Q&R - Point de presse live (25.09.25)

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Q - J’ai trois petites questions. La première, quand est-ce que vous allez ouvrir, après avoir reconnu l’État palestinien, l’ambassade de France en Palestine ou dans les territoires palestiniens, et dans quelle ville ?

Deuxième question, si vous me permettez. M. Netanyahou, n’arrête pas de dire qu’il va prendre des sanctions contre des pays qui ont reconnu ; il cite indirectement la France. Comment vous allez réagir ? Parce qu’apparemment, dès son retour des États-Unis, il va annoncer pas mal de choses.

Et troisième question concernant la Russie. Où peut aller la France, vu toutes ces manœuvres de la Russie, qui commence à envoyer des avions dans le ciel de pays européen ?

R - Si vous me le permettez, je vais les prendre dans l’ordre inverse de celui dans lequel vous me les avez posées.

Sur la Russie, il apparaît de plus en plus clair que les promesses qu’avaient faites le président Poutine au cœur de l’été ne sont pas respectées. Tous les jours, nous voyons la violence des attaques sur l’ouest de l’Ukraine, des missiles sont envoyés, des drones sont envoyés. Je voudrais aussi rappeler que depuis novembre 2022, moment de la stabilisation du front, la Russie n’a pas avancé de plus de 1% du territoire ukrainien, ce qui veut dire qu’elle est en échec sur le terrain. Quand on se replace, il y a maintenant trois ans, au moment du déclenchement de l’« opération militaire spéciale », comme ils disaient, cela ne devait durer que quelques semaines. Et donc, ces manœuvres, ces incursions, trouvent leur explication dans l’échec, en réalité, sur le terrain. La réponse est une très forte condamnation de la France et de ses partenaires européens là-dessus, pour les incursions qui concernent, vous les avez citées, la Pologne, la Roumanie et l’Estonie. La France a non seulement participé aux discussions dans le cadre de l’article 4 de l’OTAN, elle a contribué également à travers l’envoi d’un plot de Rafales pour participer à la police du ciel de l’OTAN dans l’Est de l’Europe. Et tout cela n’aura aucun impact sur le soutien que nous apportons avec nos partenaires à l’Ukraine, que ce soit sur le volet de la Coalition des volontaires ou sur celui du travail sur les sanctions.

Sur votre première question sur l’ambassade, ce qui s’est passé lundi 22 septembre, ça a été la reconnaissance à 15h30 dans cette salle de l’Assemblée générale des Nations unies. Vont venir désormais ensuite une évolution du dispositif qui va être phasée, progressive, en relation avec la situation sur le terrain. Le Président de la République a eu l’occasion de préciser que la France n’ouvrirait pas une ambassade tant que les conditions du cessez-le-feu et de la libération des otages ne seraient pas remplies - je vous renvoie à ses propos. Je voudrais préciser que ce n’est pas parce que vous avez immédiatement des relations diplomatiques que l’ouverture d’une ambassade se fait. Nous avons des relations diplomatiques avec un nombre supérieur d’États que là où nous avons des ambassades.

Votre deuxième question, c’était sur les menaces du Premier ministre Netanyahou. Je ne peux pas commenter des sources de presse. Nous n’avons pas été officiellement notifiés de quoi que ce soit. Nous avons entendu, comme vous, j’imagine, les menaces sur le consulat général à Jérusalem. Nous n’avons pas été notifiés de quoi que ce soit de manière officielle. Il est évidemment naturel que si c’était le cas, la réponse serait de très grande fermeté de notre part, mais ce n’est évidemment pas quelque chose que nous souhaitons.

Q - Une question en lien autour de Gaza et de la Palestine. Dans la nuit de mardi à mercredi, des drones israéliens ont largué plusieurs dizaines d’engins explosifs sur la Global Sumud Flotilla, au mépris du droit international. En réaction, l’Espagne et l’Italie ont dépêché des frégates militaires pour protéger ces ressortissants, ce que la France n’a pas fait. Elle a condamné l’attaque et renvoyé l’équipage à ses responsabilités, notamment en rappelant qu’il est déconseillé et dangereux de se rendre à Gaza. Cette flottille humanitaire est pacifiste, elle a pour but de transporter des vivres pour mettre fin à la famine qui touche Gaza, cible d’un blocus illégal depuis 2007. Elle réunit des médecins, des juristes, des parlementaires, mais aussi des journalistes, je pense notamment à notre collègue Émilien Urbach de l’Humanité. Donc ma question est simple : que compte faire très concrètement la France pour protéger ses citoyens engagés dans cette mission humanitaire ?

R - Vous l’avez cité, mais je vais vous en reparler : je vous renvoie déjà à la déclaration d’hier, qui est très claire. Nous suivons de très près et avec une grande préoccupation la flottille. Nous condamnons toute attaque en mer, appelons au respect du droit international, et en particulier du droit de la mer. Nous avons été en contact avec les participants, notamment français, à cette expédition. Nous les avons informés de ce qu’on appelle les « conseils aux voyageurs », qui s’appliquent à tous ressortissants voyageant à l’étranger, car il est dangereux d’aller à Gaza, que ce soit par la terre ou par la mer. Donc c’est un point que nous leur avons rappelé. La sécurité de nos compatriotes est une priorité absolue. En toutes occasions, le ministère suit la situation de nos ressortissants et assurera sa mission de protection consulaire, et toutes les équipes sont mobilisées pour cela, pour gérer au mieux les conséquences de cette initiative.

Enfin, je voudrais rajouter que nous avons un lien diplomatique fort avec nos partenaires. Déjà avec les autorités grecques, parce que l’incident dont vous parlez s’est passé au large de la Grèce. Pour comprendre et en savoir un peu plus sur la nature de l’incident, nous comprenons - des informations à notre disposition - que les bateaux ne sont pas endommagés. Le second point, c’est avec l’agence Frontex, qui a dépêché depuis le sud de la Crète un bateau pour se rapprocher au plus près de la flottille, ce qui nous semble être un élément extrêmement important. Il s’agit donc d’une réponse européenne, nous sommes en contact avec eux. Et troisième point, c’est - vous les avez nommés - la relation entretenue avec nos partenaires italien et espagnol, pour bien saisir la nature des annonces qu’ils ont faites hier.

Donc vous voyez, la réponse est en trois temps. Elle comprend la condamnation de toute attaque en mer, avec d’ailleurs des contacts préventifs avec les autorités israéliennes lors desquels nous leur rappelons ces sujets-là. Deuxièmement, la protection consulaire, assurée par le réseau diplomatique et consulaire pour tous nos ressortissants - et donc cela s’appliquera évidemment aux ressortissants français qui sont participants de la flottille. Et puis enfin, des contacts très nourris ces dernières heures avec nos partenaires, notamment européens.

Q - Concernant toujours la reconnaissance de la Palestine par la France, vous avez dit que cette reconnaissance n’est que la première étape d’un long processus. Et donc, qu’est-ce qu’il y aura après la reconnaissance ? C’est la question que nous tous nous posons. Et aussi, ou plus précisément, quelles sont les mesures concrètes que la France va prendre après cette reconnaissance historique ?

R - Je vous remercie de votre question parce que cela va me permettre de redonner un peu de contexte sur l’ensemble de ce qui s’est passé, dans la déclaration de New York du 29 juillet dernier, et qui n’est souvent pas forcément toujours très connue dans l’ensemble de ses aspects.

Le premier élément, c’est qu’il y a l’urgence absolue : c’est la libération des 48 derniers otages aux mains du Hamas, le cessez-le-feu immédiat et le retour, l’accès de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. La bande de Gaza est un mouroir à ciel ouvert où les corps des personnes sont marqués par la famine ou la terreur. Cela doit cesser. L’ONU a reconnu l’état de famine dans la bande de Gaza. Ça, c’est la première chose.

La deuxième, ça a été d’utiliser cette carte de la reconnaissance de l’État de Palestine pour, d’une part, créer une dynamique avec une dizaine d’États qui sont venus reconnaître au même moment l’État de Palestine. Vous les connaissez : le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Belgique, le Portugal, le Luxembourg, Andorre, Saint-Marin, Monaco. Et puis, d’avoir des condamnations et des résultats extrêmement précis, extrêmement concrets qui sont de trois ordres. Le premier, c’est la condamnation dans un texte de l’Organisation des Nations unies, pour la première fois de manière aussi explicite et aussi ferme, du Hamas et des attentats odieux du 7 octobre 2023, le fait que le Hamas doit être exclu de toute future gouvernance de l’État de Palestine, et le fait qu’il doit être démilitarisé. C’est un élément très concret ; c’est-à-dire que cette dynamique, c’est une défaite du Hamas. La solution à deux États, ce n’est pas ce que le Hamas veut. Le deuxième élément, ça a été des engagements très concrets de l’Autorité palestinienne, dans le courrier de Mahmoud Abbas au Président de la République Emmanuel Macron comme au prince héritier saoudien, dans lequel il s’engage notamment à lancer des élections sous un an, à avoir une réforme de nature constitutionnelle, à modifier les manuels scolaires ou à mettre fin au système pay for slay.

Le troisième, c’est de penser le jour d’après. C’est ça qui manquait beaucoup jusqu’à présent. Penser le jour d’après en termes de reconstruction, en endossant le plan arabe qui avait été présenté au sommet du Caire de mars 2025 ; en allant aussi dans une force de stabilisation au moment où les armes se tairont avec une autorité intermédiaire et une capacité d’avoir une force de stabilisation sous mandat de l’ONU qui assurera la sécurité pour la bande de Gaza comme pour Israël.

Et puis le quatrième, c’est de penser et avoir des engagements, pour la première fois, très forts, d’États de la région pour une forme d’intégration régionale. D’ailleurs le texte, dans son paragraphe 15, cite notamment l’ASEAN ou l’OSCE comme exemples d’intégration régionale.

Donc vous voyez, ce sont ces éléments qui sont très concrets, qui ont été obtenus à New York, et nous pensons qu’ils vont permettre d’accélérer la résolution du cessez-le-feu. Parce que là où le cessez-le-feu en partie échoue, c’est justement sur la pensée du jour d’après. Les parties prenantes ne sont pas d’accord ou ne sont pas claires sur ce qui se passe une fois que les armes se taisent. Donc ce résultat de la déclaration de New York va aider les efforts de médiation que nous soutenons de manière absolue, menés par les États-Unis, par l’Égypte, par le Qatar. La deuxième chose, c’est que les efforts qui sont aussi sur cette déclaration de New York peuvent aider à une future intégration régionale, si l’administration américaine le souhaitait, notamment, de type Abraham II, puisque, et c’est ce que nous leur disons, c’est un peu la même logique qui s’y joue.