Ukraine - Session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale - Intervention de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères (New York, 23 février 2023)

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Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues,

Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,

Cela fait un an que la Russie a déclenché sa guerre d’agression contre l’Ukraine sans aucune justification et de manière totalement illégale.

Et depuis un an, elle y mène une guerre brutale, qui viole les principes les plus fondamentaux de notre Charte commune - ainsi que ses propres engagements.

Un an de guerre marquée par des exactions en séries et par des crimes si graves et si systématiques que la Cour pénale internationale a lancé des enquêtes pour crimes de guerre, pour crimes contre l’humanité et pour génocide.

Aucun d’entre nous ne peut fermer les yeux sur les exécutions, la torture, les violences sexuelles comme arme de guerre, les enlèvements et les déportations d’enfants.

Pourtant, cela fait un an que l’Ukraine résiste admirablement. Elle le fait pour son indépendance, pour sa liberté et pour le droit qui est le sien de bâtir l’avenir qu’elle s’est choisi.

Alors que je me tiens ici, devant notre assemblée, je veux faire part de l’absolue détermination de la France à soutenir l’Ukraine pour qu’elle puisse non seulement résister, exercer son droit à la légitime défense, un droit reconnu par notre Charte commune, mais aussi pour qu’elle puisse faire respecter sa souveraineté et son intégrité territoriale, qui sont aussi des principes qui nous unissent ; pour qu’elle puisse donc mettre en échec l’agression de la Russie, qui porte une atteinte grave à la paix et à la stabilité internationales, et donc à la paix et à la sécurité de chacun d’entre nous.
Cela concerne chacun de nos États car il n’y aura de paix et de sécurité nulle part si les agressions sont récompensées.

Cette guerre menée par la Russie est donc l’affaire de tous. Parce qu’elle menace l’existence d’un État, parce qu’elle constitue un projet dominateur et impérialiste, parce qu’elle nie les frontières, elle est l’affaire de tous.

Comme l’a dit le président de la République, Emmanuel Macron, à cette tribune en septembre dernier, il n’y a pas de neutralité possible, car la neutralité reviendrait à se rendre complice de l’agresseur.

Laisser la Russie dicter sa loi porterait un coup fatal à l’ordre international fondé sur le droit auquel nous souscrivons tous depuis 75 ans. Cela saperait les fondements même de notre sécurité collective.

Notre devoir à tous est d’éviter que l’agression russe ne soit que le premier pas vers une période de grave instabilité et de violence systémique, qui n’épargnerait aucune région du monde.

Et aucun d’entre nous n’aurait la moindre raison de se sentir en sécurité dans un monde où une grande puissance, qui plus est dotée de l’arme nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité pourrait, à son bon vouloir, décider de s’en prendre à ses voisins.

La Russie tente de convaincre certains d’entre vous que ses tentatives pour bouleverser l’ordre mondial et imposer un ordre basé sur la force joueront en leur faveur.

C’est une illusion. Les faits sont là : c’est la Russie et la Russie seule qui a voulu la guerre et sa guerre fait peser des risques sur la sécurité alimentaire mondiale, notamment dans les pays les plus vulnérables, tout comme elle a des conséquences négatives sur la plupart des pays du monde. Plus de guerre, plus de blocus ni de tension sur l’alimentation ou l’énergie.

Monsieur le Président,

Depuis un an, cette Assemblée est restée active face à cette situation inacceptable. Cinq fois depuis le 24 février 2022, elle a exprimé son attachement à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine comme aux principes fondamentaux de la Charte.

Le vote d’aujourd’hui doit nous permettre de rappeler ces règles et principes sans lesquels la paix et la sécurité ne seraient que des mots vains. Le projet de résolution qui vous est présenté rappelle que c’est seulement sur le respect de ces principes que pourra être bâtie une paix juste et durable.

A l’inverse, la Russie ne montre aucun désir pour la paix. Elle ne connaît de dialogue que celui qui soumet les autres, en Ukraine comme ailleurs. Elle ne connaît de paix que celle du silence des morts et des ruines. Elle n’accuse autrui que pour mieux tromper et s’absoudre de ses crimes.

Personne ici n’a voulu faire la guerre à la Russie, et certainement pas l’Ukraine. Personne n’a menacé la sécurité de la Russie ou n’a porté atteinte à son intégrité. Personne n’a usé de la même rhétorique nucléaire. Personne d’autre que la Russie n’a voulu la tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Elle peut et elle doit arrêter, dès demain. Dès le 16 mars, la Cour internationale de justice l’avait exigé.

Le projet de résolution qui est proposé par l’Ukraine est le fruit d’un processus de négociation transparent et universel, traduisant une volonté de réunir un large consensus autour de nos règles et principes communs, ceux de notre Charte. Il demande une paix juste et durable respectant pleinement ces principes, comme notre intérêt à tous nous le commande.

Fidèle à sa tradition et à ses valeurs, la France apportera à ce texte son plein soutien ; elle appelle tous les États à faire de même, en responsabilité.

Je vous remercie.