Q&R - Point de presse live (21 mars 2024)
Q - Vous avez brièvement évoqué le sujet, mais je voudrais néanmoins poser la question précisément : des images d’une grande violence montrent un homme qui se présente comme un soldat franco-israélien dans la bande de Gaza, se moquant et insultant au moins un Palestinien gravement blessé, torturé, les yeux bandés. Il s’agit d’un cas concret ; la France envisage-t-elle de mener des enquêtes sur les 4000 soldats franco-israéliens engagés dans l’offensive à Gaza ayant possiblement commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ? Cette question a été posée hier à la porte-parole du Gouvernement qui a redirigé vers le Quai d’Orsay, pourriez-vous, s’il vous plaît, y répondre ?
R - Cette vidéo est choquante et abjecte. Concernant d’éventuelles suites judiciaires - c’est ce que je mentionnais dans mon propos liminaire - , la justice française est compétente pour connaître des crimes commis par des ressortissants français à l’étranger. Et conformément aux principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, elle exerce cette compétence de manière indépendante.
Q - D’abord, excusez-moi, est-ce que vous pourriez répéter le pays avec lequel M. Séjourné, je pense, s’est consulté pour ce projet de résolution que vous avez mentionné très rapidement ? Sur le même sujet, on sait que M. Blinken a annoncé qu’il y a une initiative justement américaine aussi au Conseil de sécurité, et vous n’avez pas mentionné les Américains comme un pays avec lequel vous vous êtes consultés avant de lancer votre initiative. Est-ce que ça veut dire qu’il y a deux propositions qui sont contradictoires ? Et qu’est-ce que ça veut dire pour la coopération entre la France et les États-Unis ? Ça a l’air un peu bizarre.
Je m’interroge aussi, vous avez appelé à ouvrir une voie terrestre depuis la Jordanie. Est-ce que vous pourriez peut-être préciser de façon géographique où est-ce que cette voie doit traverser ? Est-ce que ça veut dire depuis la Cisjordanie ? Quelle est exactement cette voie terrestre que vous voulez voir ?
Et j’aimerais aussi revenir sur ce que mon collègue a évoqué. Je comprends très bien, vous dites qu’il y a une séparation des pouvoirs, mais bien sûr dans ce genre de cas c’est d’abord le Quai d’Orsay, l’ambassade sur place, etc., qui doivent recueillir les témoignages, du matériel, parce que les juges ne peuvent pas aller dans la bande de Gaza. Donc, même s’il y a cette séparation des pouvoirs, j’imagine que vous avez quand même des éléments ; est-ce que ce que vous cherchez ces éléments-là ?
Je voulais aussi vous demander sur le Liban parce qu’il y avait des propos assez durs de la part de l’ambassadrice américaine, justement, qui a averti M. Aoun si je ne me trompe pas, hier, que si le Hezbollah ne bouge pas, s’il n’y a pas de réponse positive, il y aura peut-être une opération israélienne. Or, vous, vous êtes assez optimistes, vous dites qu’il y a des éléments.
R - Cela fait beaucoup de questions. Alors, je vais les prendre dans l’ordre.
Sur la première question, le Ministre, effectivement, s’est entretenu hier avec ses homologues algérien, égyptien, jordanien et palestinien. Il s’était entretenu en début de semaine, à l’occasion du Conseil des Affaires étrangères qui s’est tenu à Bruxelles, avec les membres européens siégeant actuellement au Conseil de sécurité des Nations unies, à savoir la Slovénie et Malte.
Sur votre deuxième question, évidemment, nous nous coordonnons avec les États-Unis depuis le début de la crise. C’est un partenaire majeur, c’est un partenaire qui siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Il y a effectivement un dialogue avec les États-Unis qui existe depuis le début de la crise.
S’agissant du Conseil de sécurité, nous avons considéré qu’il était temps et qu’il était nécessaire que nous prenions une initiative. C’est un texte de résolution qui appellera à un cessez-le-feu. Nous espérons que ce texte pourra recueillir l’accord du Conseil de sécurité. Comme je vous le disais dans mes propos liminaires, il y a eu plusieurs projets qui n’ont pas abouti. Aujourd’hui, il est temps d’avoir un projet qui aboutisse.
Sur la question de la voie terrestre avec la Jordanie, nous avons une coopération extrêmement dense avec la Jordanie sur les questions d’apport d’aide humanitaire aux populations civiles de Gaza. Et l’important, c’est que l’aide puisse arriver aux civils qui en ont besoin. Il y a une urgence à acheminer l’aide humanitaire et la voie directe depuis la Jordanie est plus que nécessaire, la voie terrestre directe depuis la Jordanie.
Q - Cela passe par la Cisjordanie, c’est cela, l’idée ?
R - Non, c’est de l’aide humanitaire pour la bande de Gaza.
Q - Vous avez dit « terrestre ».
R - Oui, terrestre.
Q - C’est par terre, depuis la Jordanie vers Gaza, c’est cela, l’idée ? Donc vous passez par où ?
R - Encore une fois, le point, c’est d’avoir une aide terrestre qui arrive, puisque c’est l’aide terrestre qui permettra d’apporter l’aide suffisante à la population civile de Gaza.
Sur les vidéos - parce qu’il y en a plusieurs qui circulent sur les réseaux sociaux -, sur la question des soldats franco-israéliens, encore une fois, c’est à la justice de faire ce travail d’enquête. C’est à la justice de prendre cette initiative, et je n’ai pas plus de commentaires à vous faire. Encore une fois, il y a un principe de séparation des pouvoirs qui fait que je ne peux pas commenter ce que fera ou ne fera pas la justice.
Sur la question du Liban, je ne vous ai pas dit que nous étions optimistes, je vous ai dit que nous travaillions afin d’arriver à une situation diplomatique. Nous avons soumis des propositions et ces propositions ont été soumises tant au gouvernement libanais qu’au gouvernement israélien. Elles sont en cours de discussion, nous avons une première réaction des autorités libanaises et nous en sommes très satisfaits. Mais ces discussions continuent et nous poursuivons nos efforts à tous les niveaux pour empêcher un embrasement régional qui serait, encore une fois, dramatique pour le Liban et pour Israël. Sur le détail, puisque vous semblez vouloir en avoir, je ne peux malheureusement pas m’étendre. Encore une fois, ce sont des choses qui sont en cours de discussion. Nous avons aujourd’hui salué la réaction des autorités libanaises à ces propositions.
Q - Je rebondis sur la question de ma consœur, parce que sur la résolution, je ne comprends pas comment vous vous coordonnez. La résolution américaine a déjà été déposée, elle appelle exactement, comme la France, à un cessez-le-feu immédiat. Est-ce à dire qu’il va y avoir deux résolutions ou est-ce que la France rejoint la proposition de résolution des États-Unis ? Donc ça, c’est ma première question.
Et ma deuxième question, c’est sur les vidéos que vous venez d’évoquer. Donc la France considère qu’elles sont authentifiées, authentiques, etc. ? Là-dessus, je ne sais pas s’il y a eu des éléments tangibles permettant de dire qu’elles sont authentiques, donc de pouvoir engager la justice française là-dessus, j’ai bien compris l’argumentaire sur la légitimité d’action de la justice française.
J’ai une question qui concerne pour le coup l’Ukraine et la Russie. Il y a eu de nombreux échanges autour du sport des Jeux olympiques cette semaine, avec l’annonce par la Russie des Jeux de l’amitié, le CIO qui a fait un certain nombre de commentaires ; je voudrais avoir votre analyse et votre point de vue sur dans quelle mesure le sport est devenu la prolongation de la guerre en Ukraine, et dans quelle mesure elle participe de la guerre informationnelle, que ce soit du côté russe que du côté ukrainien ?
R - Sur la première question je vais reprendre un peu ce que j’ai dit, c’est-à-dire que compte tenu de la situation dans la bande de Gaza qui est dramatique, compte tenu du fait qu’il y a eu plusieurs projets de résolution qui ont été proposés depuis le mois d’octobre dernier pour essayer de trouver une issue à la crise, il nous a semblé qu’il était temps de prendre une initiative pour présenter un texte, dont nous espérons qu’il puisse recueillir l’accord du Conseil de sécurité. Il n’y a pas de concurrence entre les textes, il y a simplement une initiative française de résolution présentée au Conseil de sécurité sur le sujet, qui appellera à un cessez-le-feu immédiat. Les États-Unis, comme je l’ai dit, est un partenaire majeur, avec lequel nous sommes en coordination depuis le début. Cela n’empêche pas que les uns et les autres proposent des projets de résolution. C’est la mécanique du Conseil de sécurité qui fonctionne ainsi, et encore une fois, il nous a semblé qu’il était temps de prendre cette initiative, et c’est la raison pour laquelle nous travaillons actuellement à ce projet de résolution.
Q - Pardon, j’ai oublié de vous demander : et donc ce projet de résolution va être déposé quand ? Juste pour voir le timing par rapport à la résolution américaine.
R - Je n’ai pas la date exacte du dépôt, mais nous y travaillons. C’est ce que je vous disais, le Ministre a eu l’occasion d’échanger avec plusieurs autres pays partenaires pour faire en sorte que cette résolution aboutisse. Mais je n’ai pas la date exacte de la présentation de la résolution.
Sur votre deuxième question, je n’ai pas d’éléments sur ces vidéos. Ce sont des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. Nous les avons vues comme vous avez dû les avoir vues, mais je n’ai pas d’éléments précis qui permettraient d’authentifier ou quoi que ce soit. Ce sont simplement des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux. Mais encore une fois, c’est l’occasion de rappeler ce principe qui est un principe cardinal, c’est que la justice est une institution indépendante en France, elle est compétente pour connaître des crimes qui pourraient être commis par des Français, y compris à l’étranger. Dans l’esprit de la séparation des pouvoirs, c’est à elle que reviendra la responsabilité d’une action.
Sur votre troisième question, sur les décisions du CIO et sur les Jeux olympiques, on respecte totalement l’autonomie du mouvement sportif qu’est le Comité international olympique, et on prend acte des décisions qu’il a prises s’agissant des athlètes russes et biélorusses. La France, en tant que pays hôte, veillera à ce que les critères de neutralité soient scrupuleusement mis en œuvre, avant et pendant les Jeux.
Sur la désinformation dans le cadre des Jeux olympiques, je pense que j’ai eu l’occasion de le mentionner beaucoup de fois. Encore une fois, nous avons affaire à un État, la Russie, qui est très agressif à l’égard des soutiens de l’Ukraine, particulièrement au plan informationnel. Comme je vous le rappelais en introduction, c’est le cas de la France, mais c’est aussi le cas de la Pologne et d’autres pays européens. Nous serons vigilants face à d’éventuelles manœuvres de désinformation, mais encore une fois, cette stratégie d’intimidation et d’agressivité de la Russie ne nous détournera pas de notre pleine solidarité avec l’Ukraine. Depuis le début de la guerre d’agression, nous avons soutenu l’Ukraine dans la durée et dans tous les domaines. Cela concerne aussi, puisque vous me parliez de Jeux olympiques, les athlètes ukrainiens en vue des Jeux, - athlètes ukrainiens qui seront représentés aux Jeux olympiques de Paris -, en lien avec la solidarité olympique du CIO.
Pour terminer, juste vous indiquer que sur cette thématique, puisque la France est le pays hôte des Jeux olympiques, cette année, elle a présenté une résolution à l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’une trêve olympique. Cette résolution a été votée. Donc la Russie doit se conformer à son devoir olympique, mais elle doit aussi se conformer à ses obligations aux termes du droit international, en cessant immédiatement sa guerre d’agression contre l’Ukraine.
Q - Concernant la visite du Président et du Ministre au Brésil, est-ce que la question de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur sera traitée d’une manière ou d’une autre, ou pas du tout ? Est-ce que la France veut, disons, éviter la question ?
R – S’agissant du déplacement du Président de la République qui est prévu la semaine prochaine, je vous ai cité un ensemble de thèmes qui seront au cœur de ce déplacement. Encore une fois, la thématique centrale, ce sont les enjeux globaux. Je n’ai pas d’autres détails sur l’agenda de la visite du Président de la République, et je n’ai pas de détails sur les thèmes qui seront abordés par le Président de la République à l’occasion de sa visite au Brésil. Je vous renvoie vers l’Élysée qui aura certainement plus de détails à ce sujet.
Q - La République islamique, après deux ans et demi, a nommé un nouvel ambassadeur. Est-ce que vous allez lui parler, à propos de situations des otages français prisonniers depuis longue date ?
R - Effectivement, l’ambassade d’Iran a nommé un nouvel ambassadeur. Comme vous le savez, nous avons un dialogue extrêmement exigeant avec les autorités iraniennes. Le Ministre a eu l’occasion de le dire à son homologue, lorsqu’il a eu un échange avec lui à New York en début d’année. Nous appelons de manière très forte l’Iran à la libération des otages français détenus en Iran. C’est une constante que nous rappelons. Donc nous le rappellerons de la même manière à l’ambassadeur d’Iran qui vient d’arriver à Paris. Ce dialogue exigeant concerne les otages, mais concerne aussi le rôle de l’Iran dans la situation régionale. Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de le dire à l’Iran, et nous dirons à l’ambassadeur d’Iran que nous exigeons la fin du comportement d’escalade de l’Iran dans la région. Encore une fois, c’est un dialogue qui est très exigeant, et nous dirons à l’ambassadeur d’Iran ce que le Ministre et d’autres autorités ont eu l’occasion de dire aux autorités iraniennes récemment.
Q - Je reviens à la situation très tendue entre le Liban, à la frontière entre le Liban et Israël. Vous avez qualifié de positive la réponse des autorités libanaises aux propositions concrètes de la France qui sont toujours en discussion. Est-ce que d’après vous, à l’aune de vos efforts diplomatiques, une trêve éventuelle à Gaza pourrait se répercuter au Liban ?
R - Nous continuons à travailler, comme je vous le disais, sur les différents fronts. Ils sont deux sujets distincts, mais qui participent de la même situation de tension dans la région. Et nous travaillons tous azimuts. Encore une fois, les autorités libanaises se sont félicitées de ces propositions, donc nous sommes satisfaits que les propositions qui ont été portées par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, lors de son déplacement dans la région, aient reçu un accueil positif des autorités libanaises. Je ne sais pas comment lier cela avec la question de la trêve. Évidemment, nous appelons, pour ce qui concerne la bande de Gaza, à un cessez-le-feu ; c’est un point que nous avons dit et redit à plusieurs reprises. C’est l’objet notamment du projet de résolution sur lequel nous travaillons. Globalement, nous sommes toujours dans une posture où nous travaillons pour faire baisser la tension, éviter une escalade régionale, et notamment éviter toute logique escalatoire à la frontière entre le Liban et Israël.
Q - Je vous avais déjà posé la question dans le passé et vous m’aviez parlé des exportations françaises d’armes vers Israël, et vous aviez dit qu’elles étaient marginales. Mais même si celles-ci sont marginales, et d’ailleurs en prenant en compte qu’il n’y a pas eu une grande transparence là-dessus, et en prenant en compte également la décision de la Cour internationale de justice, qu’un moindre - je ne dis même pas une arme - composant qui puisse servir dans la construction ou la fabrication d’une arme israélienne qui puisse être utilisée dans la constitution d’un crime de guerre, ou d’un crime contre l’humanité, cela a des implications vis-à-vis des engagements de la France dans le droit international et représente un risque pour la France. Est-ce qu’une enquête plus large et plus précise ne serait pas nécessaire ? Et un peu plus de transparence ? Et peut-être aussi prendre l’exemple sur le Canada, qui a récemment décidé d’arrêter ces importations vers Israël ?
R - Effectivement, mais je vais vous renvoyer à la réponse que je vous avais faite : encore une fois, la France dispose d’un mécanisme d’autorisation d’exportation des matériels de guerre qui est extrêmement rigoureux et qui repose sur un examen interministériel minutieux, au cas par cas, sur la base de différents critères, notamment ceux définis par le Traité sur le commerce des armes. Le respect des droits de l’Homme et du droit international et humanitaire par le pays destinataire, de même que les conséquences pour la paix font partie des critères qui sont pris en compte dans le cadre de cet examen. C’est ce que je vous disais la dernière fois. Historiquement, la France est un partenaire marginal d’Israël en matière d’équipements de défense. Pour l’année 2022, le montant de nos exportations représente 0,1% du montant total de ce que nous exportons en termes de matériels de guerre pour la même année. Donc je vous renvoie effectivement aux propos que j’avais tenus préalablement.
Sur la question du Canada, c’est une décision qui a été prise pour le Canada, et je vous renvoie aux autorités canadiennes qui pourront, je pense, vous l’expliquer. Mais encore une fois, c’est une décision des autorités canadiennes.