Le Prix Champalimaud sur la Vision 2018 récompense la première thérapie génique traitant la cécité infantile
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Portugal
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
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Médecine individualisée
22 octobre 2018
L’amaurose congénitale de Leber est une maladie génétique rare qui engendre une déficience visuelle grave chez les nouveaux-nés (celle-ci peut aussi apparaître après quelques mois de vie). Avec le temps, la vision s’aggrave et ces enfants deviennent presque ou totalement aveugles. Le chercheur qui a découvert la cause génétique de la maladie ainsi que les trois équipes qui ont développé des traitements ont reçu le 4 septembre 2018 le prix Antonio Champalimaud Vision 2018, d’une valeur d’un million d’euros, lors d’une cérémonie présidée par le Président de la République Portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa.
Michael Redmond, le chercheur qui a identifié la cause génétique de l’amaurose congénitale de Leber a tenu à faire référence à la contribution de George Wald à son enquête. Le biochimiste a pu démontrer le rôle clé de la vitamine A dans les réactions qui transforment la lumière en image dans les yeux. Il a reçu pour ces travaux le prix Nobel de médecine en 1967.
Michael Redmond a commencé par se rendre compte qu’une protéine particulière faisait fonctionner les récepteurs de lumière dans l’œil et a finalement identifié le gène qui produit cette protéine, qu’il a nommé RPE65. Il a ensuite cloné ce gène. "Tout a conduit à penser que le RPE65 était le Saint Graal et qu’il était essentiel pour convertir la vitamine A en forme active (dans les cellules photoréceptrices de la rétine)", explique-t-il.
Après avoir réalisé cela, il a étudié ce gène dans les familles touchées par l’amaurose congénitale de Leber et a noté que certains d’entre eux présentaient des mutations dans ce gène. Il en a conclu que le gène était essentiel pour la vision et que les mutations rendaient les enfants fonctionnellement aveugles dès la naissance.
Souhaitant en savoir plus, il a étudié ce gène chez des souris génétiquement modifiées. Pour les souris dont le gène était désactivé, aucune réaction n’était constatée lors d’une exposition à un flash de lumière.
Sa découverte a ainsi contribué au développement de la première thérapie génique pour traiter une maladie héréditaire. Au total, trois équipes ont développé cette thérapie génique dans différents essais cliniques.
Jean Bennett et Albert Maguire (de l’Université de Pennsylvanie, États-Unis) ont commencé à travailler sur cette maladie avec des souris et des chiens. En 2001, ils ont annoncé avoir pu améliorer la vue de trois chiens aveugles. Le couple a achevé la première phase de son essai clinique de thérapie génique en 2007.
Dans le cas de cette maladie, le gène RPE65 ne produit pas la protéine nécessaire pour convertir la vitamine A correctement, empêchant la capture de la lumière, comme l’explique Albert Maguire. Jean Bennett précise le fonctionnement de la thérapie : à l’arrière de l’œil, un virus inoffensif est injecté chez l’homme, qui agit comme un « virus protecteur » porteur d’une copie normale du gène. Cette copie est livrée aux cellules rétiniennes pour que celles-ci se mettent à fonctionner normalement. La vision s’améliore ainsi de manière significative.
Depuis 2007, l’essai clinique a déjà traité 41 patients. En décembre 2017, le couple a vu cette thérapie approuvée par la FDA, l’agence fédérale qui réglemente les médicaments et les aliments aux États-Unis. Il est actuellement disponible dans six centres d’excellence aux États-Unis et les chercheurs espèrent que leur technique sera approuvée dans l’Union européenne dès cette année.
Mais cette thérapie, appelée Luxturna et appartenant à la société pharmaceutique Spark Therapeutics, n’est pas encore démocratisée, son prix est notamment sujet à controverse : le traitement aux deux yeux coûte environ 735 000 Euros (850 000 Dollars).
Les autres équipes n’ont pas encore soumis de thérapie pour application clinique aux organismes de réglementation de la santé. "Il y a des choses à améliorer dans le traitement", a déclaré Samuel Jacobson, également de l’Université de Pennsylvanie, et qui fait partie d’une autre équipe avec William Hauswirth. Ils souhaitent ainsi que le traitement dure plus longtemps et prévienne la mort des cellules car celles-ci continuent à mourir. La thérapie entraîne une amélioration temporaire de la vision qui peut aller de quelques années à dix ans. C’est pourquoi ils refusent d’affirmer que cette thérapie génique guérit les patients : bien qu’une amélioration soit à constater, ceux-ci n’obtiennent pas une vue parfaite et normale.
Depuis 2005, l’équipe a mené des essais cliniques chez 15 personnes de 10 à 40 ans. Après avoir essayé de traiter la cécité de ses patients il y a quelques décennies, sans y parvenir, l’équipe considère qu’aujourd’hui, il y a une révolution en génétique.
"L’application clinique dépend de la science fondamentale.[Le prix attribué] valide ce lien : l’un n’est rien sans l’autre", explique Michael Redmond. Le prix Champalimaud sur la Vision est en effet le plus important dans ce domaine et est soutenu par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le chercheur veut utiliser ce prix pour développer de nouvelles techniques afin de découvrir de nouvelles voies métaboliques dans la rétine. Samuel Jacobson quant à lui dit qu’il a l’intention d’enquêter sur d’autres maladies du même type. Enfin, Jean Bennett et Albert Maguire l’utiliseront dans le traitement de différentes formes de cécité, dans la formation d’une nouvelle génération de chercheurs et dans le développement de technologies.
Sources :
Serafim, Teresa 2017, Publico, [en ligne]. Disponible :
https://www.publico.pt/2018/09/04/ciencia/noticia/premio-champalimaud-para-a-primeira-terapia-genetica-que-trata-uma-forma-de-cegueira-infantil-1842990
Rédacteur : Amaury HOCQUET, Chargé de coopération scientifique à l’Institut Français du Portugal amaury.hocquet[at]ifp-lisboa.com