
Axes de lutte contre la prolifération nucléaire
Premier axe : la réponse aux crises de prolifération
La prochaine Conférence d’examen du TNP se tient dans un contexte marqué par plusieurs crises graves liées à la prolifération nucléaire. Ces crises, intervenues alors même que l’arsenal total des armes nucléaires à l’échelle mondiale avait été réduit de plus d’un quart depuis la fin de la guerre froide, ont fait l’objet d’une réaction ferme de la communauté internationale, avec l’adoption de plusieurs résolutions du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA et du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les violations par certains États de leurs obligations au titre du TNP ont ébranlé la confiance de la communauté internationale dans le régime international de non-prolifération. Elles sont également susceptibles de nuire au développement de la coopération internationale dans le domaine des usages pacifiques de l’énergie nucléaire, au détriment de tous les autres États qui sont respectueux de leurs obligations.
Pour préserver l’architecture internationale de sécurité, les Etats parties au TNP doivent adopter une réponse ferme et déterminée à toutes les crises de prolifération. Une vigilance particulière doit être apportée à l’Iran et la Corée du Nord.
Le programme nucléaire iranien

La crise nucléaire iranienne, qui a commencé en 2002 avec la découverte du développement par l’Iran d’un programme nucléaire clandestin, est emblématique à cet égard. Téhéran a en effet poursuivi pendant plus de dix ans des activités nucléaires sensibles, en particulier dans les domaines de l’eau lourde et de l’enrichissement de l’uranium, sans usage civil crédible et en violation de six résolutions du Conseil de sécurité.
Face à cette crise, la France, avec ses partenaires, a toujours poursuivi un objectif clair : garantir la finalité exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien, avec une méthode adaptée, alliant ouverture au dialogue et fermeté. Cette double approche, qui s’est notamment traduite par un renforcement des sanctions internationales à partir de 2010 et des négociations en format UE/E3+3 (France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Russie, Chine) à partir de 2013, a permis d’aboutir à l’adoption de l’accord de Vienne le 14 juillet 2015.
Le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action ou plan d‘action global commun, PAGC) est un accord de non-prolifération visant à un encadrement strict du programme nucléaire iranien, afin de diminuer le risque de voir l’Iran développer une arme nucléaire. Il a porté ses fruits pendant ses premières années de mise en œuvre.
Les États-Unis se sont retirés de l’accord le 8 mai 2018. Depuis 2019, l’Iran a accumulé les violations de ses engagements nucléaires au titre du JCPoA. Des négociations en vue du retour des Etats-Unis au JCPoA et de l’Iran à sa pleine mise en œuvre ont eu lieu en 2021-2022 mais n’ont pu aboutir du fait du refus par l’Iran du texte final soumis par le Coordinateur du JCPoA en août 2022.
L’Iran continue de porter son programme nucléaire à des niveaux sans précédent, en conduisant des activités sans aucune justification civile crédible et en violation du JCPoA. Les stocks d’uranium enrichi ont atteint des niveaux considérables, plus de trente-cinq fois supérieurs à ceux définis dans le JCPoA. L’Iran produit de l’uranium enrichi jusqu’à 60% quand le JCPoA ne l’autorisait que jusqu’à 3,67%, et augmente ses stocks d’uranium hautement enrichi à des niveaux sans précédent pour un État sans programme d’armes nucléaires. Un pic d’enrichissement à 83,7 % a même été rapporté par l’Agence internationale pour l’énergie atomique en janvier 2023. L’Iran continue également d’améliorer ses capacités d’enrichissement, construit et installe des milliers de centrifugeuses avancées, notamment dans son installation souterraine à Fordo, en excès par rapport aux limites définies par le JCPoA. Enfin, en 2021, l’Iran a produit de l’uranium métal, activité qui n’a aucune justification civile crédible dans le cadre du programme nucléaire du pays. L’ensemble de ces activités jette un doute sérieux sur les intentions iraniennes, alors que de nombreux officiels ont multiplié à partir de 2024 des déclarations sur la capacité technique de l’Iran à assembler une arme nucléaire et un potentiel changement de « doctrine nucléaire ».
Par ailleurs, l’Iran a substantiellement réduit sa coopération avec l’AIEA depuis février 2021, affectant les capacités de vérification et de contrôle que l’Agence doit mettre en œuvre pour assurer ses missions au titre du JCPoA et de l’accord de garanties généralisées de l’Iran avec l’Agence. Cela a de graves conséquences sur la capacité de l’Agence à fournir une assurance quant à la nature pacifique du programme nucléaire iranien. Le refus par l’Iran d’appliquer les mesures de transparence prévues dans le JCPoA a conduit à la perte de continuité de la connaissance de la part de l’Agence sur des pans entiers du programme.
En outre, l’AIEA a ouvert il y a cinq ans des enquêtes sur les dossiers dits « en suspens » en matière de garanties, portant sur la détection de matières nucléaires sur des sites non-déclarés. Le Conseil des Gouverneurs de l’AIEA a adopté plusieurs résolutions, appelant l’Iran au respect de ses obligations juridiques en matière de garanties, et à la pleine coopération avec l’Agence. Face au manque de coopération de l’Iran avec l’Agence, la dernière résolution adoptée par le Conseil, en novembre 2024, appelle le Directeur général de l’Agence à produire un « rapport complet » sur l’application des garanties en Iran. Ce sujet est crucial pour l’intégrité de l’architecture globale de non-prolifération, dont le système des garanties et le rôle de vérification de l’AIEA constituent le socle essentiel.
Nous demeurons pleinement déterminés à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Nous nous coordonnons avec nos partenaires, en particulier en E3 et avec les États-Unis, pour enrayer l’escalade nucléaire et retrouver le chemin d’une solution diplomatique, qui demeure la meilleure manière d’encadrer le programme nucléaire iranien.
Les mesures de contre-prolifération : le cas de la Corée du Nord
La Corée du Nord est le seul Etat à avoir procédé à des essais nucléaires au XXIe siècle et elle poursuit ses programmes nucléaire et balistique en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
La France a condamné fermement tous les essais nucléaires auxquels la Corée du Nord a procédé ainsi que ses tirs de missiles balistiques.
La France a contribué à l’adoption des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui renforcent les sanctions internationales à l’encontre du régime nord-coréen. Elle appelle instamment la Corée du Nord à s’abstenir de tout geste risquant d’accroître les tensions, à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, au respect des obligations du TNP, à procéder au démantèlement complet, vérifiable et irréversible de ses programmes nucléaire et balistique. Pyongyang doit faire toute la lumière sur ses activités nucléaires présentes et passées et rétablir l’accès des inspecteurs de l’AIEA à son territoire. Elle doit également cesser tout transfert de capacités et de biens sensibles dans les domaines nucléaire et balistique.
La menace que représentent les programmes nucléaire et balistique nord-coréen n’est en effet pas uniquement régionale mais est globale. Chaque action illégale du régime nord-coréen exige une réponse ferme et déterminée de l’ensemble des États pour lutter contre cette menace et préserver le système international de non-prolifération ainsi que l’autorité du Conseil de sécurité.
La communauté internationale doit demeurer unie face à la crise de prolifération nord-coréenne : la pression diplomatique et économique a pour vocation d’inciter la Corée du Nord à engager des négociations sur la dénucléarisation. Les sanctions sont nécessaires pour conduire le régime à renoncer à ses programmes proliférants et préserver le second pilier du TNP. La France appelle tous les États à mettre en œuvre pleinement et scrupuleusement les sanctions internationales et poursuit ses efforts avec ses partenaires de l’UE pour renforcer les sanctions autonomes contre la RPDC.
A ce titre, nous déplorons le véto de la Russie qui a mis fin en mars 2024 au mandat du Groupe d’experts du Comité 1718 du Conseil de sécurité des Nations unies chargé de la mise en œuvre des sanctions internationales. Nous continuerons de condamner les violations flagrantes des résolutions du Conseil, y compris les transferts d’armes, de missiles balistiques et de troupes combattantes à la Russie, dans le cadre de la guerre d’agression contre l’Ukraine.
Dans ce contexte, la France et la Corée du Sud proposeront à nouveau une déclaration conjointe] condamnant le programme nucléaire militaire nord-coréen, lors du troisième Comité préparatoire du TNP (avril-mai 2025), témoignant de la mobilisation de la communauté internationale sur le dossier nord-coréen.
La clause de retrait de l’article X du TNP
L’annonce par la Corée du Nord de son intention de quitter le TNP (10 janvier 2003) a ouvert un débat sur le retrait du traité et ses conséquences, ainsi que sur l’interprétation à donner à l’article X du TNP.
La France a déjà exprimé plusieurs fois sa position sur l’interprétation de cet article. Le droit de retrait n’est ainsi pas contesté mais ne peut s’exercer à titre préventif. La décision doit par ailleurs être notifiée au moins trois mois avant le retrait auprès des États parties au TNP ainsi qu’au Conseil de sécurité des Nations unies. La Corée du Nord n’ayant pas respecté ces conditions, son retrait est invalide.
Il convient de noter que dans l’hypothèse où les conditions seraient respectées, l’État concerné resterait lié par certains engagements juridiques et politiques antérieurs, et en particulier, sa responsabilité internationale pour les violations du TNP commises avant le retrait.
Il est donc essentiel que soit traitée la question des conséquences d’un retrait. Il ne serait en effet pas acceptable qu’un État, après avoir bénéficié des dispositions et de la coopération prévues par l’article IV pour acquérir des matières, installations et technologies nucléaires, se retire ensuite du Traité et les utilise à des fins militaires.
La réflexion sur les modalités de mise en œuvre de l’article X, déjà entamée en 2004 à l’initiative de la France et de l’Union européenne, doit donc se poursuivre afin de prévenir d’éventuels abus, comme la France l’a rappelé à plusieurs reprises.
La résolution 1887 du Conseil de sécurité adoptée le 24 septembre 2009 contient plusieurs dispositions dans ce domaine et souligne en particulier le rôle du Conseil de sécurité des Nations unies pour traiter des cas de retrait du TNP.
Deuxième axe : renforcer le régime international de non-prolifération nucléaire
La France considère qu’il est indispensable de soutenir et renforcer le régime international de non-prolifération nucléaire, sur plusieurs axes.

Dean Calma/IAEA
Le soutien au système des garanties de l’AIEA
La France est attachée au rôle central du système de garanties de l’AIEA, pilier du régime de non-prolifération nucléaire. Elle appuie les efforts de l’Agence, pour faire en sorte que son système de garanties demeure pleinement efficace et crédible, notamment par l’universalisation et le renforcement de ce système.
Ces garanties visent à prévenir la prolifération des armes nucléaires en détectant en amont les détournements à des fins militaires de la technologie nucléaire. Leur acceptation par les États non-dotés est inscrite à l’article III du TNP.
Il existe trois types d’accords de garanties avec l’AIEA :
- Les accords de garanties généralisées, par lesquels un État s’engage à accepter que l’AIEA applique des garanties à toutes les matières nucléaires utilisées dans toutes les activités pacifiques exercées sur son territoire, et s’assure de l’absence de leur détournement vers l’élaboration d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs ;
- Les offres de soumission volontaire aux garanties, conclus par les cinq États dotés, qui autorisent l’AIEA à appliquer des garanties aux matières nucléaires sur certaines de leurs installations ;
- Les accords de garanties relatifs à des éléments particuliers, qui permettent à l’AIEA d’appliquer ses garanties aux matières nucléaires et installations précisées dans l’accord. Ceux-ci ne concernent actuellement que les trois États non-parties au TNP (Israël, l’Inde et le Pakistan) ;
- En outre, un protocole additionnel, pour chacun des trois types d’accords, donne à l’AIEA un accès plus important à l’information et aux sites nucléaires d’un État, avec un court préavis, afin d’exercer un meilleur contrôle sur l’utilisation pacifique des matières nucléaires et de s’assurer de l’absence d’activités ou de matières nucléaires non déclarées.
Le renforcement des garanties de l’AIEA se fait au bénéfice de tous : la crédibilité et l’efficacité du système des garanties de l’AIEA sont des éléments déterminants permettant le développement responsable du nucléaire civil. Leur non-respect menace la confiance mutuelle et nuit aux coopérations en faveur des usages pacifiques de l’énergie nucléaire.
Au sein du système de garanties, l’application d’un protocole additionnel, conjuguée à la mise en œuvre d’un accord de garanties généralisées, est essentielle à l’obtention d’assurances complètes de respect des engagements de non-prolifération. C’est donc un pilier essentiel du régime de non-prolifération nucléaire.
La communauté internationale s’est mobilisée pour assurer la promotion des accords de garanties et des protocoles additionnels. La France ne ménage pas ses efforts pour soutenir ces actions et y contribue activement par son action diplomatique.
- 182 États ont des Accords de garanties généralisées en vigueur
- 143 États ont un protocole additionnel en vigueur
- 3 États non parties au TNP ont signé et ratifié des accords de garanties spécifiques avec l’AIEA
- Les 5 États dotés de l’arme nucléaire ont signé et ratifié des accords de soumission volontaire aux garanties de l’AIEA ainsi qu’un protocole additionnel
La France et les garanties de l’AIEA
Le soutien aux garanties est un élément important de la politique de la France envers l’AIEA. L’expertise et l’aide techniques que la France apporte dans le domaine de la vérification confortent les actions de l’Agence. Il se concrétise en particulier au travers du Programme Français de Soutien aux Garanties de l’AIEA (PFSG) officiellement créé en 1982.
La France veille à ce que l’AIEA dispose, pour que sa mission de vérification soit crédible, de moyens humains, financiers et techniques en adéquation avec le mandat que la communauté internationale lui a confié. Elle reste en outre attentive à un financement adéquat des autres priorités de l’Agence, et tout particulièrement des activités de promotion et de coopération technique.
Pour contribuer au renforcement des garanties de l’AIEA, la France a fait une offre volontaire de soumission aux garanties de l’AIEA de certaines matières nucléaires, dans le cadre d’un accord trilatéral France–Euratom-AIEA entré en vigueur le 12 septembre 1981. L’AIEA exerce un contrôle de finalité dont l’objectif est de vérifier que les matières nucléaires qui lui sont soumises ne sont pas retirées des activités civiles. Par ailleurs, la France a signé, le 22 septembre 1998, un Protocole additionnel à son accord de garanties. Ce protocole est entré en vigueur, en même temps que ceux des autres pays membres de l’Union européenne, le 30 avril 2004. Le Protocole additionnel français contribue à renforcer la capacité de l’Agence à détecter des matières et activités non déclarées dans les États non dotés.
Enfin, la France, comme ses partenaires de l’Union européenne, fait l’objet de contrôles internationaux sur les matières nucléaires civiles. Ces contrôles sont menés par deux organismes internationaux : l’AIEA et la Commission européenne (dans le cadre de la mise en œuvre du chapitre VII du Traité Euratom). L’ensemble des installations nucléaires civiles en France font l’objet d’inspections internationales. Ainsi en 2023, 292 inspections ont été réalisées (282 inspections Euratom par la Commission européenne et 10 inspections par l’AIEA).
- Site du Comité Technique Euratom :
La France appuie les efforts de l’AIEA pour que son système de garanties demeure pleinement efficace et crédible. Nous soutenons à cet égard les efforts d’universalisation du protocole additionnel, ainsi que l’évolution du système vers un concept de mise en œuvre des garanties plus spécifique aux États (« State-level concept ») et fondée sur toutes les informations pertinentes disponibles.
Le soutien et l’assistance au renforcement du régime de non-prolifération
La France participe activement aux initiatives en cours visant à renforcer concrètement le régime de non-prolifération, pour répondre aux défis qui menacent l’avenir du TNP. Elle s’engage, en particulier, en faveur de la création de mécanismes multilatéraux concernant les régimes de vérification, ainsi que dans le domaine du cycle du combustible nucléaire. Elle fournit également une assistance, en tant que de besoin, au désarmement et à la non-prolifération, et apporte notamment son soutien aux zones exemptes d’armes nucléaires.
Le soutien aux régimes internationaux de fournisseurs
Le contrôle des exportations est un outil à la disposition de la communauté internationale pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. La France apporte son soutien et participe activement aux cinq différents régimes internationaux de contrôle des exportations (NSG, comité Zangger, MTCR groupe Australie, Arrangement de Wassenaar). La France s’attache dans ce cadre à contrôler de façon stricte les exportations de biens et technologies sensibles à double usage, c’est-à-dire susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire. À ce titre, l’exportation des biens et technologies n’est pas interdite a priori mais fait l’objet d’un contrôle, généralement sous la forme d’une obligation de licence. Le contrôle des exportations est ainsi essentiel au développement du commerce de ces biens et technologies car il crée de la confiance en donnant aux fournisseurs des assurances sur l’usage pacifique de leurs exportations.
Au niveau européen, le règlement n°821/2021 est la base légale des États membres relative au contrôle des exportations de biens à double usage. Il intègre les recommandations des différents régimes de contrôle, qui sont ensuite directement applicables dans le droit national de chacun des États membres. Grâce à la clause « attrape-tout », il est désormais possible de contrôler l’exportation d’articles ne figurant pas sur une liste de contrôle, lorsque ceux-ci peuvent avoir un lien avec la fabrication d’armes de destruction massive ou être destinés à un pays soumis à embargo.
Les groupes de fournisseurs nucléaires
Le Comité Zangger a été constitué à la suite de l’entrée en vigueur du TNP, afin d’assurer la mise en œuvre de la clause de non-transfert de matières ou d’équipements à finalité nucléaire non soumis aux garanties de l’AIEA prévues dans le Traité (Article III paragraphe 2 du TNP). Ses membres ont défini en 1972 des règles communes (Understandings) pour l’exportation des biens visés par cet article.
Le Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) né après l’essai nucléaire indien de 1974, compte aujourd’hui 48 gouvernements participants. Il vise à contribuer à la non-prolifération des armes nucléaires à travers la mise en œuvre de deux directives concernant les exportations 1/ de matières, d’équipements et de technologies nucléaires (Part I), et 2/ d’équipements, de matières et de logiciels à double usage dans le domaine nucléaire, ainsi que de technologies connexes (Part II). Ces directives (guidelines) listent les biens dont les exportations doivent être contrôlées ainsi que les conditions de fourniture associées. Cet ensemble de règles est retranscrit dans la base législative des Gouvernements participants et trouvent une traduction concrète dans la mise en œuvre des systèmes respectifs de contrôle des exportations.
Les réunions du NSG ont pour objectifs 1/ la mise à jour des directives, 2/ des échanges d’informations relatives à la lutte contre la prolifération des armes nucléaires en lien avec les exportations (partages sur les réseaux, les schémas d’acquisition et les transferts illicites et discussions sur les moyens d’action, identification des pratiques de mise en œuvre et des moyens de faire respecter les contrôles aux exportations).
Des notifications sont également partagées sur les refus opposés aux entreprises par les États membres.
La France contribue activement dans ce cadre aux efforts internationaux de lutte contre la prolifération, notamment pour assurer le maintien à jour des listes de contrôle du NSG et encourage les efforts de transparence du régime.
La France veille par ailleurs à ce que la réalisation des objectifs de non-prolifération du NSG n’empêche pas le développement des coopérations légitimes en matière d’usages pacifiques de l’énergie nucléaire. La France est engagée à titre bilatéral dans un grand nombre de coopérations nucléaires civiles et intervient en tant que prestataire de services ou exploitant sur toutes les étapes du cycle du combustible nucléaire civil. Ces partenariats, y compris avec des États non membres de régimes de contrôle export, témoignent de notre engagement en faveur de l’accès aux usages pacifiques du nucléaire.
Le Régime de contrôle de la technologie des missiles
Dans le cadre de son action pour maîtriser la prolifération des missiles, la France joue un rôle central dans la mise en œuvre du Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR), qu’elle a contribué à créer au sein du G7, et dont elle assure le secrétariat permanent ("point de contact") depuis 1990. Le MTCR, qui compte actuellement 35 membres, repose sur l’adhésion à des directives communes relatives aux politiques nationales d’exportation, qui s’appliquent à une liste d’équipements, de logiciels et de technologies (« annexe technique ») visant à limiter la prolifération des vecteurs d’armes de destruction massive. La France a participé à l’élaboration et à l’évolution de l’annexe technique du MTCR, entrée en vigueur le 7 avril 1987, qui établit la liste des biens dont les transferts doivent être contrôlés par les États. Elle participe régulièrement aux réunions d’experts visant à faire évoluer ce texte pour assurer que les contrôles d’exportations prennent en compte les dernières évolutions technologiques dans le domaine des vecteurs d’armes de destruction massive.
Le MTCR compte actuellement 35 États membres :
Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, République de Corée, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Inde, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède, Suisse, République tchèque, Turquie, Ukraine.
Continuant de faire du contrôle efficace des exportations une priorité, les pays membres ont décidé en 2003 d’inclure une clause "attrape-tout" dans les directives du Régime, qui permet de contrôler l’exportation d’articles non listés susceptibles de contribuer à des systèmes de lancement d’armes de destruction massive.
Le soutien au système de surveillance international du TICE
La France promeut l’achèvement du régime de vérification mis en place par l’OTICE (International monitoring system et International Data Centre) par la construction et la mise en service de stations de surveillance et la participation aux exercices et aux formations des inspections sur place. En cohérence avec son appui politique au traité qu’elle a ratifié dès 1998, la France a pleinement mis en œuvre ses engagements pour le déploiement anticipé du système de surveillance international (SSI) en construisant et en certifiant les 16 stations de sa responsabilité au titre du traité, et en assurant la transmission continue de toutes les données issues de ces stations avec le degré d’exigence et de disponibilité définies par le TICE. Aujourd’hui, 90% du réseau de surveillance prévu par le traité est désormais certifié. Ce réseau, d’une très grande sensibilité (en dessous de l’énergie de 1000 tonnes équivalent TNT ), a été capable de détecter les essais nord-coréens. Cette réussite technique ne doit pas faire oublier la nécessité de l’entrée en vigueur, qui seule permettra la mise en œuvre des inspections sur place qui sont indispensables pour la levée de doute.
Il est essentiel de rappeler que le TICe permet dès aujourd’hui de contrôler la bonne mise en œuvre des moratoires sur les essais nucléaires : à ce titre, il constitue une action de transparence sans égal de la part de la France et une mesure de confiance unique.
Le soutien aux mécanismes multilatéraux pour le cycle du combustible nucléaire
Les technologies du cycle du combustible (notamment enrichissement et retraitement) sont particulièrement sensibles, car elles sont susceptibles d’un usage tant militaire que civil. Il est donc nécessaire d’exercer une vigilance particulière pour leurs exportations et, en parallèle, de mettre en place des mécanismes multilatéraux dans ce domaine.
À l’occasion de sa présidence de l’Union européenne, la France s’est engagée, conjointement avec ses partenaires européens, en faveur d’une participation financière (jusqu’à 25 millions d’euros) et technique de l’Union européenne à la constitution d’une banque d’uranium faiblement enrichi sous l’égide de l’AIEA. Cette banque, inaugurée le 24 août 2017 au Kazakhstan, doit permettre de favoriser le développement de programmes électronucléaires économiquement viables et de prévenir la dissémination de certaines technologies sensibles du cycle du combustible, comme l’enrichissement. La constitution de cette banque d’uranium faiblement enrichi est complémentaire d’autres solutions pragmatiques et concrètes que la France soutient.
Par ailleurs, la France s’est engagée, dans le cadre du NSG, en faveur de l’adoption de critères plus stricts pour l’exportation des technologies du cycle du combustible nucléaire. Dès le début des années 2000, la France a promu l’adoption d’une approche par critères (en particulier respect des engagements internationaux en matière de non-prolifération) permettant d’autoriser les exportations des technologies de l’enrichissement et du retraitement en les encadrant. En juin 2011, les Gouvernements participants au NSG sont parvenus à s’entendre sur la modification des Directives à cette fin, permettant d’encadrer strictement le transfert des biens et technologies liés à l’enrichissement et au retraitement et contribuant au renforcement du régime de non-prolifération.
Lutter contre la prolifération de vecteurs d’armes de destruction massive
La France est également un Etats signataire du Code de conduite de la Haye de lutte contre la prolifération des missiles balistiques (HCoC), qui instaure des mesures de confiance et de transparence en matière de missiles balistiques capables d’emporter des armes de destruction massive (pré-notifications de tirs, déclarations annuelles, visites de sites sur une base volontaire).
La France contribue, en application du règlement 428/2009 de l’UE, à lutter contre la prolifération des vecteurs d’ADM, en contrôlant ses exportations de biens et de technologies pouvant contribuer à la prolifération de ces systèmes
Soutien aux zones exemptes d’armes nucléaires et octroi de garanties de sécurité
Depuis 1982, la France fournit des garanties de sécurité négatives à plus d’une centaine d’États non dotés d’armes nucléaires qui respectent leurs obligations de non-prolifération. Cet engagement pris par la France, ainsi que par d’autres États dotés d’armes nucléaires, est consacré dans la Résolution 984 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) en 1995, qui a été réitérée dans la Résolution 1887 (2009) et la Résolution 2310 (2016) du CSNU. En 2015, les garanties négatives données par la France aux Etats non dotés ont été réitérées au niveau du Président de la République qui a reconnu qu’il s’agissait d’attentes « légitimes ».
La France soutient également une approche régionale en matière de désarmement et de non-prolifération, à travers la création de zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN). Celles-ci incluent à la fois des États régionaux – qui ont renoncé à posséder des armes nucléaires ou à autoriser le stationnement de telles armes sur leur territoire – et, parfois, des parties du territoire d’États qui ne font pas partie de la région – dans la plupart des cas, des États dotés qui se sont engagés à ne pas déployer d’armes nucléaires dans les zones concernées.
La France est ainsi partie à la plupart des protocoles des traités créant des ZEAN. En plus du Traité sur l’Antarctique de 1959 (qui prévoit une démilitarisation complète), la France est partie aux protocoles du Traité de Tlatelolco (ratifié en 1974 et 1992), du Traité de Rarotonga (ratifié en 1996), du Traité de Pelindaba (ratifié en 1996) et du Traité de Semipalatinsk (rejoint en 2014) créant des zones exemptes d’armes nucléaires respectivement en Amérique latine et dans les Caraïbes, dans le Pacifique, en Afrique et en Asie centrale. La France a également reconnu le statut de la Mongolie comme zone exempte d’armes nucléaires en 2012.
La France soutient également l’établissement d’une zone exempte d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs au Moyen-Orient, sur la base de la résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies et de la résolution sur le Moyen-Orient adoptée par la Conférence d’examen et de prorogation du TNP de 1995.
La France est déterminée à poursuivre le dialogue avec l’ASEAN et ses États membres pour permettre la pleine réalisation d’une zone exempte d’armes nucléaires en Asie du Sud-Est.
La France estime que l’établissement de zones exemptes d’armes nucléaires, associé aux garanties de sécurité négatives et positives données aux États non dotés, constitue un aspect régional essentiel de la non-prolifération et contribue à la sécurité de tous conformément à l’article VII du TNP.

Troisième axe : prévenir et entraver les trafics proliférants

Patrouille en mer des Caraïbes
© D’Arcangues Jean-François
Le régime de non-prolifération est essentiel, et il convient de le conforter, mais beaucoup réside dans la volonté des États de le mettre en œuvre, d’en sanctionner les violations et de faire cesser la prolifération. Ainsi, la France :
- adapte son cadre législatif afin de rendre réellement contraignantes les mesures déterminées dans le régime de non-prolifération
- participe aux différentes initiatives informelles qui permettent d’entraver de manière concrète les flux proliférants
- soutient les initiatives et la stratégie développée par l’Union européenne pour lutter contre la prolifération.
Renforcement du dispositif législatif et réglementaire de la France
Au niveau interne, en plus des contrôles stricts aux exportations, la France a renforcé son dispositif juridique national de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs par l’adoption de la loi du 14 mars 2011. Cette loi renforce le spectre des infractions (incrimine le fait de provoquer, d’encourager, ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à commettre des actes associés à des activités proliférantes) et introduit dans le Code des douanes des dispositions relatives aux biens à double usage.
La France a également renforcé son dispositif juridique via la ratification en mai 2018 de la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Convention on the Suppression of Unlawful Acts at Sea, 2005). La convention SUA transpose en droit international de nouvelles infractions pertinentes pour la lutte contre la prolifération, notamment les transports d’« explosifs ou de matières radioactives […], de toute arme nucléaire, bactériologique ou chimique, […] de matières brutes ou produits fissiles » lorsque ces derniers interviennent dans un cadre contraire au TNP. La convention SUA renforce le cadre permettant l’arraisonnement et l’inspection en haute mer de navires suspectés de transports de biens proliférants.
Le soutien et la participation aux initiatives internationales informelles
Les coopérations techniques et policières de lutte contre la prolifération
La France participe et soutient plusieurs initiatives de lutte contre la prolifération, notamment l’Initiative de Sécurité contre la Prolifération (Proliferation Security Initiative, PSI) et le partenariat mondial du G7 contre la prolifération des armes de destruction massive (PMG7).
L’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) est une enceinte informelle de coopération rassemblant 116 pays et qui vise à renforcer la coopération internationale afin d’entraver les transports illicites d’armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes. Elle vise à renforcer la coopération opérationnelle entre les États participants et repose sur l’organisation régulière d’exercices pratiques en vue de renforcer les capacités des États participants en matière d’interception de cargaisons proliférantes. Le dernier exercice a été organisé par la France à Toulon avec des pays du pourtour méditerranéen (printemps 2025, exercice Golden Isles). Son fonctionnement est flexible puisqu’il suffit de souscrire à la déclaration de principes de 2003 pour y participer. La France met en œuvre la PSI via le Plan gouvernemental Interception Prolifération (PIP) qui établit le cadre d’intervention national permettant de répondre aux trafics de biens ou de technologies liés à la prolifération d’armes de destruction massive.
Pour en savoir plus sur la PSI (en anglais)
Le partenariat mondial du G7 (PMG7) contre la prolifération des armes de destruction massives, lancé en 2002, finance et coordonne des projets pour sécuriser les matières essentielles à la conception d’ADM. Ce partenariat mondial est régi selon les principes de Kananaskis de 2002 et les principes développés lors du Sommet de Muskoka en 2010. L’initiative a originellement été lancée pour assister les pays de l’ex-URSS à démanteler et détruire les arsenaux non-conventionnels, ainsi que sécuriser les matières fissiles et réaffecter les chercheurs dédiés aux programmes nucléaires militaires. Elle a été étendue à 31 pays et à l’ensemble de l’Union européenne. Sa mission consiste principalement à contribuer à la mise en œuvre de la résolution 1540 du Conseil de Sécurité, pour lutter l’acquisition d’ADM par des acteurs non-étatiques, et prolongée lors du sommet de Deauville en 2011.
Enfin, la France mène un dialogue régulier avec ses différents partenaires afin de les sensibiliser aux enjeux de la non-prolifération et du désarmement nucléaires, et les encourager à renforcer leurs dispositifs nationaux de contrôle et de lutte contre la prolifération.
La coopération et la lutte commune contre le financement de la prolifération
Le financement est l’un des ressorts indispensables de toute entreprise de prolifération. L’indispensable acquisition de matières et biens rares et à haute valeur ajoutée technologique, par l’intermédiaire de filières d’acquisition détournées, rend ces programmes très onéreux.
La loi du 14 mars 2011 érige également en infraction le financement de la prolifération, ce qui fait de la France l’un des premiers États à posséder une telle législation. Elle prohibe le « fait de procurer un financement participant d’une logique proliférante, en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin » (articles L. 1333-13-5 du Code de la défense pour les matières nucléaires, article L. 2341-2 pour les agents biologiques et articles L. 2342-3 et L. 2342-60 pour les armes chimiques). En soutien à cette démarche législative, la France a conduit une analyse nationale des risques de financement de la prolifération, permettant d’évaluer les secteurs les plus exposés et servir de base de sensibilisation du secteur privé.
Les résolutions du Conseil de sécurité relatives au financement de la prolifération ciblent notamment le financement de cette activité. En particulier, la Résolution 1540 (2004) impose aux États d’interdire et de réprimer tout financement d’activités permettant à des acteurs non-étatiques de fabriquer, se procurer, mettre au point, posséder, transporter, transférer ou utiliser des armes NRBC ou leurs vecteurs.
L’action du GAFI
Organisme intergouvernemental créé en 1989 sous l’impulsion du G7, le Groupe d’action financière (GAFI) est composé de 40 membres. Il s’est imposé comme l’enceinte de création et de contrôle des normes internationalement reconnues en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Une réflexion au niveau international s’est mise en place pour créer les outils nécessaires pour identifier et empêcher les opérations de financement liées à la prolifération, en s’inspirant notamment des mécanismes mis en place en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Session plénière du GAFI, Février 2012. Crédits : GAFI
Ces travaux se sont déroulés au sein du GAFI (Groupe d’Action financière). La mission du GAFI est d’élaborer des normes et de promouvoir l’application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Son mandat a été étendu en 2012 à la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive.
Il en a résulté une révision des normes du GAFI pour y insérer une Recommandation 7 par laquelle les États se sont engagés à adapter leurs cadres juridiques pour :
- mettre en œuvre des sanctions financières ciblées contre les personnes et les entités désignées conformément aux en Résolutions du CSNU adoptées sur la base du Chapitre VII ;
- geler sans délai les fonds et autres biens de ces personnes et entité ;
- s’assurer qu’aucun fonds ou autre bien ne soit mis, directement ou indirectement, à leur disposition ou profit.
Le résultat immédiat 11, qui fonde l’évaluation de l’efficacité des dispositifs de sanctions financières ciblées, est également étendu à la lutte contre la prolifération. Les États sont dès lors tenus de démontrer l’efficacité de leurs efforts pour mettre en œuvre les sanctions financières ciblées sans délai, contrôler leur respect et garantir une coopération satisfaisante entre les autorités concernées pour éviter le contournement des sanctions.
La France est fortement engagée pour ajuster en permanence les cadres politiques et juridiques à l’évolution de la menace et lutter efficacement contre le financement de la prolifération. Dans ce contexte, elle a soutenu l’inclusion de cette problématique dans le mandat du GAFI et participe activement aux travaux de l’enceinte en la matière.
La France a notamment contribué à l’évolution de la Recommandation 1 du GAFI - qui, jusqu’en octobre 2020, ne concernait que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme - pour exiger que le financement de la prolifération fasse systématiquement l’objet d’une analyse des risques. Les États sont ainsi invités à mener une analyse des risques de prolifération auxquels ils sont exposés, à renforcer les échanges avec le secteur privé et adopter les mesures d’atténuation adaptées. La France participe enfin activement aux travaux en cours sur une typologie des schémas complexes de financement de la prolifération et de contournement des sanctions ciblées.
Mise à jour : avril 2025