Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à son arrivée à la réunion informelle du Conseil des Affaires étrangères (Copenhague, 30 août 2025)

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Bonjour à toutes et tous. Je remercie la présidence danoise du conseil de l’Union européenne pour son accueil aujourd’hui. Nous nous retrouvons avec les ministres des affaires étrangères de l’Union pour une réunion informelle à l’issue d’une semaine marquée par une activité diplomatique intense.

Sur l’Ukraine, tout d’abord, la poursuite des efforts qui ont été engagés cet été par le Président de la République et ses homologues, d’abord pour affirmer l’unité européenne et son soutien à l’Ukraine et puis aussi pour faire apparaître l’importance, le caractère essentiel, au moment où nous espérons que les négociations de paix puissent ouvrir, des garanties de sécurité. Et cette semaine, pour la première fois, les chefs d’état-major des pays participant à la coalition des volontaires, que la France et le Royaume-Uni ont constituée, sont entrés dans le détail, avec leurs collègues américains, des garanties qui permettraient effectivement à la paix d’être durable. Ces travaux vont se poursuivre dès la semaine prochaine au niveau des chefs d’État et de gouvernement. Et vous le voyez, l’Europe, dans ce domaine, est en train de prendre les choses en main.

Ces garanties de sécurité n’auront de sens, bien évidemment, que dès lors que les hostilités auront cessé. Or, la frappe meurtrière et sanguinaire de la Russie cette semaine démontre une nouvelle fois que Vladimir Poutine, à ce stade, n’a aucune intention de mettre fin à la guerre impérialiste, à la guerre de colonisation, qu’il a engagée il y a plus de trois ans contre l’Ukraine. Et si effectivement dans quelques jours, à l’issue des deux semaines, le délai qu’il avait donné au président Trump, Vladimir Poutine continue de s’opposer à une rencontre à haut niveau avec le président de l’Ukraine, alors il faudra le contraindre en accentuant les sanctions, les sanctions des États-Unis, mais aussi les sanctions européennes. Et ce sujet sera évidemment au cœur de nos discussions ce matin à Copenhague.

Je viendrai faire une proposition de la France pour que nous puissions épuiser les ressources que Vladimir Poutine engouffre dans cette guerre et enrayer la machine de guerre russe en ciblant le secteur énergétique, le secteur de la finance, mais peut-être aussi certains secteurs civils qui continuent indirectement de soutenir l’effort de guerre russe.

Sur l’Iran ensuite, jeudi, avec mon collègue allemand et mon collègue britannique, nous avons annoncé la décision de nos trois pays de notifier aux Nations unies la ré-application des sanctions contre l’Iran qui avaient été levées il y a dix ans. Nous l’avons fait à l’issue de plusieurs mois de tractations intenses à tous les niveaux, du Président de la République aux diplomates du Quai d’Orsay. Quelles sont ces sanctions ? Ce sont des embargos mondiaux des Nations Unies sur les armes, sur les banques, mais aussi sur les équipements nucléaires, qui avaient été levés il y a dix ans en contrepartie d’une maîtrise du programme nucléaire iranien. Nous avons, il y a quelques semaines, proposé à l’Iran de reporter cette décision à condition que l’Iran puisse démontrer sa bonne volonté avec des gestes très simples, consistant à affirmer son intention de régler les problèmes par la négociation et aussi de réouvrir une coopération active et en bonne foi avec l’Agence internationale pour l’énergie atomique. L’Iran n’a pas consenti à ces gestes, nous avons donc décidé de notifier cette décision très lourde.

Que va-t-il se passer désormais ? Sous une période de 30 jours à l’issue de laquelle ces sanctions seront réappliquées, puis dans un deuxième temps, des sanctions européennes pourraient se réappliquer elles aussi, à moins bien sûr que l’Iran consente dans cette période de 30 jours aux gestes que nous lui avons demandés très clairement, auquel cas nous pourrions envisager de reporter l’application de ces sanctions. La porte de la diplomatie reste ouverte.

Hier, à Toulon, dans le sud de la France, s’est tenu le 25e Conseil des ministres franco-allemand. Cela a été un tournant de mobilisation, de détermination et d’ambition. Un tournant de mobilisation parce que le chancelier Merz est venu avec un nombre important de ministres du gouvernement allemand qui avaient travaillé avec leurs homologues français pendant des mois à affiner des feuilles de route dans un grand nombre de domaines. Un tournant de la détermination à approfondir notre amitié, notre relation et notre coopération dans les domaines qui vont de l’intelligence artificielle à la défense en passant par le spatial, par la culture et par la défense, la défense qui a fait l’objet d’un Conseil des ministres franco-allemand de la sécurité et de la défense. Et puis un tournant de l’ambition, parce que ces projets que nous voulons porter en commun, nous les voulons pour nos deux peuples, mais nous les voulons aussi pour l’Europe pour la rendre plus efficace et plus forte dans un monde troublé.

Puis cette semaine, c’est aussi la poursuite de la tragédie absolue qui se déroule à Gaza. Nous aurons l’occasion de réaffirmer en Européens notre attente d’un cessez-le-feu immédiat et la libération de tous les otages du Hamas et de l’accès sans entrave de l’aide humanitaire. De ce point de vue-là, nous avions formulé un certain nombre d’attentes auprès des autorités israéliennes. L’ouverture de l’accès à l’aide humanitaire pour contenir, pour mettre fin à cette situation de famine qui est tout simplement insupportable. Nous avions demandé la reprise des paiements qui sont dus par les autorités israéliennes à l’autorité palestinienne, plus de 2 milliards d’euros. Nous avions demandé aux autorités israéliennes de renoncer à leur projet de colonisation et en particulier le projet E1, 3.000 logements qui menacent de couper en deux la Cisjordanie. Force est de constater qu’à ce stade, nos demandes n’ont pas été satisfaites et c’est pourquoi, à la suite de l’examen qui a été fait par la Commission européenne du respect par le gouvernement israélien de ces obligations au titre de notre accord d’association et après les discussions qui ont eu lieu entre la Haute représentante et le gouvernement israélien sur l’ouverture de l’accès humanitaire, nous aurons aujourd’hui à préparer le travail des chefs d’État et de gouvernement qui pourraient être amenés dans les prochaines semaines à prendre des mesures restrictives.

Voilà les sujets qui vont nous occuper aujourd’hui. Je n’oublie pas que ce mois de septembre sera aussi marqué sur ce dernier sujet par l’Assemblée générale des Nations unies qui viendra consacrer les efforts engagés par la France et par l’Arabie saoudite depuis l’année dernière pour crédibiliser dans un moment où elle n’a jamais été aussi menacée, la solution à deux États, seule susceptible de ramener la paix et la sécurité durablement dans la région.

La conférence de New York qui s’est tenue dans les derniers jours du mois de juillet. Au-delà des déclarations d’intentions de pays comme la France qui reconnaîtront l’État de Palestine, cette conférence a abouti sur une déclaration, sur un document qui a été endossé à la fois par des pays européens, nord-américains, mais aussi par des pays arabes qui, pour la première fois depuis le 7 octobre 2023, ont condamné le Hamas et ses crimes, ont appelé à la libération sans condition des otages et ont affirmé leur intention le moment venu d’adopter des relations normales avec Israël et de s’insérer aux côtés d’Israël et de l’État de Palestine dans une architecture régionale de sécurité et de coopération. C’est une avancée majeure qui avait pu être obtenue par la mobilisation internationale et qui se poursuivra donc à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 22 septembre. De ce point de vue-là, je veux rappeler, suite aux annonces qui ont été faites ces dernières heures, que le siège des Nations Unies est un lieu de neutralité, c’est un sanctuaire au service de la paix où sont résolus les conflits, où sont empêchées les guerres et que de ce point de vue-là, une Assemblée générale des Nations unies, fondée il y a 80 ans par la France entre autres pays fondateurs, ne saurait souffrir d’aucune restriction d’accès et j’aurai l’occasion de m’exprimer à ce sujet avec mes collègues européens.