Conférence de presse de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à l’occasion de la 77e Assemblée générale des Nations unies (New York, le 19 septembre 2022)

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Conférence de presse de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, pour l’ouverture de la semaine de haut niveau de la 77ème Assemblée générale des Nations unies.

Bonjour à toutes et à tous,

Merci d’être là, y compris ceux qui sont à distance.

Je suis honorée de participer à cette semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies, et pour la première fois en tant que Ministre de l’Europe et des Affaires étrangère bien évidemment. Le Président de la République, vous le savez, est à Londres aujourd’hui pour assister aux funérailles de Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Il rejoindra New York ce soir. Il sera donc présent et participera à l’Assemblée générale mardi, demain, et mercredi jusqu’en milieu d’après-midi.

Pour la première fois depuis 2019, l’Assemblée générale retrouve son format habituel. Le monde a bien besoin que la diplomatie marque son retour. On a manqué de contacts directs pendant la pandémie, on a manqué du lien entre les uns et les autres je l’ai dit souvent et si cela n’explique pas à soi seul évidemment le désordre ou la fragmentation du monde, je suis convaincue que cela a été un facteur négatif. C’est donc une bonne chose que l’Assemblée générale retrouve son format usuel. Voilà donc la 77e Assemblée générale des Nations unies qui s’ouvre. Tirons-en le meilleur parti.

Le contexte est particulièrement grave, il est marqué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et par une guerre cruelle qui s’y déroule depuis plus de six mois maintenant. Cette crise exacerbe les logiques de confrontation et elle est particulièrement sérieuse, nous le soulignons souvent, parce qu’elle met en cause les principes les plus fondamentaux de l’ordre international, ceux de la Charte des Nations unies, comme le non recours à la force, le respect de l’intégrité territoriale des États ou le règlement pacifique des différends, et ces principes fondamentaux ont un sens particulier ici, à New York : ce sont ceux qui garantissent notre capacité, États membres de la société internationale, à vivre ensemble grâce à un corps de règles, et à assurer autant que possible la paix et la stabilité. Voilà pourquoi cette remise en cause ne peut pas être acceptée.
Nous sommes donc ici pour contribuer à endiguer la fracturation du monde, cette fracturation dont on voit bien que certains la souhaitent, que d’autres l’observent, et que beaucoup, la majorité à vrai dire, la subit. C’est ici à New York, ici et non pas ailleurs. Et je ne citerai le nom d’aucune autre ville qui a été récemment dans l’actualité. C’est ici, à New York que le monde entier est présent, que l’humanité entière est présente. C’est bien ici que nous devons agir pour défendre un multilatéralisme efficace.

Alors, venons-en à la présentation de notre programme de cette semaine et je vous demande un peu de patience car je vais essayer de préciser ce que nous faisons et surtout de vous expliquer ce qui sous-tend la composition de ce programme. Dans les jours qui viennent, j’ai oublié de vous dire que la France a une responsabilité particulière ce mois-ci, en septembre, de présider le Conseil de sécurité des Nations unies. La diplomatie française veut agir dans trois directions principales :

  • Tout d’abord, nous devons agir face aux risques que fait peser sur la stabilité internationale la guerre menée par la Russie en Ukraine, il fallait le mentionner mais j’y reviendrai.
  • Ensuite, il y a les nombreux défis planétaires qui sont d’ailleurs exacerbés par cette guerre, et que nous ne pourrons surmonter que si nous parvenons à éviter qu’émerge une logique de blocs, une logique d’affrontements. Nous avons des partenaires de bonne volonté pour cela, nous avons des initiatives à prendre pour éviter ce risque de fracturation.
  • Et enfin, nous travaillerons en vue de renforcer partout la résilience de nos démocraties et la vitalité de nos sociétés civiles, l’une et l’autre, on le sait, menacées par le rétrécissement un peu partout des espaces de liberté.

Je me permets de revenir sur chacun de ces points et à cette occasion de vous présenter le programme qui sera celui de la délégation française cette semaine.

Tout d’abord l’agression russe contre l’Ukraine,

Je le redis, en attaquant l’Ukraine, c’est aux fondements mêmes des Nations unies que s’en prend la Russie. La Russie pourtant membre permanent du Conseil de sécurité, avec la responsabilité particulière qui s’y attache. Et donc c’est d’une particulière gravité que de voir l’un des membres permanent s’attaquer aux fondements mêmes de notre organisation. Il faut le rappeler ici, à New York, aux Nations unies. Il s’agit d’une guerre d’agression, choisie par la Russie sans aucune justification au demeurant, mais aussi qui est menée par elle de façon particulièrement brutale, en ignorant toutes les lois de la guerre et en s’accompagnant d’exactions, de bombardements d’objectifs civils, de viols, de meurtres, de tortures, de déportations forcées, tout ceci étant constitutif d’autant de crimes de guerre.

J’ai eu l’occasion de le dire déjà mais je veux le redire ici à New York ; le fait que la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité je le répète et donc à ce titre qui devrait être à ce titre l’une des garantes de la Charte, s’affranchisse de cette responsabilité doit nous interpeller. Soyons lucides, nommons les choses. Je vais reprendre ce qui m’est arrivé de dire il y a peu de temps, il est particulièrement préoccupant de voir la Russie franchir trois seuils dans cette guerre : un seuil juridique, évidemment, en violant les normes qui fondent les rapports entre États ; un seuil moral, par l’étendue des crimes commis en Ukraine, dont ceux découverts à Irpin, à Boutcha, à Izioum tout récemment et sans doute ailleurs ; un seuil politique, en prenant la responsabilité d’un chantage à la sécurité alimentaire, d’un chantage à la sécurité énergétique mondiale, ou en occupant militairement un site d’une centrale nucléaire, en territoire ukrainien comme elle le fait à Zaporijjia, faisant peser une grave menace sur la sécurité et la sûreté de cette centrale.

S’agissant de la lutte contre l’impunité des crimes commis en Ukraine, je présiderai jeudi une réunion du Conseil de sécurité consacrée à ce sujet. Le Secrétaire général des Nations unies sera présent, tout comme le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Karim Khan. Je préparerai cette réunion peu avant, le matin même, avec mon homologue ukrainien, M. Kuleba, dont le pays et la population sont victimes des agissements russes. Et je tiens à dire, que nous ferons au Conseil que les auteurs des atrocités commises en Ukraine devront répondre de leurs actes devant la justice. Je rappellerai également l’appui constant de la France aux enquêtes de l’Ukraine, et notamment, vous vous en souvenez peut-être, par le déploiement d’experts français et la livraison de matériel technique pour collecter les preuves, pour documenter les cas dont la justice est saisie. Et je soulignerai par ailleurs le soutien constant de la France à la CPI et à son Procureur, soutien constant depuis le mois de mars. Je rappelle pour mémoire que la Cour pénale internationale a été saisie dès le mois de mars à la demande de 43 États, dont la France. Et depuis lors nous avons apporté à la CP non seulement, comme d’autres, une contribution financière exceptionnelle mais nous lui apportons aussi un appui en ressources humaines pour que la Cour puisse conduire sa mission en Ukraine.

Ce travail pour que les coupables des crimes rendent des comptes est essentiel ; il demandera de la détermination. Celle de la France sera totale. Le président de la République l’a rappelé il y a encore quelques jours, samedi je crois : Il n’y a pas de paix sans justice.

Je mentionnais la situation de la centrale nucléaire de Zaporijjia qui constitue également un sujet de préoccupation. Elle constitue pour notre diplomatie un sujet de mobilisation. Le Président de la République a eu plusieurs entretiens avec les Présidents Zelensky et Poutine, en août puis récemment, ainsi qu’avec le directeur général de l’AIEA, M. Rafael Grossi, avec lequel nous sommes en contact régulier avec beaucoup de nos partenaires.

Donc nous y reviendrons mercredi matin à 11h30, à l’occasion d’une réunion de travail organisée par la France autour du directeur général de l’AIEA afin de soutenir les démarches qu’il a entreprises en direction de l’Ukraine et de la Russie, après sa visite du site et en vue de la sécurisation de la centrale et du site qui l’entoure. Cette réunion sera ouverte par le Président de la République et par le Premier ministre ukrainien M. Chmyhal, et puis elle se poursuivra au niveau des ministres.

Et je viens de le dire ce matin à Sergueï Lavrov, avec lequel je me suis entretenue tout à l’heure. La situation à la centrale de Zaporijjia et autour de la centrale de Zaporijjia est critique. La Russie qui occupe la zone de la centrale ne peut se rendre responsable d’un accident nucléaire lié à sa présence. Le temps est compté pour établir les zones de sécurité et avancer sur la base des propositions faites par le directeur général de l’AIEA dans ce but.

Deuxième point, cette guerre est l’affaire de tous. Elle nous affecte collectivement et elle menace l’ordre international fondé sur la règle de droit.
Elle implique donc de travailler avec tous, non seulement dans le cadre de nos partenariats traditionnels, mais aussi de bâtir de nouveaux partenariats, trouver de nouveaux formats et trouver de nouvelles manières de dialoguer avec nos partenaires.

Dans ce cadre, la coordination entre européens et alliés est évidemment une nécessité dans le contexte actuel.

Dès cet après-midi, les ministres des Affaires étrangères des 27 se réuniront pour coordonner leurs actions dans le cadre de cette semaine de haut niveau. Nous aurons deux heures, entre 16h et 18h cet après-midi. Je tiens à souligner une nouvelle fois devant vous l’unité de l’Union européenne dans cette crise. Pour ceux qui doutaient de la capacité de l’Union à devenir un acteur géopolitique, la preuve est faite je crois qu’elle le devient.

L’Allemagne réunira plus tard dans la semaine les ministres du G7 - elle est en présidence du G7 (ce sera mercredi en fin d’après-midi). Et enfin le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken réunira jeudi soir un certain nombre de collègues dans un format « transatlantique ».

Voilà pour nos alliés et amis européens et au-delà. Mais il va de soi qu’il faut aussi aller au-delà de ce cadre. Nous avons des partenaires partout et nous sommes également tous touchés, sous toutes les latitudes par les effets de la guerre menée par la Russie en Ukraine, que ce soit sur la sécurité énergétique, sur la sécurité alimentaire : effets négatifs qui concernent tous et qui sont, dois-je le rappeler, la conséquence directe de la guerre qui a été choisie par la Russie et qui est menée par elle en Ukraine.

Redoubler d’efforts pour résorber la fracture entre le Nord et le Sud, redoubler collectivement d’efforts c’est ce que nous venons faire : et c’est aussi un des principaux messages que portera le Président de la République à New York, à la fois lors du débat général et en marge de l’Assemblée générale par ses contacts et par les réunions qu’il organise. Le chef de l’État rencontrera un certain nombre de ses homologues, de ce qu’on appelle parfois, faute de mieux, je ne suis pas sure que l’expression soit parfaite, le « Sud Global ». Parce que nous devons faire la démonstration que la logique des « blocs » ne l’emporte pas et ne doit pas l’emporter évidemment sur la logique de la coopération et donc nous mettons en œuvre des discussions dans un format élargi. Nous devons faire la preuve que l’universel est porté par les Nations unies et qu’il demeure notre guide parce que nous sommes convaincus qu’il est le seul capable d’offrir des solutions face à des situations qui nous affectent tous et à des situations dans lesquelles les notions de Nord ou de Sud n’ont plus d’importance, puisque tous les pays, je le redis, quelles que soient les latitudes sont touchés.

De plus, le Président de la République tiendra une réunion de travail spécifique sur la sécurité alimentaire, sujet qui nous mobilise fortement, et depuis le début comme en témoigne notre action sur les « corridors de solidarité » européen par exemple pour l’exportation des céréales ukrainiennes, qui a obtenu de très bons résultats ou sur l’initiative FARM que je dois mentionner et qui progresse.

Pour ma part, j’aurai de nombreux contacts bilatéraux. J’étais en Inde la semaine dernière, et je poursuivrai aujourd’hui mes échanges avec le ministre des Affaires étrangères chinois, M. Wang Yi, avec mon homologue égyptien et bien d’autres. Bien sûr nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure des entretiens bilatéraux.

Mais au-delà de ces entretiens bilatéraux, nous renouvelons notre manière de faire de la diplomatie, et je voudrais en prendre deux exemples, parce que je crois que vous le verrez à l’occasion de cette Assemblée générale. Et ces deux exemples pour l’illustrer c’est l’Indopacifique, et l’Afrique.

L’Indopacifique d’abord sera fortement présent dans notre action diplomatique pendant cette semaine. C’est une région de fractures profondes, une région où des influences s’exercent de façon plus assertives qu’auparavant et c’est une région qui est centrale pour la sécurité et la prospérité mondiales.

Nous souhaitons qu’au cours de cette semaine un accent particulier puisse être mis dans différents formats, vous allez le voir, sur ce que nous pouvons faire ensemble.

Je parlais de l’Inde. Notre dialogue avec l’Inde est déjà intense, le partenariat stratégique que nous avons fondé, il y a 25 ans, on va fêter son anniversaire au mois de janvier prochain, et nous souhaitons mettre ce partenariat au service de la stabilité internationale et de la recherche de solutions aux défis globaux. Nous le ferons ici à New York en incluant de nouveaux partenaires. Dès aujourd’hui, nous nous réunirons à trois, c’est une nouveauté, entre ministres indien, émirien et française pour évoquer ce que nous pouvons faire ensemble, les partenariats possibles, y compris dans la lutte contre le changement climatique, y compris dans les zones de l’océan indien. Et puis puisque je parle des trilatérales, il y aura une autre trilatérale, donc illustration de ces nouveaux formats et de l’accent que nous mettons sur l’Indopacifique avec vendredi une réunion à trois Australie, Inde, France. Nous nous réunirons dans l’après-midi afin notamment d’évoquer nos initiatives en matière de sécurité régionale cette fois.

Et puisque je parle d’Australie, je veux souligner que la reprise de notre dialogue plus confiant avec l’Australie sera confirmée peu avant cette trilatérale à l’occasion d’une réunion bilatérale, réunion de travail que j’aurais avec mon homologue australienne Mme Penny Wong, et qui sera consacrée à la mise au point, à la finalisation d’une feuille de route bilatérale dont le principe avait été décidé lors de la visite du Premier ministre australien à Paris, M. Albanese, cet été. Une feuille de route que nous voulons ambitieuse et nourrie de projets concrets. J’espère que nous pourrons nous en reparler rapidement.

Voilà pour l’Indopacifique, je citais l’autre exemple qui était l’Afrique, et le partenariat que nous voulons continuer de décliner.

Il était défini, vous vous en souvenez, par le Président de la République, même au tout début de son premier mandat avec le grand discours de Ouagadougou dès 2017. Nous allons continuer ce travail également avec l’appui des États membres de l’Union européenne et celui de l’Union africaine qui ont exprimé ce souhait partagé lors du sommet qui s’était tenu au mois de février - premier de ce type sous présidence française du conseil de l’Union européenne entre l’Union européenne et l’Union africaine.

Renouveler notre partenariat qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire continuer à agir avec les États du continent au plus près de leurs demandes, au plus près de leurs besoins. Je m’entretiendrai avec plusieurs dirigeants d’Afrique de l’Ouest mercredi, à l’occasion d’une réunion, organisée conjointement avec la Guinée-Bissau, Guinée-Bissau qui est en ce moment en présidence de la CEDEAO, et réunion qui sera consacrée à la sécurité au Sahel et dans le Golfe de Guinée. Vous savez qu’un certain nombre de préoccupations s’y font jour. Notre redéploiement militaire au Sahel après le retrait de la force Barkhane nous amène aussi à identifier de nouvelles voies pour contribuer à la sécurité de nos partenaires. Je le rappelle, mais vous le savez, que la France souhaite rester présente et restera présente aux côtés des États africains qui le souhaitent, en appui de leurs efforts et en soutien des besoins qu’ils expriment donc c’est cette logique de partenariat d’égal à égal, qu’avait défini le président de la République et que nous déclinons. C’est celle qui représente le mieux notre nouvelle approche.

Un aspect complémentaire de ces actions est notre lutte contre les mensonges dont notre action est la cible, au Mali notamment mais pas seulement. La France a payé un lourd tribut au Mali pour y empêcher l’implantation d’un État dominé par les djihadistes. Elle l’a fait, dois-je le rappeler, à la demande des autorités légitimes du pays et elle la fait en lien avec de nombreux partenaires et avec leur appui. Elle ne peut pas accepter les accusations fausses et outrancières portées contre elle par la junte malienne, junte issue d’un double coup d’État. Et nous condamnons aussi les exactions perpétrées par les mercenaires du groupe Wagner, exactions qui sont désormais largement documentées par les Nations unies, de même nous devons souligner et condamner, et je voudrais que vous apportiez une attention particulière à ce qui se déroule, toutes les tentatives de manipulation de l’information dont cette milice se rend régulièrement coupable de façon grossière, comme son commanditaire.

J’aurai l’occasion de le rappeler lors de la réunion organisée par le Secrétaire général des Nations unies, jeudi après-midi, autour du panel de haut niveau dirigé par l’ancien président nigérien, M. Issoufou, qui est chargé de cette mission.

Autre élément, rappeler le souhait que nous avons de renouveler notre partenariat ça implique de dialoguer différemment, en complément du dialogue d’État à État, de gouvernement à gouvernement, et donc nous avons le souhait y compris ici à New York, de dialoguer directement avec la jeunesse, avec les sociétés civiles africaines. C’est ainsi que ce soir j’aurai le plaisir de recevoir à la Villa Albertine des responsables d’institutions culturelles et des artistes africains - a Villa Albertine, c’est notre Résidence d’artistes à New York et ailleurs aux États-Unis - artistes, issus de tous les horizons, et qui témoignent de la vitalité, de la créativité, de l’énergie de la jeunesse africaine. Donc je suis particulièrement heureuse qu’ils aient pu venir en Résidence et j’attends beaucoup de notre dialogue parce que ces échanges sont essentiels, je le redis, en complément des relations d’État à État pour nous permettre de relever les défis ensemble, mieux que nous ne le faisons, et aussi pour nous permettre de modifier un peu, d’actualiser le regard que nous portons parfois les uns sur les autres. Donc c’est vraiment notre intérêt de développer ces relations avec les artistes, les jeunes, les sportifs, les créateurs mais je crois que chacun se souvient des développements faits à ce sujet par le président de la République lors de sa tournée africaine au mois de juillet.

Troisièmement et enfin, pour finir de structurer notre programme, la France confirmera cette semaine sa volonté d’œuvrer de manière déterminée à un programme de résilience démocratique.

On sait les attaques répétées contre la démocratie et les libertés, ou bien les tentations de promouvoir un soi-disant ordre alternatif. Et bien nous utiliserons cette 77e session pour défendre un agenda démocratique, qui doit évidemment tenir compte du développement des nouveaux médias et de ce qu’il implique pour le fonctionnement de nos institutions et de nos sociétés. Et nous agirons en particulier sur deux fronts : la régulation du numérique et l’accès à l’information.
Sur le numérique notre philosophie est claire, les acteurs du numérique ont acquis un tel poids dans nos vies, qu’il en découle pour eux des responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens où qu’ils soient. Et c’est encore un exemple où il n’y a ni Nord, ni Sud, où nous devons tous ensemble trouver les bonnes réponses.

C’est le sens de l’Appel de Christchurch de 2019 qui vise à éliminer les contenus terroristes et violents en ligne, et bien le deuxième Sommet de l’appel de Christchurch se tiendra mardi, sous la présidence du Président de la République et de la Première ministre de Nouvelle-Zélande, Mme Arden. Et donc en lien avec les géants du numérique, avec la société civile, avec les États, nous agissons concrètement pour une meilleure régulation des contenus numériques, et pour une lutte contre les manipulations de l’information déstabilisatrices et fausses. Nous le faisons aussi en Europe, vous le savez bien, dans le cadre de la nouvelle législation européenne DSA (Digital Services Act) qui permettra de lutter contre les contenus illicites en ligne et les incitations à la haine ou à la violence. Voilà deux actions qui se complètent. La lutte contre la désinformation mais aussi la mésinformation, dont la pandémie a fourni de nombreux exemples, nécessite aussi plus que jamais de soutenir la liberté d’informer et l’accès à une information plurielle, indépendante, libre, fiable. Et c’est pourquoi, en lien avec les 45 autres États partenaires de cette initiative et avec Reporters sans frontières, je présiderai jeudi le deuxième Sommet pour l’information et la démocratie, en compagnie de Christophe Deloire.

J’assisterai aussi vendredi à une réunion ministérielle sur la cybersécurité, conjointement réunie avec mon homologue allemande, Mme Baerbock. Réunion qui sera l’occasion de réaffirmer notre attachement à un cyberespace ouvert, sûr, stable, accessible à tous et pacifique. Donc nous redirons notre engagement en faveur d’un usage responsable, par les États des technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la sécurité internationale, à travers la promotion d’un Programme d’action des Nations unies, dans ce domaine.

Et enfin je participerai vendredi à la réunion de suivi du Forum Génération Égalité, un an après son organisation en France à Paris en co-présidence avec le Mexique, de façon à poursuivre la mobilisation de la communauté internationale autour du Forum et autour de sa mise en œuvre, pilotée par ONU Femmes. Et donc à cette occasion vendredi je rappellerai l’engagement de la France dans la promotion et la défense des droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, dont je rappelle que c’est la grande cause des deux mandats du Président de la République, une cause bien évidemment à laquelle je suis particulièrement attachée. Vous savez dans toute société, le recul des droits des femmes est toujours le signe d’une crise profonde, nous le voyons d’ailleurs, y compris dans des pays proches de nous, y compris dans celui où nous nous trouvons, où le droit des femmes et la maîtrise de leur corps est remis en cause donc voilà pourquoi il faut poursuivre, il faut progresser.

Donc voilà les ambitions qui sont les nôtres pour cette semaine. J’ai été un peu longue mais j’ai voulu vous présenter tout à la fois le programme et sa structuration, les raisons profondes qui sous-tendent ce programme. Et donc pour résumer nous devons tout à la fois :

  • Travailler au respect des principes fondamentaux de la Charte, ils sont gravement menacés aujourd’hui, donc contrer aussi les effets de la guerre russe en Ukraine ;
  • Maintenir au sein d’une communauté internationale dont on voit bien qu’elle est fracturée un esprit de dialogue et de compromis et même tenter de retrouver de meilleures voies de coopération, et construire de nouvelles solutions multilatérales, y compris en réformant les institutions qui doivent l’être ;
  • Et puis enfin, rassembler, nous devons le faire aussi, rassembler autour des principes de liberté et de défense des droits ; ces principes qui nous ont toujours animés.

Voilà pour cette présentation je vous remercie de votre écoute et je suis maintenant à votre disposition si vous avez quelques questions.

Q (Anadolü) - Thank you, Minister. My question will be on Ukraine. We are hearing from the Russian authorities that they can’t take their food and fertilizer off to the market but at the same time we are earring that they are no sanctions on the Russian food, Russian grain and Russian fertilizer, and also the UN Secretary General says that we badly need the Russian fertilizer and there are talks negotiation going on to take it to the markets.
What is the obstacle, are there any sanctions what is preventing the Russian grains or fertilizer out?

R - Sur ce sujet je crois qu’il serait avisé de ne pas écouter ce que parfois la propagande russe relate, mais plutôt de regarder les faits et le droit. Il n’y a pas de sanction ni sur les produits alimentaires, ni sur les engrais russes. Il n’y en a pas, c’est facile à vérifier. Il y a des sanctions financières sur la Russie, mais il n’y en a pas sur les biens alimentaires et sur les engrais. Donc la difficulté que pointe le Secrétaire général des Nations unies tient au mécanisme financier, or des mécanismes financiers permettent, en pleine conformité avec les dispositifs internationaux, en pleine conformité je le souligne, de trouver des moyens d’exporter.
Mais revenons aux faits, parce que les faits sont ceux-là, et ils sont vérifiables et je crois que cela doit faire deux ou trois mois que nous répétons qu’il n’y a pas de sanctions sur ces biens en ce qui concerne la Russie.

Q ( Reuters) - Partagez-vous l’avis de Mme von der Leyen que Vladimir Poutine devrait être traduit devant la CPI ?
Deuxième question sur l’Iran, est-ce que vous pensez qu’un compromis est possible sur les questions des garanties à l’AIEA, est ce que la position américaine est aussi forte que la position britannique et française sur ce sujet ?
Et une précision sur le groupe de travail de mercredi sur Zaporijjia, est ce que la Russie va participer au groupe de travail ?

Q (Nikkei of Japan) - You will be meeting with the Foreign Minister of China, shortly. There is growing tension around Taiwan. What message will you be telling the Chinese Foreign Minister? Just to get some clarity, what is France’s position on Taiwan?

R - Pour ce qui concerne la lutte contre l’impunité, je rappelais tout à l’heure que tout à la fois il est important, et même extrêmement important, que les auteurs des crimes commis répondent de leurs actes. Parce que ces crimes sont abominables, et parce qu’il n’y a pas de paix sans justice. Les instruments à notre disposition sont les justices nationales et la justice internationale.
Les justices nationales c’est d’abord la justice ukrainienne que nous aidons à faire son travail, comme d’autres. Il faut rappeler que nous avons envoyé déjà dans le passé des équipes d’enquêteurs spécialisés ainsi qu’un laboratoire ADN pour aider à documenter les preuves et nous continuerons à aider les autorités ukrainiennes avec de nouvelles actions de ce type. J’y reviendrai un peu plus tard dans la semaine. Il y a également d’autres justices nationales qui sont saisies, je rappelle qu’il y a des procédures qui ont été ouvertes dans d’autres États et notamment en France.

Et puis il y a la justice internationale, au premier rang de laquelle se trouve la Cour pénale internationale que nous aidons par une aide financière et par la mise à disposition de personnels. Nous sommes en train de finaliser la mise à disposition de magistrats et enquêteurs. C’est à la Cour pénale internationale de documenter, ce qui lui permettra, dans le cadre de l’enquête qui est ouverte, et nous entendront bientôt le Procureur, Karim Khan, de documenter les crimes commis, il a ouvert une enquête, je le rappelle, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Donc nous verrons quelles sont les conclusions de cette enquête mais je dois rappeler que la Cour pénale internationale peut se prononcer non seulement sur les derniers exécutants, mais également sur les responsables. Nous en sommes là et nous verrons ce que le Procureur général a à nous dire.

Sur l’Iran et la position des uns et des autres, je peux vous affirmer, et nous nous coordonnons très souvent, nous l’avons fait encore au niveau ministériel il y a 8 ou 9 jours, que la position des Européens et la position États-Unis d’Amérique est identique. De longues négociations ont eu lieu, un texte a été mis sur la table qui reflétait le point d’équilibre et l’accord possible dès le mois de mars, et depuis, il a fait l’objet d’échanges et d’ultimes ajustements. Malheureusement l’Iran n’a pas encore répondu positivement à cette proposition d’accord, et est même revenu en arrière sur un autre volet de ses obligations, celles qu’elle tient du TNP. Donc la fenêtre d’opportunité qui était encore faiblement ouverte à la fin du mois d’août me semble près de se refermer. Et nous ne cessons de dire, chacun d’entre nous, à titre national ou à plusieurs, vous l’avez vu encore la semaine dernière, qu’il n’y aura pas de meilleure offre sur la table pour l’Iran, et qu’il lui appartient de prendre une décision.

Votre question sur Zaporijjia, je crois avoir dit ce que je pouvais en dire, il y a une situation qui reste extrêmement dangereuse, malgré la réussite de la mission de M. Grossi qui a permis de constater des faits. Et donc l’AIEA s’emploie, avec notre soutien, avec le soutien de beaucoup d’autres partenaires, après cette première mission, à trouver les moyens d’éviter un incident nucléaire ou un accident nucléaire. Je rappelle que les forces russes occupent la zone de la centrale avec des moyens militaires, une occupation dans un territoire étranger qui provoque évidemment des réactions de la part des autorités de ce pays. M. Grossi a fait des propositions, il l’envisage, vous le savez, par des mécanismes qui ne peuvent être que basés sur la réciprocité des obligations deux parties de faire baisser la tension. Nous l’entendrons, je ne veux pas en dire davantage ni parler à sa place, lors de cette réunion mercredi. Et ce matin en parlant à mon homologue russe, j’ai attiré son attention sur l’importance qu’il y avait pour chacun des États concernés, mais aussi pour tous les États du monde, à éviter qu’il y ait un incident nucléaire en Ukraine du fait de l’occupation par les forces russes de la centrale.

Il m’a semblé que mon interlocuteur était ouvert à l’idée d’entendre des précisions de la part de M. Grossi, dont vous connaissez par ailleurs les propositions à deux niveaux.

Sur la Chine, Madame, il n’y a rien de véritablement nouveau dans ce que je peux vous dire.

Tout à la fois, la situation nous préoccupe beaucoup et la montée des tensions est source de préoccupations pour la communauté internationale parce que l’attitude de la Chine s’est manifestée d’une façon dont l’agressivité ne correspond pas aux relations de stabilité que nous souhaitons dans cette zone et ailleurs et à la stabilité à laquelle elle est traditionnellement attachée.

Nous avons dans le passé fait part de notre inquiétude devant des actions de nature à augmenter la tension : il y en a eu plusieurs. Et dans le cadre de notre politique qui ne change pas d’une seule ligne, nous avons les uns et les autres des relations avec Taïwan. Et le statu quo qui est la situation existante ne doit pas être remis en cause ni par la Chine ni par quiconque, et certainement pas par des moyens qui ne seraient pas des moyens pacifiques comme on en a vu la tentation. Là-dessus la clarté demeure mais il n’y a pas d’élément nouveau récent.

Q - Forgive me if I didn’t hear before the audio was quite spotty. The meeting with Mr Lavrov, how did that go, can you tell us more about it, is there any sign that he sent that he is open to diplomacy?

Q - Combien de temps ça a duré ?

R - Une petite demi-heure. C’est la deuxième fois que je m’entretiens avec lui depuis ma prise de fonction, la première était au mois d’août et précisément sur ce sujet de la centrale de Zaporijjia. Et nous avions pu constater ensuite des progrès permettant le déroulement de la Mission de M. Grossi. Nous allons voir ce qu’il en est cette fois-ci.

Q -Vous avez parlé de l’Iran et de la fenêtre qui est en train de se fermer. Quel type d’initiative pourriez-vous prendre durant cette réunion ; et notamment il y a le président Raïssi sur place, est-ce qu’il est envisagé une réunion avec le président Macron ?

R - Des initiatives, il n’y en a pas de nouvelle, puisque je viens de rappeler que nous avons fait les meilleurs efforts possibles et de bonne fois pendant un an ou un an et demi de négociation, procédé à d’ultimes ajustements cet été et que le texte qui est sur la table, il appartient à l’Iran de l’accepter, ou de ne pas l’accepter, la balle est dans son camps, la décision lui appartient. Il serait avisé qu’il profite de cette possibilité d’un retour au JCPoA et des avantages qui s’y attachent, ce qui ne règle pas toutes les questions sur la stabilité dans la région par ailleurs, mais ce serait une étape utile. Est-ce qu’il est possible qu’il y ait des entretiens avec M. Raïssi ? Je ne le sais pas encore mais vous vous souvenez que le président de la République s’est entretenu cet été avec M. Raïssi, après que moi-même, à sa demande, je me fus entretenu avec mon homologue. Donc nous verrons ce que cette semaine nous apporte.

Enfin, sur le programme précis du président de la République, mes responsabilités s’arrêteront là. On vous donnera en temps et en heure la composition de ce qu’il ne faudrait pas appeler un « outreach », mais qui est une réunion élargie à nos partenaires, dans l’esprit, que je rappelais, de ne pas être seuls entre nous mais de tisser autant de liens qu’il faut sur les questions globales, sur les sujets qui nous concernent tous. Et il y aura je pense entre une demi-douzaine et une dizaine de participants, mais ce n’est pas à moi de vous donner le nom des pays concernés. Merci.