Déclaration à la presse de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en marge du Conseil Affaires étrangères (Bruxelles, 15 décembre 2025)

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Ce week-end, l’Australie a été endeuillée par un attentat terroriste antisémite sans précédent. La pire tuerie que le pays ait eu à connaître depuis trois décennies au moins. Et c’est dans ce contexte que nous avons appris, avec une profonde tristesse, la disparition de notre compatriote Dan Elkayam, qui compte parmi les 16 personnes décédées à cette occasion.

Dans ce contexte, nos équipes sur place, de l’ambassade et du consulat général, sont pleinement mobilisées. D’abord, au contact de la famille de notre compatriote décédé pour faciliter son rapatriement via Israël. Au contact également d’un jeune franco-néerlandais qui a été blessé au cours de cette attaque abjecte, qui a subi des soins et qui devrait, grâce au soutien des équipes de l’ambassade si nécessaire, pouvoir tourner cette page. Et puis évidemment, le consulat est au contact de la communauté française et de ceux qui, sans avoir été blessés, ont été témoins de l’horreur et ont besoin d’un soutien en matière psychologique. L’ambassadeur et le consul général se rendront sur place aujourd’hui au pavillon de Bondy, sur la plage où a eu lieu le massacre, pour se recueillir et exprimer au nom de la France, au peuple australien, nos condoléances et notre solidarité.

En Ukraine, la Russie est en échec politiquement, militairement, économiquement. La progression millimétrique sur le front se fait au prix de vies humaines innombrables. Et c’est dans ce contexte que les discussions se poursuivent entre Ukrainiens, Européens et Américains aujourd’hui à Berlin. Et c’est dans ce contexte également que les Européens ont décidé de prendre leur destin en main, avec des décisions très significatives, à commencer par celle qui a été prise vendredi, consistant à priver la Russie de ses actifs russes placés en Europe aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à ce que la Russie de Vladimir Poutine mette fin à sa guerre d’agression et verse des réparations à l’Ukraine.

C’est une décision majeure, puisque jusqu’à présent, et depuis 2022, les actifs russes placés en Europe étaient immobilisés, et cette immobilisation devait être renouvelée tous les six mois à l’unanimité des États. Désormais, ces sommes sont bloquées et ne pourront être déverrouillées que lorsque la guerre prendra fin et que des réparations auront été versées à l’Ukraine. Aujourd’hui, ici à Bruxelles, nous continuons à prendre des mesures de sanctions à l’encontre d’acteurs russes contribuant d’une manière ou d’une autre à cette guerre d’agression. D’abord, avec neuf entités responsables du contournement de nos sanctions, ce que l’on appelle la flotte fantôme, notamment des compagnies maritimes qui travaillent pour ou en lien avec les deux compagnies pétrolières Lukoil et Rosneft.

Et puis les sanctions à l’encontre de douze agents de la déstabilisation russe en Europe, douze responsables des ingérences étrangères ou des ingérences numériques étrangères. Et je veux citer notamment les sanctions qui vont être décidées aujourd’hui à l’encontre de Xavier Moreau, ressortissant franco-russe, basé en Russie, qui est un relais de la propagande du Kremlin en Europe, ou encore les sanctions qui cibleront John Mark Dougan, responsable d’ingérences numériques en Europe et en particulier l’un des artisans de cette campagne que les services français de VIGINUM ont dénoncé, Storm-1516, et qui a visé à plusieurs reprises le débat public français et européen.

Et puis, dans quelques jours, d’ici la fin de semaine, lors du Conseil européen qui réunira les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres de l’Union européenne, une décision pourra être prise pour mettre l’Ukraine à l’abri de toutes difficultés financières pour les deux années qui viennent et la placer en position de force au moment où se déroulent les discussions devant mener à la paix. En tout cas, c’est ce que nous voulons. Et nous constatons que l’Ukraine a montré sa disposition à avancer, à accélérer pour arriver jusqu’à la paix.

Au Proche et au Moyen-Orient, nous terminons l’année 2025 dans une situation moins défavorable que la fin de l’année 2024. Cependant, la situation de la région reste fragile et c’est la raison pour laquelle l’Europe, dont le Proche et Moyen-Orient, et le voisinage immédiat, doivent se mobiliser.

S’agissant de Gaza, j’ai proposé à la Haute représentante que Steve Witkoff et Jared Kushner, les envoyés du président américain, puissent intervenir aujourd’hui devant les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne pour faire un point sur la mise en œuvre du plan de paix du Président Trump que nous soutenons et auquel nous voulons contribuer.

Au Liban, nos efforts conjoints avec les États-Unis et l’Arabie saoudite se poursuivent et ont conduit il y a quelques jours au premier dialogue en 40 ans entre des civils libanais et des civils israéliens dans le cadre de ce mécanisme de suivi du cessez-le-feu que nous avons conçu l’année dernière. Nous travaillons à la mise en place d’un second mécanisme qui lui aura vocation à faire le suivi du désarmement du Hezbollah, élément essentiel pour éviter l’escalade et garantir un chemin crédible vers une souveraineté pleine et entière du Liban.

En Syrie, un an après la fin du régime sanguinaire de Bachar al-Assad, le pays a été marqué par l’assassinat de deux militaires américains et d’un traducteur que nous avons condamné avec la plus grande fermeté et qui illustre le défi sécuritaire auquel est confrontée la transition, que nous devons soutenir pour écarter le risque du terrorisme, de l’instabilité qui est toujours présent, mais que les autorités syriennes travaillent à pouvoir écarter.

J’en viens maintenant à la Chine, où le président de la République était en déplacement il y a 10 jours, ce qui a été l’occasion d’échanges approfondis avec le président XI et les autorités chinoises. J’ai sollicité de la part de la Haute représentante un échange que nous aurons aujourd’hui pour partager le constat et les propositions.

Le président de la République a proposé en Chine d’ouvrir une voie de rééquilibrage avec ce pays, qui consiste pour l’Europe à accentuer ses efforts en matière de compétitivité, pour la Chine à stimuler sa demande intérieure et à rouvrir son marché, qui consiste pour l’Union européenne et la Chine à développer un agenda d’investissement croisé et de partenariat au bénéfice de ces deux régions. Je proposerai donc à mes collègues, à partir de cette perspective d’une voie de rééquilibrage, d’actualiser notre triptyque que nous avions défini en 2019. C’est un triptyque de constat pour définir la relation entre l’Union européenne et la Chine, constat que nous sommes à la fois concurrents, partenaires et rivaux systémiques, de passer d’un triptyque de constat à un triptyque d’action. L’action, elle tient en trois mots, c’est : se dérisquer, dialoguer et dissuader.

Se dérisquer d’abord en approfondissant la compétitivité du marché intérieur, en réindustrialisant l’Europe pour être moins dépendant des importations et être plus autonome sur le plan stratégique. Dialoguer ensuite, je le disais, pour établir des partenariats et des investissements croisés avec nous. Et puis dissuader lorsque les emplois ou les actifs industriels stratégiques sont en jeu. C’est ce que nous avons fait la semaine dernière, une nouvelle fois, en protégeant par des droits de 100% un secteur qui était menacé d’extinction en Europe, qui est celui de l’alumine fondue, avec une décision qui a été prise par les Européens et dont je me félicite.

J’en viens maintenant à Haïti en me réjouissant que les propositions qui ont été faites par la France de sanctionner quatre figures politiques responsables d’un soutien politique financier aux gangs, qui menacent aujourd’hui la stabilité du pays et de la région, soient aujourd’hui adoptées. C’est la troisième fois que nous prenons des sanctions à l’encontre des responsables des violences aujourd’hui en Haïti. Il me paraît essentiel de continuer à exercer cette pression, car nous ne pouvons pas détourner le regard de la tragédie qui se déroule aujourd’hui en Haïti.

Et puis je me réjouis aussi du débat qui se tiendra aujourd’hui au Parlement européen sur le narcotrafic en présence de la famille de Mehdi Kessaci qui qui a été assassiné il y a quelques semaines dans notre pays. Ce sera l’occasion de manifester une ambition non seulement française mais européenne d’éradiquer à la racine le fléau de la criminalité organisée et du narcotrafic.

Dans le cadre de l’offensive menée par le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, j’ai présenté lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères européens un projet de régime de sanctions européen contre la criminalité organisée et le narcotrafic pour cibler les criminels qui sont réfugiés à l’étranger et qui sont responsables de trafic de drogue, d’êtres humains ou d’armes. J’ai constaté le soutien d’un grand nombre de pays et de la Haute représentante et nous pouvons espérer disposer de ce nouveau levier de pression à l’encontre de ces criminels dans les premiers mois de l’année prochaine.