La question nucléaire iranienne
Depuis des mois, la 🇫🇷 participe aux négociations de #Vienne pour un retour à l'accord sur le nucléaire iranien.
Pourquoi la question nucléaire 🇮🇷 demeure-t-elle un sujet de préoccupation internationale après tant d’années ?
Réponse avec @AClaireLegendre 👇
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— France Diplomatie🇫🇷🇪🇺 (@francediplo) March 3, 2022
2021-2022 – Des efforts diplomatiques intensifs pour parvenir à un retour à l’accord
À la suite de leur retrait de l’accord le 8 mai 2018, les États-Unis ont rétabli toutes les sanctions américaines qui avaient été levées au titre du Plan d’action global commun (PAGC). Le pays a ensuite progressivement renforcé ses sanctions dans le cadre de la « stratégie de pression maximale » contre l’Iran.
Le retrait unilatéral des États-Unis de l’Accord n’a cependant pas conduit au rétablissement des sanctions onusiennes qui avaient été levées conformément à la résolution 2231 (malgré la tentative américaine de « snapback » en août 2020, mise en échec par les E3 du fait que les États-Unis ne sont plus participants à l’Accord).
De la même façon, les E3/UE (France, Royaume-Uni et Allemagne) ont continué de respecter leurs engagements au titre du PAGC malgré le retrait américain : ils ont maintenu la suspension de toutes les sanctions européennes qui avaient été levées en janvier 2016 en application de l’accord. Ils ont par ailleurs engagé des efforts supplémentaires pour préserver le PAGC, avec la création d’INSTEX en janvier 2019, mécanisme spécial destiné à faciliter les transactions commerciales entre les acteurs économiques européens et l’Iran, dans les secteurs les plus essentiels pour la population iranienne. Prenant acte de la politique iranienne d’obstruction ayant systématiquement empêché INSTEX de remplir son mandat, et par conséquent de son absence de viabilité financière, les actionnaires d’INSTEX ont pris le 9 mars 2023 la décision de liquider ce mécanisme.
Depuis 2019, l’Iran a décidé de reprendre de nombreuses activités nucléaires en violation de ses engagements au titre du Plan d’action global commun (PAGC, ou JCPOA en anglais), qui ont remis sérieusement en cause les avantages de cet accord en termes de non-prolifération.
L’Agence internationale de l’Énergie atomique (AIEA) rapporte depuis le 1er juillet 2019 que l’Iran a successivement dépassé à la fois la limite autorisée pour son stock d’uranium faiblement enrichi et le taux d’enrichissement autorisé par l’accord, s’est affranchi des contraintes en matière de R&D, a repris des activités d’enrichissement sur le site de Fordo, avant de s’exonérer de la dernière composante opérationnelle des limitations à partir de janvier 2020.
L’Iran accumule désormais de l’uranium enrichi jusqu’à 60% et a démarré la production d’uranium métal, deux activités qui constituent des étapes clé du développement d’une arme nucléaire et ne sont justifiées par aucun besoin civil crédible.
En parallèle, l’Iran a substantiellement réduit les accès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à partir du 23 février 2021, en cessant d’appliquer tant les mesures de vérification et de suivi prévues par le PAGC que le Protocole additionnel à son Accord de garanties généralisées conclu avec l’AIEA.
L’arrivée en janvier 2021 d’une nouvelle administration américaine favorable à un retour des États-Unis au PAGC a marqué un tournant important pour nos efforts de préservation de l’accord. Le président américain Joe Biden s’est exprimé très clairement dès le début de son mandat en faveur de négociations visant au retour des États-Unis comme participants à l’accord, dès que l’Iran serait également revenu à la mise en œuvre pleine et entière de ses engagements nucléaires au titre de l’accord.
Dans ce contexte nouveau, des négociations en vue du retour rapide des États-Unis au PAGC et de l’Iran à la mise en œuvre pleine et entière de ses engagements nucléaires au titre de cet accord ont débuté le 2 avril 2021. Elles se sont déroulées entre les États participants au PAGC et, de manière indirecte, avec les États-Unis, sous la coordination du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Elles ont été temporairement suspendues entre le 20 juin et le 29 novembre 2022, en attendant la mise en place en Iran d’une nouvelle administration après l’élection du président Raïssi.
La France y a pris toute sa part, en particulier avec ses partenaires E3 (Allemagne, Royaume-Uni). Notre objectif était clair : mettre un terme aux graves violations nucléaires de l’Iran, dont certaines ont des conséquences irréversibles en termes de prolifération, et de restaurer les bénéfices de non-prolifération de l’accord ; de rétablir pleinement les moyens de surveillance et de vérification de l’AIEA en Iran prévus par le PAGC ; et de lever des sanctions américaines contraires au PAGC dans des secteurs clefs pour l’Iran, avec la perspective de bénéfices économiques significatifs pour la population iranienne.
Après un an et demi de négociations, le Coordonnateur du PAGC a présenté en août 2022 un ensemble de textes définitifs permettant à l’Iran de revenir au respect de ses engagements au titre du PAGC et aux États-Unis de redevenir participants à l’accord. L’Iran a cependant choisi de lier la conclusion d’un accord au règlement de questions soulevées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur la mise en œuvre par l’Iran de ses obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et de son accord de garanties généralisées conclu avec l’AIEA, à la suite de la découverte de particules de matière fissile sur plusieurs sites non déclarés par l’Iran à l’Agence.
Les rapports de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) font état de la poursuite extrêmement préoccupante des activités nucléaires de l’Iran. Nous demeurons pleinement mobilisés pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Nous nous coordonnons avec nos partenaires internationaux pour trouver une solution diplomatique à la situation actuelle.
2019 – Le nécessaire respect du JCPoA par l’Iran
La France exprime sa profonde préoccupation face à la poursuite par l’Iran d’activités non conformes aux engagements qu’il a pris dans le cadre du Plan d’action global commun (Joint Comprehensive Plan of Action – JCPoA– ou Plan d’action global commun – PAGC).
L’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a en effet confirmé que l’Iran avait dépassé la limite autorisée pour son stock d’uranium faiblement enrichi, et commencé à enrichir l’uranium au-delà du niveau limite autorisé, dans deux rapports parus respectivement les 1er et 8 juillet 2019.
L’Iran a déclaré qu’il voulait rester dans le cadre du JCPoA. Il doit agir en conséquence en revenant sur ces activités et en se conformant de nouveau pleinement et sans délai au JCPoA.
L’Iran n’est pas fondé à cesser de mettre en œuvre ses obligations au titre du JCPoA. Ni le paragraphe 26, ni le paragraphe 36 ne le lui permettent. Le premier n’autorise pas l’Iran à cesser de respecter ses engagements et le second, qui prévoit des procédures très précises et strictes, n’a jamais été formellement déclenché ni suivi par Téhéran.
La France poursuit ses efforts, dans le cadre du JCPoA, afin que l’Iran revienne au plein respect de ses obligations. C’est ce qu’elle a rappelé lors de la dernière Commission conjointe qui s’est tenue à Vienne le 28 juillet 2019. Elle appelle toutes les parties à agir de manière responsable en vue de contribuer à la désescalade des tensions actuelles liées aux activités nucléaires de l’Iran.
2018-2019 – L’accord sur le nucléaire iranien reste en place malgré le retrait américain
Le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien le 8 mai 2018, a entraîné le rétablissement des sanctions américaines contre l’Iran, que les États-Unis ont par la suite pris la décision de renforcer.
Malgré ce retrait américain de l’accord, au sujet duquel la France a exprimé ses profonds regrets, l’accord reste en place. Y participent l’Iran et les Etats dits E3/UE+2, c’est-à-dire la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie et la Chine.
Le JCPOA fonctionne et permet d’assurer que le programme iranien demeure encadré et à vocation exclusivement pacifique. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) vérifie la mise en œuvre de l’accord et publie des rapports réguliers à ce sujet.
La France et ses partenaires sont résolus à travailler à préserver des bénéfices économiques pour l’Iran au titre du JCPoA, notamment en maintenant des circuits financiers effectifs avec l’Iran et en cherchant à assurer la poursuite des exportations de pétrole et de gaz iraniens, dans le respect du droit européen et international.
En janvier 2019, la France, avec ses partenaires des E3, a créé la société INSTEX SAS (Instrument for Supporting Trade Exchanges – Instrument de soutien aux transactions commerciales), véhicule spécial destiné à faciliter les transactions commerciales légitimes entre les acteurs économiques européens et l’Iran, désormais opérationnel. INSTEX fonctionne selon les standards internationaux les plus stricts en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AML/CFT) et dans le respect des mesures restrictives de l’Union européenne et des Nations unies.
2015 - L’accord de long-terme de Vienne (Plan d’action global commun - JCPoA)
Le groupe des E3/UE+3 et l’Iran ont conclu le 14 juillet 2015 à Vienne un accord de long terme sur le dossier nucléaire iranien après un an et demi de négociation. Cet accord a été endossé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée le 20 juillet 2015.
Quel rôle a joué la France ?
La France, fidèle à sa position de soutien au développement d’un programme nucléaire civil en Iran et de refus de l’acquisition par Téhéran de l’arme nucléaire, s’est engagée avec détermination dans les négociations. Par sa position de fermeté constructive, elle a pesé afin que l’accord de Vienne soit robuste, durable et vérifiable et permette de garantir :
- la limitation des capacités iraniennes les plus sensibles, en particulier le programme d’enrichissement d’uranium ;
- la transformation des sites préoccupants, comme le réacteur d’Arak et le site souterrain de Fordow ;
- une transparence totale de l’Iran sur son programme nucléaire vis-à-vis des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En retour, la France proposait, comme ses partenaires, une levée encadrée des sanctions, conditionnée à la mise en œuvre par l’Iran de ses engagements. La France était également prête à contribuer au développement du programme nucléaire civil de l’Iran par la coopération internationale.
Quelle est la nature de l’accord ?
Il s’agit d’un accord politique : il n’est ni signé, ni ratifié mais est endossé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité. Qualifié d’historique par les principaux représentants de la communauté internationale, il vise à :
- résoudre l’une des plus graves et des plus longues crises de prolifération nucléaire au Moyen-Orient ;
- garantir le caractère exclusivement pacifique du nucléaire iranien ;
- contribuer à la paix et à la stabilité de la région.
Que prévoit l’accord ?
Limitation des capacités nucléaires iraniennes
L’accord de Vienne traite à la fois de l’accès à la matière nucléaire, de sa militarisation et de la vectorisation d’un engin nucléaire. Il prévoit des restrictions de différentes durées. A titre d’exemple, la limitation à 5 060 du nombre de centrifugeuses IR-1 durera 10 ans. L’augmentation des capacités d’enrichissement de l’Iran sera ensuite encadrée. Les restrictions sur le niveau et la localisation des activités d’enrichissement, les stocks d’uranium enrichi, le retraitement, l’interdiction de certaines activités liées à la militarisation d’une arme nucléaire durent 15 ans. Le Conseil de sécurité restera saisi pendant dix ans. Le mécanisme de retour automatique des sanctions sera en vigueur pendant 15 ans.
Le JCPoA a permis de réduire considérablement les risques de prolifération liés à l’Iran :
- L’Iran ne dispose plus que d’un seul site d’enrichissement au lieu de deux,
- Le nombre de centrifugeuses dont dispose l’Iran est passé de 21 000 à 5060,
- Le taux auquel l’Iran enrichi l’uranium, qui avait atteint 20%, est limité à 3,67%,
- Le stock d’uranium dont dispose l’Iran est désormais limité à 300kg d’uranium enrichi à 3,67% alors qu’avant l’accord, il était de plusieurs tonnes d’uranium enrichi jusqu’à 5% et de plusieurs centaines de kilos enrichi jusqu’à 20%,
- La recherche et le développement sur les nouvelles centrifugeuses sont strictement encadrés,
- Les obligations de l’Iran en matière de transparence et de vérification ont été considérablement étendues,
- Le temps nécessaire à l’Iran pour acquérir la matière fissile nécessaire à une arme a été considérablement augmenté. Avec les restrictions imposées par l’accord de Vienne, il faudrait au minimum un an à l’Iran, s’il décidait de se lancer dans la course vers l’arme, pour accumuler la matière nécessaire à une bombe par la voie uranium.
- L’obtention de plutonium est rendue encore plus lointaine et difficile (conversion d’Arak, pas de retraitement).
Transparence et vérifications
« Un accord qui n’est pas vérifiable est un accord qui n’est pas appliqué » (Laurent Fabius, 14/07/2015)
L’Iran s’est engagé à appliquer les plus hauts standards de vérification de l’AIEA(Agence internationale de l’énergie atomique). L’accord de Vienne prévoit la mise en œuvre d’un régime de transparence renforcé. Un protocole additionnel permet notamment à l’AIEA d’obtenir des accès hors des installations nucléaires déclarées si elle suspecte que des activités liées au cycle du combustible nucléaire y sont menées. L’AIEA peut dans ce cadre demander à accéder à des sites militaires. Ce régime de vérification est conçu pour permettre de détecter très rapidement tout manquement de l’Iran à ses obligations.
La procédure d’accès prévue par l’accord de Vienne permettra également à 5 des 8 parties à l’accord, au sein de la commission conjointe, d’imposer à l’Iran un accès si celui-ci le refuse aux inspecteurs de l’AIEA. Cette procédure pourra s’appliquer aux sites militaires dans la mesure où la demande d’accès sera relative à la vérification des engagements de l’Iran.
Enfin, l’accord permet des avancées concernant les questions liées au contrôle de la militarisation et à ce qu’on appelle le« canal d’acquisition », c’est à dire la procédure spécifique que l’Iran doit respecter pour acquérir des biens présentant une certaine sensibilité. Certaines restrictions, en lien avec la non-prolifération, sont maintenues au niveau du Conseil de Sécurité des Nations unies (CSNU) et par les dispositifs de sanctions de l’UE.
Encadrement de la levée des sanctions
Les engagements de l’Iran sont obligatoires : leur violation entrainerait un retour des sanctions. Ce principe de réimposition des sanctions (Snap-back) vaut pour les sanctions du Conseil de sécurité et celles adoptées par l’Union européenne.
Si un des États des E3+2 (Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne lorsqu’elle est membre du CSNU) estime que l’Iran ne remplit pas ses obligations et que celui-ci ne fournit pas d’explication crédible, cet État peut provoquer un vote du Conseil de sécurité sur un projet de résolution réaffirmant la levée des sanctions de l’ONU ; en s’opposant à la prolongation de la levée des sanctions contre l’Iran, il obtiendra alors leur rétablissement.
Au niveau de l’Union européenne, les 28 États-membres se sont engagés à réintroduire toutes les mesures qui ont été levées si l’Iran n’a pas respecté ses obligations et si la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et les trois participants européens à l’accord (France, Royaume-Uni, Allemagne) le recommandent.
(Mise à jour : 22.08.23)