Nations unies - Débat ouvert sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne - Intervention de Jean-Noël Barrot au Conseil de sécurité (New-York, 29 avril 2025)

Partager

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs,

J’ai voulu faire du débat sur le Proche et le Moyen-Orient un moment fort de la présidence française du Conseil de sécurité.

Les massacres antisémites du 7 octobre 2023 et la conflagration militaire qui s’en est suivie ont bouleversé la région.

À l’heure où nous parlons, Gaza est dévastée par la guerre, le Liban s’en relève à peine, la Syrie s’engage dans une transition fragile et incertaine, l’Iran poursuit sa dangereuse course vers l’armement nucléaire. Cette spirale de déstabilisation ne doit pas nous entraîner vers l’irréparable. C’est pourquoi nous devons œuvrer ensemble en faveur d’un chemin de paix et de sécurité pour tous.

Notre première priorité, c’est d’arrêter les hostilités pour mettre un terme aux souffrances des populations civiles.

Au Liban, en lien étroit avec nos partenaires américains, nous sommes parvenus il y a cinq mois à obtenir un accord de cessez-le-feu. Sa mise en œuvre demeure perfectible, mais il a permis de ramener la paix. Il est essentiel et doit être maintenu.

À Gaza, hélas, la guerre se poursuit. La rupture du cessez-le-feu et la reprise des frappes israéliennes doivent nous alarmer. Elles constituent un retour en arrière dramatique pour la population civile palestinienne, pour les otages israéliens et leurs proches, et pour la sécurité de l’ensemble de la région. Il est urgent que les négociations reprennent et aboutissent à un cessez-le-feu durable. Nous soutenons les efforts des médiateurs pour y parvenir.

Ce cessez-le-feu doit permettre la libération inconditionnelle et sans délai de tous les otages détenus arbitrairement par le Hamas. Permettez-moi, en m’exprimant devant ce Conseil, d’avoir une pensée pour notre compatriote M. Ofer Kalderon, libéré après 484 jours de captivité. Je veux aussi rendre hommage à la mémoire de notre compatriote M. Ohad Yahalomi, enlevé le 7 octobre, arbitrairement détenu et assassiné à Gaza. Il laisse derrière lui une veuve et trois orphelins innocents.

Le cessez-le-feu doit aussi permettre de faire entrer massivement l’aide humanitaire à Gaza. Alors que la situation sur place est catastrophique, voilà deux mois que toute aide humanitaire est bloquée. J’ai pu le constater en me rendant à la frontière égyptienne et j’en témoigne devant vous : cette situation est inacceptable. Car depuis la fin du mois de mars, les bombardements israéliens ont fait plus de 1 300 morts, dont de nombreux civils, femmes et enfants. Et ces frappes ont également tué des travailleurs humanitaires et des personnels des Nations unies. Le calvaire que vivent les populations civiles gazaouies doit prendre fin. J’appelle Israël à lever tous les blocages pour que l’aide humanitaire afflue enfin à Gaza, et de façon massive.

De son côté, la France s’est pleinement mobilisée pour répondre à l’urgence humanitaire. Depuis 2023, nous avons apporté 250 millions d’euros d’aide humanitaire aux populations civiles. Une partie de cette aide a été distribuée via l’UNRWA, dont la France soutient l’action mais aussi l’effort de réforme engagé. En lien étroit avec nos partenaires régionaux, notamment l’Égypte et la Jordanie, nous avons aussi apporté directement des soins, de la nourriture et des abris pour les habitants de Gaza victimes de la guerre.

Notre deuxième priorité, c’est d’aider les territoires martyrisés par les conflits à se relever.

La conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, qui s’est tenue à Paris le 24 octobre 2024, a permis de recueillir plus d’un milliard de dollars. Cette aide a été destinée à la population et aux forces de sécurité. Les nouvelles autorités ont engagé des efforts de réforme et de reconstruction que nous soutenons. Le moment venu, nous accueillerons à Paris une conférence internationale de soutien au redressement économique du Liban. Le rôle des Nations unies tout au long ce processus sera essentiel.

Le Liban doit recouvrer sa souveraineté, toute sa souveraineté. Nous appelons les forces israéliennes encore présentes à se retirer de l’entièreté du territoire libanais pour que les forces armées libanaises puissent s’y redéployer. C’est à elles d’assurer la sécurité et la souveraineté de l’État, aidées par la FINUL et par le mécanisme de supervision auquel la France participe aux côtés des États-Unis, mécanisme qui inclut les Nations unies. La France poursuivra ses efforts avec détermination pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 1701 de ce Conseil.

En Syrie, un processus de transition historique est engagé depuis le renversement de la dictature de Bachar al-Assad. La France est prête à y apporter son soutien. Avec ses partenaires européens, elle a initié de premières levées de sanctions sous conditions. Le processus de transition doit en effet respecter et protéger les droits de toutes les Syriennes et de tous les Syriens, quelle que soit leur appartenance ethnique, religieuse ou de genre. Elle doit aussi garantir la poursuite d’une lutte efficace et déterminée contre le terrorisme. Je le redirai à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies : les crimes atroces commis par le régime de Bachar al-Assad ne doivent pas être oubliés. L’ONU a un rôle important à jouer contre l’impunité et pour la reconstruction de la Syrie.

À Gaza, nous soutenons les efforts de nos partenaires arabes pour bâtir un cadre robuste et crédible pour le "jour d’après". Ce cadre devra permettre la reconstruction, la gouvernance et la sécurité de l’enclave. Mais ces efforts ne peuvent produire leurs effets que s’ils s’inscrivent dans une perspective politique.

C’est pourquoi notre troisième priorité est de travailler à des solutions politiques garantissant une paix juste et durable.

Il n’y a qu’une seule solution pour parvenir à un règlement politique du conflit israélo-palestinien : c’est la solution à deux États, la seule à même de garantir paix et sécurité sur le long terme aux Israéliens comme aux Palestiniens.

Cette solution est aujourd’hui remise en cause par l’aggravation de la colonisation en Cisjordanie, par les violences de colons extrémistes, par la volonté d’affaiblir l’Autorité palestinienne et par les discours évoquant une annexion et des déplacements forcés de population.

Face aux faits accomplis sur le terrain, la perspective d’un État palestinien doit être protégée. C’est pourquoi la France organisera aux côtés de l’Arabie saoudite, ici, à New York, au mois de juin, une conférence internationale pour la mise en œuvre de la solution des deux États. Notre objectif est clair : faire progresser parallèlement la reconnaissance de la Palestine et la normalisation des relations avec Israël. C’est ainsi que nous parviendrons à garantir la sécurité d’Israël et son intégration régionale, tout en répondant à l’aspiration légitime des Palestiniens à disposer d’un État. Cette feuille de route pour la mise en œuvre effective de la solution des deux États passe aussi par le désarmement du Hamas, la définition d’une gouvernance crédible dont il sera exclu, et la réforme de l’Autorité palestinienne. L’ONU et ses agences doivent prendre toute leur place dans ce processus.

Parallèlement, nous ne ménageons pas nos efforts pour trouver une solution diplomatique au défi lancé par la fuite en avant du programme nucléaire iranien. Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi le décrivait précisément hier, lors de notre réunion sur la non-prolifération.

Face aux ingérences déstabilisatrices, nous devons continuer à œuvrer pour le renforcement de la souveraineté des États de la région.

Permettez-moi, au retour d’un déplacement en Irak, de souligner combien ce pays ouvre la voie : déchiré hier par les conflits et le jeu des puissances, il parvient aujourd’hui à se tenir à l’écart des tensions régionales. L’Irak a retrouvé son rôle de pôle d’équilibre et de stabilisation. La troisième Conférence de Bagdad, qui se tiendra avant la fin de l’année, en témoignera ; elle permettra de travailler à la coopération et à la sécurité régionales, à rebours des logiques de fragmentation et d’affrontement aujourd’hui à l’œuvre.

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs,

La France est au service de la paix et de la souveraineté, sans lesquelles rien n’est possible. Nous sommes profondément attachés, par l’histoire et la géographie, au Proche et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, notre sécurité et notre stabilité à tous dépendent de cette région. Nous sommes donc déterminés à y construire, avec vous, et pour vous, un chemin pour la paix.