Réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne en format « Gymnich » - Propos à la presse de Jean-Yves Le Drian et de Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l’issue de la réunion en format « jumbo » (affaires étrangères et défense) - Propos de Jean-Yves Le Drian (Brest, 13 janvier 2022)

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Mesdames, Messieurs, nous venons de terminer le long débat que nous avons eu en formation dite « jumbo », et nous allons ouvrir la réunion informelle des ministres des affaires étrangères. Je souhai tais dire quelques mots avant que le Haut représentant ne fasse le point, d’abord pour faire une constatation, que certains n’avaient peut-être pas imaginée, c’est qu’à Brest, il fait très beau ! Et je pense que c’est un message lourd que nous devons partager, Josep Borrell et moi-même. Pour moi, ce n’est pas une surprise ; je suis un habitué de Brest, mais pour certains peut-être qui, par une mauvaise rumeur, auraient pu imaginer que ce ne fût pas le cas. Il fait très beau !

Deuxièmement, je suis très heureux pour ma part en raison de mes enracinements régionaux du fait que cette réunion informelle, dite de format Gymnich, se tienne ici, en Bretagne. La dernière fois, lors de la présidence française précédente, en 2008, la réunion des affaires étrangères s’était tenue au Palais de Papes, à Avignon. Et là, nous sommes au Palais des constructions navales, puisque cet atelier des Capucins était initialement l’atelier de constructions navales de la ville de Brest. Puis, nous sommes aussi au Palais de l’Océan, au Palais du grand large. Bref, ce site incite aussi à la fermeté, la détermination, la vigueur de notre projet européen.

Et je termine en disant à Josep Borrell que le débat que nous venons d’avoir sur la boussole stratégique est pour la France, et pour la présidence française, un débat essentiel. Nous sommes vraiment très déterminés à faire aboutir ce projet de boussole stratégique pour le Conseil européen du mois de mars. Et je pense qu’après la longue discussion que nous venons d’avoir, les conditions sont réunies aujourd’hui pour que cela se passe. Parce que cette boussole stratégique, c’est à la fois un Livre blanc de la défense européenne pour prendre une comparaison qui parle sans doute à l’opinion française, « Livre blanc », et en même temps, c’est l’affirmation d’une volonté des Européens d’affirmer leur souveraineté. La souveraineté européenne, c’est le fil d’Ariane de notre présidence française.

Cela passe par une souveraineté sécuritaire. Et nous avons aujourd’hui posé les jalons de cette souveraineté sécuritaire, à la fois dans le domaine capacitaire, dans le domaine opérationnel, dans le domaine de l’identification des menaces, dans le domaine de la résilience technologique et industrielle et dans le domaine de l’innovation… Bref, dans l’ensemble du panel des questions qui nous sont posées, je suis pour ma part relativement optimiste sur le bon aboutissement de cette boussole stratégique et du débat que nous venons d’avoir.

Merci.

Q - Quelle est votre analyse de la prise de position des Russes, qui ont aujourd’hui annoncé qu’ils ne voyaient pas l’utilité d’un nouveau round de négociations avec les Occidentaux, compte tenu du fait que, et à Genève, et à Bruxelles lors de la réunion du Conseil OTAN-Russie les divergences ont été telles qu’elles semblaient insurmontables. Est-ce que vous pensez que c’est une fin de non-recevoir ? Que c’est la fin des négociations ? Est-ce que ça veut dire que l’on peut s’attendre au pire, ou vous pensez que c’est un coup de bluff ?

R - C’est à eux qu’il faut demander.
(…)

R - Si je peux me permettre, si la volonté de la Russie est de revenir à Yalta, puisque les fondamentaux des deux propositions qui sont sur la table reviennent à une logique de blocs, et de revenir à, finalement, avant 1990, ce n’est pas acceptable pour nous. Mais si derrière ce geste, il y a la volonté de construire autre chose, alors, continuons à discuter, parce que nous sommes favorables à ce qu’il y ait la stabilité et la sécurité en Europe et à trouver les formes qui conviennent, à un moment où il n’y a plus du tout d’instrument de régulation du contrôle des armements sur l’ensemble de l’espace européen. Donc, nous sommes dans cette logique-là, de fermeté et de dialogue. Donc, nous espérons que cela va se poursuivre.

Q - Vous avez des signaux indiquant que vous allez pouvoir organiser un format Normandie, à Paris ?

R - Sur la situation en Ukraine, tout le monde constate qu’il y a un seul espace, un seul format de négociation, c’est le format de Normandie. A un moment donné, il y a eu des tentatives de la part de la Russie d’essayer de trouver sur la question ukrainienne une relation spécifique avec les États-Unis, c’est fini ça. Il y a eu, la semaine dernière une mission des deux conseillers diplomatiques du Président Macron et du Chancelier Scholz, et à Kiev, et à Moscou. Les éléments sont réunis pour que l’on puisse se réorienter vers le format de Normandie et j’espère que cela va aboutir. En tout cas c’est la volonté de la ministre allemande que j’ai vue sur ce sujet-là, ce matin, avant que la réunion ne commence. C’est ma volonté, c’est celle du Président Macron et du Chancelier Scholz. C’est aussi celle de M. Zelensky qui a fait une déclaration à cet égard.

Donc, un signe fort sera la reprise de ces discussions, d’autant plus qu’on connaît les feuilles de route à mettre en oeuvre. Donc, il n’y a pas à réinventer, à la fois sur la partie humanitaire, la partie cessez-le-feu, la partie politique. Dans les Accords de Minsk, il y a tout ce qu’il faut. Dans les Accords de Paris de décembre 2019, il y a tous les éléments. Donc, il suffit de se mettre autour de la table pour essayer d’avancer.

Q - Et Moscou semble également prêt à franchir ce pas ?

R - Je n’ai rien dit de plus. Moscou, ce n’est pas moi.

Q - Donc, en fait, c’est Moscou qui tient la clé. S’ils n’acceptent pas de reprendre les discussions sur l’architecture de sécurité du format Normandie…

R - Oui mais à partir du moment où ils ont reçu les délégués pour la question ukrainienne et du Chancelier et du Président Macron, c’est un signe aussi.

Q - (Question en anglais sur l’éventualité de contremesures à l’égard de la Chine)

R - Vous verrez demain.