Coppélie Cocq : « Connecter l’enjeu local à l’enjeu planétaire »
Actualité
Suède
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Sciences Humaines et sociales
9 janvier 2018
A l’occasion de la Journée franco-suédoise de la Recherche qui s’est tenue le 10 novembre à Umeå, l’Institut français de Suède a rencontré la chercheuse française Coppélie Cocq, basée depuis 20 ans à l’Université de Umeå. Professeure agrégée en études sámis et en folklore nordique, spécialisée en études des minorités. Après sa thèse « Revoicing Sámi narratives, North Sámi storytelling at the turn of the 20th century », elle a étendu ses recherches à diverses formes de d’expression culturelle. Elle s’intéresse de près aux objectifs du développement durable dans le nord. Entretien.
La collaboration en recherche scientifique est-elle importante ?
Oui, je pense que la collaboration est aujourd’hui nécessaire pour la recherche. Il est important d’étudier ce qu’il se fait dans un contexte culturel et historique au niveau local, quand on parle par exemple des objectifs du développement durable, qui sont une question globale. Il faut connecter l’enjeu local à l’enjeu planétaire, les deux vont ensemble. Quand on parle des recherches sur les populations autochtones il est important d’étudier ce qui se fait sur place, les conditions pour les Sami en Suède par exemple. Mais eux créent aussi des réseaux avec d’autres populations, en Australie et au Canada, par exemple. Pour les questions d’environnement, les Sami font l’expérience des mêmes problèmes que des peuples autochtones d’ailleurs, ils font face aux mêmes défis au niveau des exploitations, des droits…
Donc il faut qu’au niveau recherche il y ait aussi ce réseau. Il faut avoir connaissance de ce qui ce passe ailleurs, et surtout, il faut qu’il y ait un échange. Une seule personne, ou même un groupe de chercheurs ne peut jamais couvrir toute la planète. Établir ces échanges, se rencontrer à l’occasion de conférences, que ce soit au niveau local, national ou international c’est très important.
Comment les chercheurs peuvent intervenir dans le débat public ?
C’est une question très importante, je pense même que c’est une des priorités quand on parle du développement de la recherche. On parle beaucoup, par exemple, des financements qui sont basés sur le nombre de publications scientifiques. Ces publications sont importantes pour la communauté scientifique, mais pas vraiment pour s’engager dans le débat public.
Je pense qu’il faut que les chercheurs soient dans des conditions pour pouvoir le faire (ndlr : intervenir dans le débat public). C’est un peu aussi la question de « comment les universités peuvent le gérer », mais je pense que c’est aussi important pour nous d’apprendre à communiquer notre recherche de différentes façons. Je pense qu’on peut utiliser aujourd’hui des méthodes de visualisation différentes, puisqu’on a les moyens technologiques de le faire. Autre chose importante, il faut oser prendre la parole. Je pense que nous, chercheurs en sciences humaines, avons un rôle très important à jouer.
Dans notre discipline, on est obligé dès le départ d’avoir cette communication directe avec le public, avec les personnes qui contribuent ou sont touchées directement par notre recherche. On est obligé de s’entraîner à communiquer, à trouver des modes de communications adaptés (média sociaux, séminaires publics…). Ici, quand je travaillais sur la question des langues Sami, on organisait une conférence avec des enseignants, des gens du domaine des langues et des chercheurs. On cherche la meilleure manière de toucher un maximum de monde et de créer un échange de connaissances entre différents groupes.
Un message à faire passer à nos lecteurs ?
C’est l’importance d’écouter toutes les voix, le plus de voix possible, à la fois au niveau local et global, et qu’il y ait aussi cette conscience que les représentations affectent notre façon de chercher des solutions pour le développement durable. Par exemple, la relation à la nature, la relation à la façon dont on explique ce qui se passe autour de nous, c’est très différent. Ce n’est pas seulement du côté des politiciens ou des chercheurs, ou des businessmen qu’il y a des réponses. Il y a aussi des agents locaux qui ont beaucoup à dire et qui ont une forme de connaissance qui est à prendre en compte.
Je pense que la multiplicité des formes de connaissances, des langues et des connaissances culturelles est une richesse que l’on peut exploiter beaucoup plus, qu’il faut prendre en compte pour atteindre ces objectifs de développement durable.
Interview : Clément Brousse
Rédaction : Ariane Goutéraux-Picard
Contact : clement.brousse[at]diplomatie.gouv.fr