Q&R - Point de presse live (8 novembre 2023)
Q - Concernant la conférence de demain sur Gaza, est-ce que la France espère toujours créer une coalition humanitaire ? Est-ce que la voie maritime est toujours envisagée par Paris ? Et puis qu’espérez-vous faire sans la présence d’Israël à cette conférence, qui est la clé au vu du blocus qui règne à Gaza aujourd’hui ?
R - Comme je l’indiquais, il s’agit d’une initiative prise par le Président de la République que d’accueillir cette conférence, qui constitue la première conférence humanitaire dédiée à l’aide que nous souhaitons apporter aux populations civiles de Gaza. Il s’agit pour nous de mobiliser les principaux acteurs qui sont d’ores et déjà impliqués pour apporter une réponse humanitaire aux besoins des populations civiles de Gaza. Vous savez que cette conférence permettra de réunir à la fois des États, des bailleurs internationaux, des organisations internationales, à commencer par les agences des Nations unies, qui sont les acteurs principaux de la réponse humanitaire en cours à Gaza, ainsi que des organisations, des ONG, qui sont actives sur le terrain.
Trois objectifs sont donnés à cette conférence et ont été rappelés par nos autorités. Celui de rappeler la nécessité du respecter du droit humanitaire et de la protection des civils. Celui de travailler, dans ce cadre-là, au renforcement de l’accès humanitaire. Et je rappelais la position de la France, qui est de demander un accès durable et sans entrave à l’accès humanitaire et à l’aide humanitaire. Ensuite de travailler sur les biens de première nécessité, qui sont aujourd’hui en manque à Gaza et dont le besoin se fait cruellement sentir, à la fois en matière de santé, en matière d’eau, en matière d’énergie et d’alimentation. Et enfin, de travailler à accroître la mobilisation humanitaire pour répondre à ces besoins, puisque vous savez que les Nations unies ont fait une estimation du besoin humanitaire, aujourd’hui, à Gaza, de l’ordre de 1,2 milliards de dollars. Ce matin, les États du G7 ont confirmé que, d’ores et déjà, 500 millions de dollars avaient été apportés par les membres du G7 pour répondre à cette réponse humanitaire. Vous savez que la France a déjà accru son aide humanitaire, et qu’elle pourra, dans ce cadre-là, annoncer un nouvel accroissement de sa mobilisation sur le plan humanitaire.
Il s’agit donc de rassembler toutes les bonnes volontés en la matière. S’agissant d’Israël, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec les autorités israéliennes en amont de cette conférence ; et en aval de cette conférence, nous aurons évidemment l’occasion de discuter avec eux des résultats qui auront été obtenus dans ce cadre-là.
Q - Vous avez évoqué un fonds international pour les médias d’intérêt public, initiative louable certes, mais pourriez-vous nous définir cette notion de « médias d’intérêt public » ?
R - Ce fonds est, à vrai dire, un acteur privé, donc je ne me permettrai pas de définir son mandat, mais la France le soutient. La France le soutient car ce fonds œuvre à soutenir les médias indépendants à travers le monde, et nous avons renforcé notre politique en la matière, dans un contexte où les médias indépendants sont aujourd’hui particulièrement menacés, y compris physiquement, puisqu’on a vu qu’un très grand nombre de journalistes avaient péri dans l’exercice de leurs fonctions. Et à cet égard, la Ministre a pu s’exprimer la semaine dernière, à l’occasion de la remise du prix Anna Politkovskaïa - Arman Soldin, pour marquer notre soutien aux journalistes et au courage qu’ils démontrent dans l’exercice de leurs fonctions. Cela vise à répondre à cet enjeu, mais aussi à répondre à d’autres enjeux, et notamment aux enjeux économiques, qui se posent aujourd’hui à la presse indépendante à travers le monde, face aux développements d’autres formes médiatiques notamment, à travers les plateformes de réseaux sociaux.
Q - Je voulais revenir sur la conférence sur Gaza… Est-ce que vous avez des informations sur le niveau de représentation ? Alors ce matin on a eu un briefing de l’Élysée qui n’a pas donné trop de réponses, mais… Est-ce que vous avez notamment des infos sur le niveau de représentation de l’Égypte, qui a l’évidence est centrale dans la question de l’ouverture de Gaza et de la possibilité de sortie des populations civiles ? Et par ailleurs, quel est le discours de la diplomatie française envers les pays arabes, qui montrent toujours une grande volonté de soutien aux Palestiniens depuis 70 ans, surtout quand, pardonnez-moi le raccourci, surtout quand ils n’ont pas de réfugiés, quand même. Donc est-ce que… Comment faire pour qu’effectivement, les pays arabes apportent une contribution sonnante et trébuchante, concrète ? Est-ce que vous êtes aussi dans cette forme de dialogue-là avec eux ?
R - S’agissant des participants, je crois que l’Élysée est revenu, plus tôt dans la matinée, sur ces participants, et a indiqué qu’une liste serait communiquée. Donc je vous renvoie à cette liste. Je n’ai pas encore celle-ci consolidée, donc je ne peux pas vous en partager le détail à ce stade.
La question de l’Égypte est évidemment un point crucial. Nous avons des contacts extrêmement étroits avec nos partenaires égyptiens. Vous savez que la Ministre a eu très souvent l’occasion de s’entretenir, ainsi que le Président de la République, avec son homologue, de la question de l’accès humanitaire et de l’aide humanitaire en Égypte. Et nous saluons le rôle de l’Égypte, et notamment du Croissant-Rouge égyptien, qui aujourd’hui joue un rôle central dans la fourniture de l’aide et l’accès à la bande de Gaza. Donc l’objectif de la conférence, c’est en effet d’accroître la mobilisation internationale, accroître au plan financier mais aussi accroître sur le principe de cet accès, qui aujourd’hui ne permet pas d’apporter une aide suffisante aux besoins de la population de Gaza. Donc cet appel est en effet fait à la totalité de nos partenaires.
Et je vous rappellerai qu’il y a eu d’ores et déjà de très nombreuses annonces de la part des pays arabes en matière humanitaire. Je parlais de l’Égypte à l’instant, mais également la Jordanie, qui est particulièrement mobilisée, notamment en soutien de l’hôpital de campagne qui se trouve à Gaza même et qui permet, encore aujourd’hui, d’apporter des soins aux populations de Gaza. Je peux également vous rappeler les annonces faites par les Émirats s’agissant de leurs mobilisations humanitaires. Donc je vous renvoie, à cet égard, à toutes les déclarations faites par nos partenaires arabes en matière d’aide humanitaire.
Cette volonté d’avancer sur l’accès, sur l’accroissement de l’aide humanitaire, il a été exprimé de façon très convergente aussi au Sommet du Caire pour la paix qu’avaient organisé les autorités égyptiennes, et qui a marqué d’ailleurs, le jour même, l’ouverture pour la première fois du point de passage de Rafah. Donc nos efforts, en la matière, sont convergents et il s’agit aujourd’hui de les accélérer pour répondre aux besoins immenses des populations de Gaza.
Q - Une question sur la coalition internationale contre le Hamas, proposée par le Président Macron. Quels sont les pays qui ont déjà répondu favorablement à cette initiative ? Et est-ce que cette initiative sera abordée demain dans la conférence humanitaire internationale ?
R - La conférence de demain est exclusivement centrée sur le volet humanitaire de notre action, avec les trois volets que j’ai rapportés, donc elle ne portera pas sur les questions de sécurité. En revanche, nous poursuivons en effet cette discussion avec nos partenaires. Comme je l’ai rappelé, la lutte contre le terrorisme est évidemment une de nos priorités. Et s’agissant de la coalition internationale qu’avait évoquée le Président de la République, il avait souligné la nécessité de tirer les enseignements d’autres expériences dans la région. Et notamment, il avait cité, à cet égard, la coalition contre Daech, qui avait permis, dans ce cadre-là, un certain nombre d’échanges. Donc il avait mentionné notamment la nécessité de s’en inspirer, s’agissant d’échanges de renseignements, s’agissant de lutte contre le financement du terrorisme. Et je vous réfère là encore au communiqué issu ce matin du G7, puisque ce point est abordé dans le cadre de ce communiqué, où les membres du G7 réaffirment leur volonté de travailler notamment sur ces aspects.
Q - L’Élysée et le Quai d’Orsay sont fortement critiqués par des ONG et l’opposition française pour leur insistance à appeler à une trêve humanitaire à Gaza plutôt qu’à un cessez-le-feu, ces critiques estimant qu’une trêve humanitaire excuserait Israël pour tout futur bombardement indiscriminé de la population civile à Gaza, comme c’est actuellement le cas. Pourquoi ne pas appeler simplement et directement à un cessez-le-feu ?
R - Je vous renvoie aux propos de la Ministre. La Ministre a exprimé très clairement que nous appelions à une trêve humanitaire, une trêve durable, soutenue, une trêve immédiate. Et je vous rappellerai que ces mots sont ceux de la résolution jordanienne qui a été votée à l’Assemblée générale des Nations unies et que la France a soutenue, ainsi que 120 autres États des Nations unies. Nous appelons à une trêve immédiate, soutenue, durable et nous rappelons - et la Ministre l’a rappelé très fortement ce week-end encore à Doha - que celle-ci doit pouvoir mener à un cessez-le-feu. Voilà la position de la France.
S’agissant de ce que vous évoquez de Gaza, la Ministre l’a rappelé : il y a trop de victimes civiles à Gaza. Et elle a martelé la nécessité de la protection des civils, qui est à la fois une obligation internationale et qui est un impératif moral. Et ce point-là est celui que nous faisons auprès des autorités israéliennes.
Q - Vu la poursuite des attaques indiscriminées contre les civils à Gaza, est-ce que la France pourrait envisager à un moment donné l’accueil de blessés palestiniens à Paris ?
R – Vous avez noté notre mobilisation s’agissant d’une aide médicale. Ce sujet a été notamment évoqué par le ministre des armées dans le cadre de son déplacement dans la région. Vous savez qu’un certain nombre de dispositifs ont été mis en place : le Tonnerre, qui vient d’être renforcé par un nouveau navire. Et il s’agit pour nous en effet de mettre à disposition des dispositifs qui seraient prêts à participer, à apporter une aide médicale supplémentaire, dont nous savons qu’elle est nécessaire aujourd’hui aux populations de Gaza. Et ce seront évidemment des points qui seront évoqués demain dans le cadre de la conférence humanitaire pour les populations, puisqu’un des points essentiels est évidemment de discuter de cette fourniture de moyens de santé, de capacités de santé, qu’il s’agit aujourd’hui de pouvoir renforcer au bénéfice des populations de Gaza.
Q - La France a rappelé, vous venez de le faire aussi, qu’Israël a le droit de se défendre, mais qu’Israël doit le faire dans le respect du droit international. Est-ce que la France considère que c’est le cas actuellement ? Et deuxième question : est-ce qu’il n’y a pas une contradiction, finalement, entre cette conférence humanitaire annoncée demain et le principe, justement, de ce droit d’Israël à se défendre, ce qui signifie concrètement des bombardements ininterrompus depuis des semaines, et qui touchent principalement des populations civiles ?
R – Je reviens sur ce que j’ai indiqué : comme nous l’avons dit, il y a trop de pertes civiles aujourd’hui à Gaza. Une vie est une vie, la Ministre l’a rappelé, et les populations palestiniennes n’ont pas à payer pour les crimes du Hamas. C’est quelque chose que nos autorités ont réitéré, et ce message est évidemment passé avec beaucoup de force. La protection des civils sera en haut de l’agenda de la conférence humanitaire qui se tient demain. Et c’est encore une fois, je le répète, une obligation qui s’impose à tous les États et qui s’impose également à Israël. Il n’y a donc pas de contradiction à faire une conférence humanitaire demain. Cette conférence humanitaire, elle vise à répondre à une urgence humanitaire qui est là, tout le monde le voit. La catastrophe humanitaire, nous devons contribuer à l’éviter à Gaza, en contribuant à accroître cette aide qui aujourd’hui fait défaut et n’arrive pas à la hauteur des besoins immenses de la population gazaouie. Et cela fait partie de nos efforts pour répondre à cette urgence humanitaire.
Q - À la suite de déclarations de Benjamin Netanyahou, les États-Unis se sont prononcés contre la perspective d’une réoccupation de la bande de Gaza par Israël. Je souhaiterais savoir si la France adopte la même position, s’il vous plaît ?
R - Je crois que cela me renvoie au troisième point que j’ai fait dans mon introduction. Le Président de la République l’a rappelé, la Ministre l’a rappelé : nous estimons aujourd’hui que la sécurité d’Israël ne peut être durable sans une relance décisive du processus politique avec les Palestiniens, sur la base de la solution des deux États. Et donc, en ce sens, il est évident que Gaza doit revenir aux Palestiniens et être partie intégrante d’un futur État palestinien, conformément aux paramètres définis par la communauté internationale, de la solution des deux États, dans les lignes de 1967, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. C’est à nos yeux la seule solution qui pourra durablement apporter la paix et la sécurité pour tous dans la région. Et la fin de l’occupation est à, cet égard, dans l’intérêt des Israéliens autant que des Palestiniens.
Q - Une annonce a été faite hier, relative à une aide militaire française au Liban - plusieurs blindés, on n’a pas précisé de quelle sorte. Est-ce pour que l’armée libanaise soit en meilleure position au moment où on voit cette hégémonie et cette lourde présence du Hezbollah sur le territoire libanais, à un moment où les tensions sont exacerbées, avec un risque d’entraîner le Liban dans la fournaise ?
R - Je vous renvoie vers les déclarations qu’a faites le ministre des armées ce weekend, notamment pour les aspects opérationnels de la fourniture d’équipements aux forces armées libanaises. Vous connaissez la position constante de la France à cet égard : les forces armées libanaises sont une composante essentielle quand il s’agit de la stabilité du Liban. Et donc c’est dans ce cadre que le ministère des armées a marqué notre souhait de continuer à les soutenir et de renforcer ce soutien avec ces nouveaux équipements. Sa visite a aussi été l’occasion, comme l’avait fait Mme Colonna il y a quelques semaines, de rappeler le risque d’embrasement régional et le fait que le Liban serait la première victime d’un tel embrasement, et donc d’appeler toutes les parties à éviter de rentrer dans cette logique d’escalade, et éviter évidemment de nourrir un embrasement dont les Libanais et le Liban seraient aussi les victimes.
Q - Concernant l’inscription d’étoiles de David sur des murs à Paris et en banlieue parisienne, une enquête est ouverte et, selon les informations du Monde, le commanditaire serait un homme d’affaires moldave. Est-ce que vous voyez derrière tout ça, est-ce que vous craignez derrière tout ça une tentative de déstabilisation, et venue d’où ?
R - S’agissant de la commission de ces actes tout à fait abjects, vous savez qu’une procédure judiciaire est en cours, donc je n’ai évidemment pas de commentaire à faire là-dessus. S’agissant de possibles inférences étrangères, je ne peux pas, à ce stade, vous donner d’éléments. Nous pourrons peut-être revenir vers vous à ce sujet.