Q&R - Point de presse live (11 avril 2024)
Q - Quelle est la réaction de la France au retrait israélien du sud de la bande de Gaza ? Et deuxième question, Monsieur le Ministre a évoqué dans son interview accordée à France 24 et à RFI des leviers d’influence sur Israël pour obtenir entre autres l’ouverture de passages pour l’aide humanitaire. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage ? Dans quels cas la France imposerait des sanctions sur Israël ?
R - Nous demeurons très fortement préoccupés par la dégradation de la situation à Gaza et notamment de la situation humanitaire, qui est aujourd’hui catastrophique. Le Ministre l’a dit : il faut un cessez-le-feu durable pour permettre la protection des populations civiles, mais aussi et surtout l’entrée de l’aide humanitaire de manière massive. À cela s’ajoute évidemment l’impératif absolu de libération des otages. Nous maintenons notre vigilance et notre grande fermeté quant à Rafah. Comme le Président de la République a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, nous sommes opposés à une intervention militaire israélienne à Rafah. Une telle offensive - je reprends les mots du Président de la République - ne ferait qu’accroître les pertes humaines et les souffrances et risquerait d’aggraver le risque et les conséquences d’un déplacement forcé massif de la population de Gaza, et entraînerait par là une menace d’escalade dans la région. Donc nous restons extrêmement attentifs à la situation dans le sud de la bande de Gaza.
Sur votre deuxième question, il n’y a pas de projet de sanctions contre Israël. Comme le Ministre l’a dit, la France a déjà pris des mesures de sanctions à l’encontre de colons responsables de violences en Cisjordanie. La France envisage d’autres mesures contre ces colons, en concertation avec ses partenaires. Ces mesures s’inscrivent dans cette logique de vouloir réduire le risque d’escalade dans la région. Mais encore une fois, il n’y a pas de projet de sanctions contre Israël à ce stade.
Q - Les Américains ont parlé aujourd’hui - ou hier soir, je ne sais plus - du risque d’attaque d’Israël par l’Iran. Est-ce que les services secrets français vous ont transmis des informations à ce sujet ?
R - Je ne peux pas vous répondre pour le compte d’une administration qui n’est pas le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Mais simplement, je vais vous redire que nous sommes extrêmement préoccupés par la situation. Le Ministre a toujours été très engagé pour éviter une escalade dans la région et appeler tous les pays de la région à la retenue. Nous sommes évidemment très préoccupés par la situation et nous évaluons en permanence les conditions sécuritaires de la zone, mais pour le moment, je n’ai pas de commentaire particulier à faire à ce stade sur ce sujet précis-là.
Q - Ma question porte sur la conférence humanitaire sur le Soudan. C’est de savoir qui va représenter ce pays : est-ce qu’il y aura des représentants de la part du gouvernement, l’opposition ou la société civile ? Quels sont les pays arabes ou africains qui sont invités ? Et quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés, que ce soit au plan humanitaire ou politique ? Et pourquoi les accréditations se font attendre ?
R - La conférence sur le Soudan, comme je le disais la semaine passée, a pour objet de réunir l’ensemble des partenaires impliqués. Les accréditations presse sont ouvertes jusqu’à ce soir. Mais en tout cas, dans la structure de cette conférence Soudan, il y a deux volets. Il y a un volet politique, effectivement, pour avoir des discussions sur la situation au Soudan et essayer d’aboutir à une solution qui puisse permettre l’arrêt des conflits. Et il y aura d’autre part une réunion sur le volet humanitaire, ainsi qu’une réunion avec les acteurs de la société civile, pour pouvoir là aussi essayer d’esquisser des solutions. Et cette réunion avec la société civile se tiendra en parallèle de cette conférence humanitaire pour le Soudan.
Encore une fois, l’idée de cette conférence, c’était de faire remonter cette crise en haut de l’agenda, parce que c’est une crise qui concerne, comme je vous le disais dans mes propos liminaires, 8 millions de personnes déplacées, et c’est une crise humanitaire extrêmement forte. L’idée est d’avoir une action dans deux directions différentes. Une action en terme humanitaire, pour apporter l’aide nécessaire aux populations et permettre l’acheminement de l’aide là où sont les populations. Et avoir une discussion politique pour essayer d’envisager quels pourraient être les paramètres d’une solution politique. Encore une fois, l’idée c’est de ne pas laisser le Soudan devenir une crise oubliée. Et dans la manière dont elle a été conçue, c’est à dire par la France avec la co-présidence de l’Allemagne et de l’Union européenne, l’ensemble des partenaires utiles de la région ont été invités. Je pense que nous serons en mesure de vous communiquer une liste plus précise.
Q - Mais du côté soudanais, qui va représenter ? C’est-à-dire qu’il y aura du côté du gouvernement, de l’opposition, il y aura… ?
R - Il y aura un ensemble d’acteurs, notamment de la société civile, qui seront là, comme je vous l’ai dit, pour pouvoir participer à cette réunion qui aura lieu, en marge de cette conférence, mais ce sont des acteurs de la société civile au sens large. L’objectif, encore une fois, le premier objectif de cette conférence, c’est un objectif humanitaire, et l’idée c’est d’avoir tous les acteurs utiles afin de pouvoir dégager des solutions concrètes pour permettre une amélioration de la situation humanitaire sur le territoire soudanais.
Q - Dans une résolution, le Conseil des droits de l’ONU réclame un embargo sur les armes à destination d’Israël. La France s’est abstenue lors de ce vote. Ce vote signifie-t-il que la France continuera de livrer des armes à Israël ? Qu’en est-il des révélations des médias Disclose et Marsactu sur l’utilisation de composants français dans les mitrailleuses israéliennes qui ont servi dans le massacre connu comme celui « de la farine », ces personnes qui venaient chercher de l’aide humanitaire ? Une enquête a-t-elle été menée sur ce sujet ?
R - Sur votre premier point, qui concerne la résolution qui a été soumise au Conseil des droits de l’Homme en fin de semaine dernière qui s’appelait « Situation des droits de l’Homme dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et obligation de garantir les principes d’une responsabilité et de justice de redevabilité », c’était une résolution qui était plus large que simplement les questions d’exportation d’armes. Nous avions préalablement à cette résolution votée en faveur de deux autres résolutions qui avaient été présentées au Conseil des droits de l’Homme, dont une qui était consacrée à la colonisation. Sur cette résolution, la France a fait le choix de s’abstenir pour trois raisons principalement. La première de ces raisons, c’est qu’on a considéré que la résolution anticipait le travail des juridictions internationales en qualifiant certains faits et actes. Or, comme vous le savez, comme je vous l’ai dit, en l’espèce, les mots ont un sens et quand on parle de génocide, il faut vraiment être certain de pouvoir utiliser ce mot. Or, vous savez comme moi qu’il y a des instances qui sont en cours devant les juridictions internationales, donc il nous semblait plus logique d’attendre que ces juridictions donnent leur avis avant de pouvoir utiliser ces mots dans ce contexte. La deuxième raison, c’est que la résolution ne condamnait pas explicitement les attaques du 7 octobre et avait tendance à nier un peu le droit d’Israël à se défendre. Et enfin parce que le texte de cette résolution comprenait une mention très problématique qui contestait la réalité de l’antisémitisme. Donc ce sont les raisons pour lesquelles nous nous sommes abstenus. Mais pour autant, au vu de la situation humanitaire catastrophique à Gaza, nous n’avons pas voté contre ce texte comme l’ont fait plusieurs pays européens. Nous avons fait le choix de l’abstention. Et je relève à cet égard que plusieurs grands États du sud se sont également abstenus sur cette résolution - c’est le cas de l’Inde notamment. Concernant les ventes d’armes, je pense que j’ai déjà eu l’occasion de répondre plusieurs fois à cette question. Et s’agissant du cas très spécifique que vous mentionnez, à savoir cet article de Disclose d’il y a quelques semaines, je ne peux que vous renvoyer aux déclarations du ministre des Armées sur le sujet. Le ministre des Armées s’est exprimé spécifiquement après la publication de cet article, donc je ne peux pas dire mieux que lui.
Q - Ma question est un peu loin des sujets qui ont été évoqués ici. Depuis quelques temps, les Iraniens, quand ils veulent obtenir un visa en Iran, à la place d’aller directement au consulat comme dans tous les pays, ils doivent se diriger vers une société privée. Je répète, privée. Et en plus, les questions très approfondies. Et en plus, il faut payer une somme, presque un tiers du billet d’un avion. Alors ma question était, est-ce que c’était votre choix, ou c’était le choix du régime pour ne pas avoir des liens directs entre les demandeurs de visa et les membres des ambassades ?
R - Dans le cadre de sa gestion du réseau consulaire, la France a fait le choix, comme plusieurs autres États d’externaliser la collecte des dossiers de visas. Et c’est la raison pour laquelle, dans beaucoup d’États, lorsque vous déposez une demande de visa pour la France, vous ne vous adressez pas directement au consulat, mais vous vous adressez dans un premier temps à une entreprise qui collecte ces données et qui ensuite retransmet ces données au consulat, qui instruit la demande. C’est ce qu’on appelle l’externalisation des demandes de visas. La France a fait ce choix dans beaucoup d’États du monde, mais d’autres de nos partenaires européens font exactement de même, à savoir que c’est un choix d’externalisation. Je pourrai vérifier et vous donner des éléments plus spécifiques, sur la manière dont le consulat de France à Téhéran collecte les demandes de visas des Iraniens qui souhaitent en déposer une.
Q - Une deuxième partie, c’est que vous imaginez si c’est une société privée, par exemple un membre de famille d’un réfugié, s’il donne toutes les informations… qui vous allez le voir et pourquoi, quelles garanties que cette société, encore une fois privée, ne donne pas une copie ?
R - Je vais avoir du mal à vous répondre sur des cas un peu hypothétiques, et je veux bien revenir vers vous plus tard avec des éléments spécifiques sur la manière dont sont organisées la collecte des dossiers de visas en Iran. Tout ce que je vous disais au début, c’est que d’une manière générale, il y a un mouvement actuellement d’externalisation de la collecte des dossiers de visas, et ce dans beaucoup de pays dans le monde. Et encore une fois, la France n’est pas le seul pays européen à opérer de cette manière.
Q - Je voulais savoir quelle était la position de la France, notamment en termes de participation, sur la conférence sur l’Ukraine qui aura lieu en Suisse ? On sait quelles ont été les réactions de Moscou à cette conférence. Est-ce que la France y participe ? Si oui, à quel niveau ? Qu’est-ce que vous en attendez ?
R - Effectivement, il y a une conférence de paix qui est organisée par la Suisse au mois de juin. C’est une conférence de paix qui nous semble aller dans le bon sens et qui s’inscrit dans la continuité du cadre du plan de paix porté par le président Zelensky. La France a fait valoir à de nombreuses reprises son soutien à toutes les initiatives en faveur d’une paix en Ukraine, initiatives qui sont respectueuses du droit international et susceptibles de concourir à une paix juste et durable pour l’Ukraine. La France participera activement à cette conférence de paix, qui aura lieu en Suisse au mois de juin.
Q - La France est-elle informée des dysfonctionnements graves de distribution d’aide humanitaire sous contrôle de l’ONU à Gaza ?
R - Si vous vous référez à un événement spécifique, je n’ai pas connaissance de cet événement-là. Ce que je sais c’est qu’effectivement l’acheminement de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza est problématique actuellement, et on l’a dit à plusieurs reprises. C’est la raison pour laquelle la position de la France est connue. C’est-à-dire qu’il faut permettre une entrée massive de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, ce qui signifie une ouverture des points d’acheminement routiers, qui permettra donc une entrée massive de cette aide humanitaire. Seule cette aide pourra permettre de faire face aux besoins de la population civile. C’est aussi la raison pour laquelle nous demandons un cessez-le-feu, puisque le cessez-le-feu sera aussi nécessaire pour pouvoir garantir un acheminement sûr et dans de bonnes conditions de l’aide humanitaire aux populations de Gaza.