Libye - Intervention de Jean-Yves Le Drian au Conseil de sécurité des Nations-Unies (15 juillet 2021)

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Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Libye,

Mesdames et Messieurs,

Après une décennie d’instabilité, le peuple libyen aspire à vivre dans un pays sûr, uni et souverain.

Cette aspiration est légitime. Nous avons la responsabilité de la soutenir, en nous mobilisant pour que la fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte à la fin de l’année dernière ne se referme pas.

La signature de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020 entre les parties libyennes, la réunion du Forum de dialogue politique libyen, puis l’investiture du gouvernement d’union nationale par le Parlement sont autant de signes que des progrès sont possibles.

Beaucoup de Libyens de bonne volonté, quel que soit le camp auquel ils appartiennent, ont montré leur détermination à écrire une nouvelle page dans l’histoire de leur pays, en faisant primer leur attachement à la souveraineté libyenne.
Je veux remercier les Nations Unies, qui les ont accompagnés sur la voie du dialogue. En particulier le Secrétaire général et son Envoyé spécial, Jan Kubis, avec qui nous travaillons de près.
Je tiens également à saluer l’esprit de responsabilité qui guide les travaux de ce Conseil depuis le début de l’année. L’adoption, à l’unanimité, des résolutions 2570, 2571 et 2578 constitue un puissant message de soutien à la transition politique et au retour à la sécurité.

Mais nous savons aussi que de réelles menaces pèsent sur cette dynamique, et l’exposé de l’Envoyé spécial nous le montre. Nous devons travailler à dissiper ces menaces.

D’abord, il est indispensable, impératif que le calendrier électoral soit respecté.

Les élections législatives et présidentielles doivent avoir lieu le 24 décembre prochain.

  • Cette date est attendue par les Libyens.
  • Elle a été fixée par le Forum de dialogue politique.
  • Elle a été endossée, le 16 avril dernier, par la résolution 2570 de ce Conseil, et, le 23 juin, par la Conférence de Berlin II.
  • Pourtant, elle a été contestée par certains des participants à la dernière réunion du Forum, à Genève.

Ce calendrier constitue la clef de voûte du processus de transition. Nous ne pouvons donc, en aucun cas, transiger sur la date du 24 décembre, pour quelque motif que ce soit.

Je rappelle que le mandat confié par le Forum politique et par la Chambre des représentants à l’exécutif libyen de transition est d’assurer l’organisation des élections à la fin de l’année, et que ce mandat va jusqu’au 24 décembre. Je rappelle aussi que ce Conseil a été clair, avec la résolution 2571 : tous ceux qui essaieront de mettre en échec le processus politique pourront être sanctionnés.

Autre impératif : le retrait des forces et des mercenaires étrangers, dont la présence constitue une violation des résolutions de ce Conseil et une atteinte grave à la souveraineté de la Libye.

Il est temps de mettre en œuvre un calendrier de départ progressif, symétrique et séquencé des éléments étrangers des deux camps. Nous avons fait des propositions précises en ce sens, qui ont été largement discutées avec les membres du processus de Berlin.

Ce retrait pourrait concerner, dans un premier temps, les mercenaires syriens des deux camps, dès les prochaines semaines. Cette première étape permettrait d’engager une dynamique visant, à terme, le départ de toutes les forces et mercenaires étrangers du territoire libyen.

Dans cette perspective, la situation des pays voisins de la Libye doit évidemment être prise en compte. Je pense en particulier aux pays du Sahel, qui ont déjà payé un trop lourd tribut à l’instabilité en Libye. Les événements survenus récemment au Tchad nous rappellent que nous devons veiller à ce que les mercenaires issus des voisins de la Libye soient renvoyés vers leur pays d’origine dans le cadre d’un processus de démobilisation qui soit crédible.

En matière de sécurité, la plus grande vigilance doit rester de mise.

La fin des ingérences étrangères en Libye doit s’accompagner d’avancées sur la réunification de l’armée et le démantèlement des milices, pour permettre aux autorités civiles d’assurer leurs responsabilités en matière de sécurité. Ce processus-là doit bénéficier de l’appui de tous.

La surveillance du cessez-le-feu doit rester une priorité, à travers le déploiement d’un mécanisme de surveillance, sous l’égide de la MANUL et en soutien aux décisions des Libyens.

Il faut également que la lutte contre le terrorisme se poursuive, notamment au Sud libyen, en lien étroit avec les pays de la région.

Nous devons, par ailleurs, soutenir la réouverture effective de la route côtière, au-delà des annonces qui se sont succédé. Il s’agit d’une mesure forte, sur laquelle le comité militaire conjoint 5+5 a fait un travail remarquable, que je tiens à saluer.

Enfin, nous devons travailler avec les autorités libyennes, et dans le plein respect de la souveraineté de la Libye, pour renforcer le contrôle qu’elles exercent sur leurs frontières terrestres et maritimes.

Sur le volet maritime, l’Union européenne, l’Italie et la France sont disposés à faire davantage pour soutenir la formation et l’équipement des garde-côtes libyens. S’agissant de leur formation, l’opération IRINI pourrait y apporter une contribution essentielle, au-delà de sa fonction première, qui est la mise en œuvre de l’embargo sur les armes décidé par ce Conseil.

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois depuis longtemps, la paix est à portée de main en Libye.

Je veux vous le redire aujourd’hui, Monsieur le Premier Ministre, et, à travers vous, le redire au peuple libyen : le Conseil de sécurité et la communauté internationale sont déterminés à vous accompagner dans la mise en œuvre de la feuille de route politique et sécuritaire que je viens de rappeler.

C’est d’ailleurs le sens de l’unanimité qui s’est manifestée au moment des résolutions que je viens d’évoquer

C’est le sens aussi du processus de Berlin, sur lequel reviendra Heiko Maas, qui a présidé ce rendez-vous essentiel qu’a été cette réunion de Berlin II, où nous avons pu mesurer le chemin parcouru depuis la première conférence de Berlin, il y a un an et demi.

C’est aussi le sens de l’engagement de l’Union européenne, qui est unie sur le dossier libyen, comme nous l’avons montré avec mes collègues italien et allemand lors de notre visite conjointe à Tripoli, en mars dernier.

Et c’est le sens de la déclaration présidentielle sur laquelle nous nous sommes mis d’accord, et je m’en réjouis. Elle fixe un cap clair et met devant leurs responsabilités tous ceux qui continueraient à entraver le processus de retour à la stabilité, qu’il s’agisse d’acteurs libyens ou d’acteurs non libyens.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.