conservés au Ministère des Affaires étrangères. Les lettres de décharge signées par les héritiers Schloss ont servi de base pour connaître les oeuvres réellement restituées.

Toutes les données susceptibles de permettre l'identification de l'oeuvre ont été extraites de la liste de 1943 rédigée par des experts : nom du peintre, libellé du sujet, transcription des données techniques (support, dimensions, date et signature apposées par le peintre.), mention des expositions où l'oeuvre avait figuré, ventes dans lesquelles elle est passée, ainsi que les principaux ouvrages dans lesquels elle est citée.

Les ouvrages cités et les expositions où les oeuvres avaient été présentées sont extraites de la liste de 1943 reprenant elle-même le catalogue Schloss. Seuls quelques ouvrages de référence ont été rajoutés lorsque les oeuvres ont été citées ou identifiées après 1945.

Les oeuvres ayant été vendues à Buittenweg ont été signalées comme telles.

La liste de 1943 ayant servi de référence pour les dimensions et l'intitulé des oeuvres, les numéros attribués dans cette liste ont également été cités dans les notices des oeuvres.

Les numéros donnés dans l'inventaire allemand, retrouvé au Führerbau de Munich après la guerre (10), sont également signalés sous la mention " Liste allemande n° ".

Les oeuvres recensées lors des emballages Pusey pour le Führerbau de Munich, portent la mention " Registre Pusey ".

Les références du Répertoire des biens spoliés durant la guerre 1939 - 1945, sont également mentionnées afin de permettre à ceux qui en disposent de vérifier le bien-fondé de la demande en restitution.

Les supports, dimensions et signatures ont été indiqués avec les abréviations usuelles :

- B. : bois, C. : cuivre, T. : toile,

- b. : bas, , d. : droite, g. : gauche, h. : haut, m. : milieu, mi-h. : mi-hauteur,

D. Daté, S. : signé.


OUVRAGES CITES EN ABREGE

BERNDT (Walther), Die Niederländischen Maler des 17. Jahrhunderts, 3 vols, Brückner Verlag, Munich, 1948-1969.

BODE, Studien zur Geschichte des hollandischen Malerei, Braunschwig, 1883, p. 85.

BREDIUS (A.), édit., Künstler-Inventare. Urkunden zur Geschichte Der holländischen Kunst des XVIten, XVIIten und XVIIIten Jahrhunderts (avec la collaboration d'O. HIRSCHMANN), 8 vols, La Haye, 1915-1922.

Commandement en chef français en Allemagne, Groupe français du Conseil de Contrôle, Direction générale de l'économie et des finances, Division des réparations et restitutions, Bureau central des restitutions, Répertoire des biens spoliés durant la guerre 1939 - 1945, vol. 2, Tableaux et tapisseries, 1947, photographies.

FRIEDLÄNDER (M. J.), Die Altniederländische Malerei, 14 vols, 1924-1937.

HOFSTEDE DE GROOT (C.), Beschreibendes und kritisches Verzeichnis Der Werke Der hervorragendsten holländischen Maler des XVII. Jahrhunderts, 10 vols, Stuttgart-Paris, 1907-1928.

- Institut Néerlandais, Le Choix d'un amateur éclairé, oeuvres de la collection Vitale Bloch, provenant du musée Boymans-Van Beuningen., Paris, 1979, in 8°, 116 p. ill

NAGLER (G. K.), Neues allgemeines künstler-Lexicon, 22 vols, Munich, 1835-1852.

SCHMIDT-DEGENER, Rembrandt. Tentoonstelling ter herdenking Van de plechtige.

SEDELMEYER, Catalogue de 100 peintures, 1901

SMITH (John), A catalogue raisonné of the works of eminent Dutch, Flemisch, and French painters, 9 vols, 1829-1842.

SUMOWSKI (W.), Gemälde Der Rembrandt-Schüler, 5 vols, Landau, 1983-

WAAGEN, Manuel de la peinture, T. III, p. 18.

WURZBACH (A. von), Niederländisches Künstlerlexikon, 3 vols, Vienne-Leipzig, 1906-1911.