Q&R - Point de presse live (12 juillet 2023)
Q - Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a déclaré hier que la décision française de fournir à l’Ukraine des missiles de longue portée est une erreur, ajoutant que des mesures de riposte seraient prises par la Russie. Puis-je avoir la réaction du Quai d’Orsay, s’il vous plaît ?
R - Le ministre des armées, M. Sébastien Lecornu, a eu l’occasion de s’exprimer, en rappelant que la livraison des missiles SCALP annoncée par le Président de la République s’inscrivait dans notre volonté de renforcer notre soutien à l’Ukraine dans la durée face à l’agression illégale conduite par la Russie contre l’Ukraine. C’est tout le sujet des discussions qui se tiennent aujourd’hui au sommet de l’OTAN. Et cette décision s’inscrit dans la doctrine qui est la nôtre depuis le début du conflit en matière de fourniture d’armes, et vous savez quelle elle est : il s’agit à la fois de répondre aux besoins de l’Ukraine, et ces besoins sont particulièrement criants en matière de défense antiaérienne et de capacité d’artillerie, ce sont les besoins qu’ils nous expriment ; le deuxième point est de ne pas être escalatoire ; et le troisième point étant de ne pas mettre en question les capacités françaises elles-mêmes. Cette décision, prise par le Président de la République et annoncée hier, répond à ces trois conditions.
Q - Concernant la mission de M. Le Drian au Liban, est-ce que cette mission est maintenue ? Et est-ce qu’il va assister lundi à la réunion qui se tient à Doha, du comité des cinq pays membres pour la crise libanaise, pour essayer de voir ce qui peut être fait pour le Liban ? Et à cette occasion, est-ce qu’il compte se rendre en Arabie saoudite la semaine prochaine ? Et d’autre part, il y a une tension dans le village d’al-Ghajar. Donc est-ce que la France a des contacts à ce sujet ? Et pensez-vous que ces tensions-là pourraient être apaisées, ou plutôt on s’attend à plus de problèmes ?
R - S’agissant de la première question, vous connaissez le cadre de la mission donnée à Jean-Yves Le Drian, représentant personnel du Président de la République pour le Liban. Il a eu l’occasion de s’entretenir encore la semaine dernière avec la Ministre pour faire un point sur sa première visite au Liban, qui a été l’occasion pour lui d’avoir des contacts avec les autorités civiles, religieuses et militaires, ainsi que les représentants de l’ensemble des formations politiques. Dans le cadre de cette mission, Jean-Yves Le Drian poursuit ses contacts avec nos principaux partenaires dans la région et nos partenaires internationaux intéressés à soutenir le Liban et à lui permettre de sortir de l’impasse. Le représentant personnel du Président de la République pour le Liban était en Arabie saoudite, ces derniers jours ; il se rendra en effet à Doha pour poursuivre ses consultations avec l’ensemble de nos partenaires.
Q - Il était en Arabie saoudite dernièrement ?
R - Il était en effet en Arabie saoudite. On vous communiquera les dates précises de son déplacement.
Q - Et concernant le village d’al-Ghajar et les tensions dans le sud ?
R - Je n’ai pas d’éléments particuliers sur ce point. Nous vous ferons un retour si vous nous adressez une question sur ce sujet.
Q - L’Azerbaïdjan a suspendu hier la circulation entre l’Arménie et le Haut-Karabakh. Donc sur le corridor de Latchine, est-ce que la France a un commentaire sur ce nouveau blocage ? Et est-ce que vous avez une proposition particulière à faire pour sortir de la crise ?
R - Vous savez que la France est mobilisée sur cette question, au plus haut niveau de nos autorités politiques, puisque la ministre était en Arménie et en Azerbaïdjan fin avril, et que le Président de la République a eu l’occasion de s’entretenir avec ces responsables, à l’occasion de plusieurs sommets internationaux. Nous sommes en effet fortement préoccupés par l’annonce faite par l’Azerbaïdjan, une nouvelle fois, de la suspension du passage des convois humanitaires le long du corridor de Latchine, entre l’Arménie et le Haut-Karabakh. Et comme l’avaient rappelé nos autorités, et notamment la Ministre Catherine Colonna à l’occasion de son déplacement, la liberté de circulation à travers le corridor doit être rétablie, conformément à la décision de la Cour internationale de justice, qui avait statué en la matière le 22 février 2023. Nous demandons donc à l’Azerbaïdjan que cette décision de la CIJ soit respectée.
Q - J’ai deux questions. Tout d’abord, sur le sommet UE-CELAC de lundi prochain à Bruxelles, je voulais savoir quels étaient les enjeux de ce sommet ? Et est-ce que l’objectif reste toujours, pour la France et pour l’UE, d’obtenir une signature UE-Mercosur d’ici la fin de l’année ?
Et deuxième question, concernant - vous en avez parlé tout à l’heure - l’invitation de Narendra Modi à Paris, dans le cadre des célébrations du 14 juillet. Dans un contexte où, on le sait, en Inde, où il y a un recul démocratique, tant du point de vue de l’opposition qui est écartée en vue des élections de 2024, que du recul du droit de la presse par exemple, est-ce que ce n’est pas un mauvais signal que de lui faire ces honneurs à Paris ? Et le sujet des droits de l’Homme et du droit de la presse, et des garanties démocratiques d’un scrutin en 2024, sera abordé lors de sa visite au Quai d’Orsay ?
R - S’agissant du sommet UE-CELAC, vous savez qu’il se tiendra le 17 et 18 juillet prochain à Bruxelles, et la France y attache une grande importance. Nous souhaitons qu’il puisse en effet contribuer à l’approfondissement du dialogue et de la coopération entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Pourquoi nous y attachons beaucoup d’importance ? Pour plusieurs points. Tout d’abord, parce que c’est une étape importante dans la relance d’un partenariat entre l’Union européenne et cette région, qui partage nos valeurs et des intérêts communs. C’est, par ailleurs, une priorité de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, que nous soutenons pleinement. Elément de relance, parce que c’est le premier sommet qui se tient depuis 2015, après huit ans sans sommet et huit ans qui ont été notamment marqués par le Covid. Donc nous souhaitons que ce soit un moment pour une nouvelle impulsion, un nouvel élan, sur la base des priorités qui ont été indiquées en 2019 par la Commission européenne - la prospérité, la démocratie, la résilience, la gouvernance mondiale -, et du programme qui a été élaboré par la Commission européenne et le SEAE en juin dernier. Donc c’est la marque d’un fort engagement politique des deux régions, exprimé également par les Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, et notamment par le Brésil.
Le partenariat avec cette région est également incontournable pour l’Union européenne, mais aussi pour la France sur les questions de gouvernance globale, comme je l’indiquais : en matière de multilatéralisme, de défense des principes du droit international ; de croissance et de commerce mondial, comme vous l’avez indiqué ; mais aussi d’enjeux globaux, tout particulièrement sur la protection de la diversité, et notamment de l’Amazonie, puisque cette région constitue un des poumons du monde. Et dans le cadre des travaux que nous menons en matière de biodiversité et de protection de l’environnement, nous souhaitons pouvoir approfondir notre partenariat avec cette région.
S’agissant de la visite du Premier ministre Modi, vous savez que l’Inde est l’invitée d’honneur de la France pour le 14 juillet. C’est l’occasion pour nous de marquer l’importance que nous attachons au partenariat stratégique entre l’Inde et la France, dont nous fêtons le 25ème anniversaire. C’est un partenaire stratégique, puisque l’Inde est, comme vous le mentionnez, une grande démocratie - la plus grande démocratie au monde -, et donc il est important que nous puissions travailler avec l’Inde sur les grands enjeux qui sont les nôtres, et en matière de défis mondiaux, et dans le cadre de la stratégie que nous développons dans l’Indopacifique. Nous avons, avec les autorités indiennes, une relation de confiance qui nous permet d’aborder tous les sujets en bilatéral, y compris les questions que vous avez évoquées. Et nous veillons par ailleurs à nouer des liens avec toutes les composantes de la société indienne : nous construisons des partenariats concrets avec toutes les ONG indiennes dans le pays, sur des sujets comme l’éducation, la liberté de la presse, ou l’égalité femmes/hommes. C’est un travail que nous menons au quotidien avec notre ambassade sur le terrain.
Q - Je souhaiterais poser une question par rapport à l’actualité. Total et le ministère du pétrole [irakien] ont passé un accord. Ma question est la suivante : Total ayant créé des installations qui vont permettre aux centrales électriques irakiennes d’alimenter tout cela en gaz et d’être moins dépendant des importations de gaz iraniennes, potentiellement cela risque de ne pas plaire à Téhéran ni aux milices irakiennes qui sont proches du régime de Téhéran. Du coup je voulais savoir s’il n’y avait pas un problème sécuritaire, et si le ministère des affaires étrangères français n’en avait pas parlé avec l’Iran très récemment, lors notamment de négociations de libération de prisonniers ?
R - L’entreprise Total a en effet signé récemment un contrat avec les autorités irakiennes, qui prévoit la mise en oeuvre d’un projet multi-énergies. Vous évoquez le gaz, mais il y a également toute une part de renouvelables, puisqu’il inclut la construction de la plus grande centrale solaire, de 1 gigawatt, dans le pays ; le premier projet photovoltaïque de cette ampleur en Irak. La France se félicite de la signature de ce contrat avec le groupe Total. Et comme vous le savez, cela vient s’inscrire dans une mobilisation de la France aux côtés de l’Irak, et en soutien à sa souveraineté. Et ce soutien à sa souveraineté passe notamment par l’appui à la mise en oeuvre de réformes structurelles et le renforcement de ses services publics, tout comme l’appui au développement d’infrastructures et de l’attractivité économique de l’Irak. Ce projet, il renforcera la souveraineté énergétique de l’Irak. Il renforcera la possibilité d’approvisionnement en énergie et en électricité pour la population irakienne. Et il permettra aussi de soutenir la transition énergétique de l’Irak, dans le cadre des engagements pris par les autorités irakiennes au regard de l’Accord de Paris. Ce type de projets d’infrastructure sont ceux que nous souhaitons voir faire l’objet de discussions également dans le cadre de la conférence de Bagdad, ce format dont nous souhaitons qu’il puisse se réunir pour la troisième fois dans le courant de l’année en Irak, et qui permettra précisément de discuter et de promouvoir des coopérations concrètes, qui peuvent être de nature économique, d’infrastructure ou de service, entre la totalité des pays de la région, avec pour objectif de renforcer la stabilité pour la région.
Q - Le Président Emmanuel Macron a annoncé hier que la France va envoyer des armes et des nouveaux missiles à l’Ukraine. Quels sont les détails que vous pouvez nous partager à ce sujet ? Quand et combien d’armes et de missiles la France compte envoyer à l’Ukraine ?
R - Je pense que le Président de la République reviendra sur ce point en conférence de presse plus tard, dans l’après-midi. En tout état de cause, nous avons pour habitude de ne pas donner de nombre en matière d’envoi d’équipements militaires à l’Ukraine, pour des raisons de sécurité opérationnelle des opérations ukrainiennes et de la livraison de ces équipements. Mais c’est évidemment une livraison significative, et un nouveau signe de notre soutien dans la durée à l’Ukraine face à l’agression illégale dont elle est la victime de la part de la Russie. Et cela s’inscrit dans une aide plus générale que vous connaissez, et qui porte notamment sur le renforcement des capacités ukrainiennes en matière de défense sol-air, en matière d’artillerie, mais aussi en matière de formation. Vous avez pu voir récemment le ministère des armées communiquer sur la formation que nous apportons aux forces armées ukrainiennes : 1 600 membres des forces armées ukrainiennes ont déjà été entrainées par les forces armées françaises en Pologne, et 3 600 autres en France, sur le sol français, ce qui est une contribution significative à l’effort fait par la totalité des Etats membres de l’Union européenne en ce domaine.
Q - Vous n’avez pas répondu sur les risques sécuritaires que peut faire peser l’Iran sur des probables prochaines installations de Total, en Irak en tout cas.
R - Les risques sécuritaires sont évidemment un des sujets pris en compte par les autorités irakiennes comme par les entreprises qui souhaitent investir en Irak. Mais comme je l’indiquais, notre souhait - et ce projet vient nourrir cette dynamique - est de soutenir la souveraineté irakienne, y compris sur le plan énergétique, et par ailleurs de promouvoir un dialogue fructueux et positif dans le cadre de la conférence de Bagdad, y compris sur cette question d’infrastructure énergétique.
Q - Excusez-moi, mais dans la conférence de Bagdad, il y aura des invités, des représentants iraniens ?
R - Absolument. La conférence de Bagdad est un format qui a été lancé il y a maintenant près de trois ans, et qui permet de réunir - et c’était un format inédit de ce point de vue - la totalité des acteurs de la région, y compris les autorités iraniennes.