Union européenne - Déclaration de Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe, à son arrivée au Conseil Affaires générales (Bruxelles, 18 juillet 2025)
Bonjour à tous et à toutes, on est aujourd’hui au Conseil Affaires générales, on va bien sûr commencer ce qui sera une négociation longue et cruciale pour l’avenir de l’Europe, celle du prochain cadre financier pluriannuel, le budget de l’Union européenne. On est dans un moment de turbulences géopolitiques où l’Europe a besoin de moyens financiers pour agir, elle a besoin d’un budget ambitieux et c’est pour ça que les discussions aujourd’hui sont absolument décisives. Elle a besoin d’un budget ambitieux pour investir dans la compétitivité et l’innovation de l’Union européenne, dans notre défense et notre sécurité collective, dans la souveraineté alimentaire des Européens, se donner des moyens d’agir dans ce moment crucial.
Dans cette négociation, la France aura plusieurs points de vigilance absolus. Le premier, bien sûr, c’est la souveraineté alimentaire de l’Europe et donc le revenu de nos agriculteurs et je veux le dire très clairement : nous nous battrons pour chaque centime de la Politique agricole commune, pour donner de la visibilité aux revenus des agriculteurs, pour leur donner les moyens d’investir, pour aider les jeunes agriculteurs à s’installer et donc le renouvellement des générations. C’est absolument crucial pour que notre continent ne dépende pas des autres pour se nourrir.
Bien sûr, nous soutiendrons l’investissement dans la compétitivité et l’innovation de notre continent, puisqu’on voit aujourd’hui avec le relais des réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle, demain du quantique, l’importance absolue, là aussi, d’investir dans l’autonomie stratégique, dans la souveraineté des Européens en soutenant nos entrepreneurs, nos start-up, nos innovateurs en continuant à simplifier nos règles et à unifier, approfondir le marché unique européen.
La défense et la sécurité vous le savez, cela a toujours été une priorité de la France avec un accent particulier à la préférence européenne. Je vois que la préférence européenne est inscrite dans les premiers textes qui ont été transmis par la Commission européenne. Là aussi c’est absolument fondamental pour avoir une industrie de défense européenne autonome, pour garder la maîtrise du savoir-faire technologique, l’usage des exportations et là aussi pour réduire nos dépendances alors qu’on voit la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et plus fondamentalement la menace que la Russie fait peser sur toutes nos démocraties.
La cohésion de nos territoires, bien sûr, sera au coeur des discussions avec une attention particulière au rôle de nos régions et de nos régions ultrapériphériques, de nos territoires ultramarins qui doivent être pleinement inclus là aussi dans cette politique de convergence européenne.
Je vais dire peut-être un mot de la gouvernance. Bien sûr, on va beaucoup parler de la façon dont ce nouveau budget va fonctionner et bien sûr l’Union européenne a besoin d’agilité, de flexibilité, de modernisation de son budget pour pouvoir répondre aux crises et pour pouvoir agir. Nous serons vigilants à l’équilibre institutionnel et au respect de l’équilibre entre la Commission et les Etats membres dans la façon dont fonctionne ce budget. Bien sûr, le diable sera dans les détails dans cette conversation.
Et peut-être un dernier mot en ce qui concerne le CFP sur la nécessité absolue pour l’Union européenne de se doter de ressources propres. C’est une condition sine qua non pour pouvoir avancer dans l’élaboration de ce budget. Il y a des propositions qui ont été formulées, on regardera en détail, mais très clairement la France, avec ses partenaires, portera cette ambition pour l’Europe de se doter de ressources propres. C’est à la fois nécessaire pour ce budget et pour le remboursement du grand emprunt NextGenerationEU. Et je rappelle d’ailleurs que c’était une des conditions sur lesquelles les 27 s’étaient mis d’accord lors de l’élaboration du plan de relance face à la crise Covid.
Je vais peut-être dire un mot avant de répondre à vos questions, d’un autre sujet qui sera évoqué aujourd’hui je pense, qui est l’adoption du 18e paquet de sanctions contre la Russie. Un paquet extrêmement ambitieux qui vient frapper notamment le secteur énergétique de la Russie qui continue à générer des ressources pour l’effort de guerre et l’agression de la Russie contre l’Ukraine.
Rappelons les faits, il y a déjà plusieurs mois le président Zelensky, les Ukrainiens, ont dit qu’ils étaient prêts à négocier, prêts à un cessez-le-feu pour se mettre autour de la table et négocier. Le seul aujourd’hui qui refuse la diplomatie, qui refuse la négociation, qui continue d’escalader sur le terrain avec ses bombardements et des demandes maximalistes sur ce conflit c’est Vladimir Poutine, c’est la Russie. Et donc la seule façon de pouvoir mettre fin à cette guerre, de remettre les parties autour de la table des négociations et de créer les conditions d’une paix juste et durable en Europe, c’est d’accroître fondamentalement la pression sur la Russie sur le plan militaire en continuant les livraisons d’armes à l’Ukraine qui se défend courageusement et sur le plan économique avec les sanctions et ce 18e paquet de sanctions est une avancée majeure. Il y a un effort diplomatique considérable qui a été fait par la France avec ses partenaires pour son adoption et nous continuerons encore une fois, tant qu’il faudra continuer de soutenir les Ukrainiens face à cette guerre d’agression parce que c’est la sécurité de tous les Européens.
Q - Sur la demande espagnole, il y a une demande espagnole sur les langues régionales. Est-ce que la France est prête à prendre une décision aujourd’hui ? Est-ce que vous avez déjà reçu des informations au niveau juridique, pratique, économique ?
R - Je sais que c’est un sujet qui est très important pour nos amis espagnols et j’ai déjà eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises avec mon homologue. On a eu cette conversation au précédent Conseil Affaires Générales où aucun consensus ne s’était dégagé. Moi je souhaite qu’on puisse continuer à travailler avec les Espagnols pour trouver des solutions constructives pour avancer sur le plan budgétaire, sur le plan juridique. Je suis encore une fois très respectueux de l’importance que ça représente pour eux. La France est engagée à pouvoir travailler avec les Espagnols et tous nos partenaires pour avancer et trouver des solutions dans le consensus.
Q - Pour le budget. Il y a des pays qui sont contre, qui disent "non, pas plus d’argent". Et je sais que la position pour la France c’est un peu ça, il y a des problèmes aussi avec l’argent, le budget etc. Mais vraiment, pour le peuple européen, on a besoin de dépenser plus. Est-ce que vous avez des messages pour des autres Etats membres pour dire emprunt commun, des autres choses, nouvelles ressources, des choses comme ça ? Qu’est-ce que vous voulez dire à des Etats membres comme l’Allemagne aujourd’hui ?
R - Moi vous savez, je n’ai pas de message particulier à un pays plutôt qu’à un autre. On va avoir une négociation qui sera longue et qui devra se construire dans le consensus. Mais on voit bien qu’on est dans un tournant historique et géopolitique pour notre continent. On a la guerre d’agression de la Russie et la menace que fait peser la Russie sur tous les Européens. On a les questions qui se posent sur l’avenir de la relation transatlantique et de la garantie de sécurité américaine. On a la nécessité de reprendre le contrôle de notre destin en investissant massivement dans l’innovation, la technologie, l’intelligence artificielle, le quantique, le spatial, la transition écologique. Pour tous ces sujets on a besoin d’une Union européenne forte qui se donne les moyens d’agir. Alors avant d’arriver dans les débats comptables, mettons-nous d’accord sur ce qu’on veut pouvoir faire ensemble, ce qu’on veut pouvoir faire ensemble dans la défense de la souveraineté alimentaire de l’Europe, dans notre souveraineté technologique et soutien à la compétitivité, dans la préférence européenne pour la défense et la sécurité. Ce seront les priorités qu’on portera. On aura besoin de ressources propres, c’est ce qui donnera aussi à l’Union européenne plus de flexibilité, plus de marge de manoeuvre pour pouvoir agir et c’est tout l’enjeu de la discussion sur le cadre financier pluriannuel qui commence aujourd’hui.
Q - On est suffisamment fort sur le sujet ?
R - Sur le commerce international ?
Q - Sur le commerce américain. Parce que je sais la France elle dit… que faire ?
R - Il faut être très clair, c’est un test de crédibilité géopolitique pour l’Union européenne. Les droits de douane qui ont été imposés par les Etats-Unis sont injustifiables, ils sont inacceptables, ils ne reposent sur aucune réalité dans la relation commerciale aujourd’hui entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Nous on l’a dit et on partage ça avec tous nos partenaires européens, on veut trouver une solution, on veut trouver un accord et un chemin de désescalade qui sera dans l’intérêt de tout le monde. Mais l’Union européenne a les moyens de se défendre, elle a les moyens de pouvoir activer par exemple les contre-mesures, s’il n’y a pas d’accord avec les Etats-Unis, d’aller plus loin en utilisant l’instrument anti-coercition qui permettra par exemple d’aller aussi frapper les services américains dont nous sommes consommateurs. Je pense notamment aux services numériques, encore une fois on est fort, on a un marché unique unifié, on a 27 Etats membres, on a des outils pour pouvoir se défendre et nous le ferons, nous défendrons collectivement nos intérêts.
Q - Est-ce que la taille du budget de 2 trillions d’euros c’est trop grand ou trop petit ?
R - Moi encore une fois c’est ce que je disais à l’instant, la question fondamentale c’est les priorités politiques qu’on veut donner, c’est comment est-ce qu’on donne, de la façon la plus efficace possible, à l’Union européenne les moyens d’agir pour défendre sa sécurité et son industrie de défense, pour assurer sa compétitivité et sa souveraineté technologique, pour préserver le revenu de ses agriculteurs et assurer sa souveraineté alimentaire. Comment est-ce qu’on le finance aussi par exemple en dégageant les ressources propres ? C’est toute cette conversation que nous avons besoin d’avoir mais on a besoin effectivement d’une Union européenne qui se donne les moyens d’agir et qui se donne les moyens à la hauteur de ses ambitions.
Q - Is France happy with the two-state solution you are working on ? You have an important meeting in New York. You are preparing for it. Are you hoping to gather some European support from your colleagues concerning this conference ? And what does France want to achieve from that ? Some people say it’s symbolic, it’s not important. Some say it’s highly important. What can you tell us about this ?
R - It’s very important and it’s a huge priority of President Macron. As you know, we’ve always had a clear line when it comes to the situation in the Middle East. We’re calling for an immediate ceasefire, for the release of all hostages from the Gaza Strip, for the access of humanitarian aid to the civilian population of Gaza, and down the road to the relaunch of a political dialogue that will lead to the only political solution for the region, which is two states. The state of Israel living in full security and the state of Palestine sovereign, living side by side. This is the role that France, with our partners in Saudi Arabia, with our European friends and partners will continue to play. This is the aim of this conference and this is the key message that we’ve always supported with our diplomacy. We need to find a political solution. We need to find a regional framework, two states, and then also the recognition of Israel by its neighbors in the Middle East, the recognition of Palestine by other countries, including European countries. This is what President Macron is fighting for.
Q - Is it a symbolic issue or more a practical support ? Because some would say even France couldn’t gather enough European countries to support the recognition of the Palestinian state. Are you sure that you have some countries with you to support this recognition, as Mr Macron said ?
R - It’s about launching a political momentum. It’s about creating the conditions for peace and a security framework for all the key actors in the region through the two-state solution. But it’s also very practical because, as you know, France, since the beginning of this tragedy, has been also very involved in the humanitarian support for the civilian population of Gaza, in finding also the path to a ceasefire both in Gaza but also in the rest of the region, especially in Lebanon. And this is the role that we continue to play. Thank you.