Loi 2.0 sur l’enseignement supérieur et de la science

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Pologne | Politiques de recherche, technologiques et universitaires
8 février 2018

Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la science, connu sous le nom de « Constitution pour la science » ou « loi 2.0 », a été présenté le 22 janvier à Varsovie par le ministre de la Science et de l’Enseignement supérieur, le vice-Premier ministre Jarosław Gowin.

Cette réforme a débuté il y a près de 2 ans par les travaux de 3 équipes d’experts universitaires chargés d’élaborer les grandes lignes de la nouvelle loi. A suivi une série de 10 conférences organisées dans les 10 plus grands pôles universitaires de Pologne, pour consulter les orientations essentielles de la réforme avec l’ensemble du milieu académique. Le processus a été complété par des consultations sociales et interministérielles.

Jarosław Gowin espère que le gouvernement adoptera le projet de loi à la mi-février. Il suivra ensuite la procédure parlementaire, au cours de laquelle le ministre prévoit également d’organiser une audience publique. L’objectif du ministère est de faire entrer la loi en vigueur le 1er octobre 2018.

Parmi les changements majeurs introduits par ce projet de loi nous mentionnerons :
• Les universités (publiques et privés) seront divisées entre universités académiques et universités professionnelles.
• Les autorités universitaires comprendront un nouvel organe en plus du recteur et du sénat - un conseil d’université, dont la majorité des membres seront des personnes extérieures à l’institution.
• Les recteurs auront plus de pouvoir pour façonner la politique de l’université au détriment des organismes collégiaux, comme les conseils de faculté.
• Le projet de loi donne aux universités plus de liberté dans l’utilisation des fonds.

DIVISION DES UNIVERSITÉS

Les universités seront évaluées et divisées en cinq catégories : A +, A, B +, B, C. L’évaluation des universités se fera désormais par discipline scientifique, et non, comme précédemment, par faculté. La classification des domaines et des disciplines sera basée sur le modèle de l’OECD utilisé en Europe1.

Le projet de loi prévoit également la division suivante des universités (publiques et privés) :
• Les universités académiques : une université qui mène des activités scientifiques et au moins une des facultés de l’université devra être notée A +, A ou B +. Elles seront les seules à pouvoir offrir une formation doctorale – et donc à posséder une école doctorale.
• Les universités professionnelles : elles seront autorisées à offrir une éducation avec un profil technique.

SYSTÈME UNIVERSITAIRE

En plus du recteur et du sénat les autorités d’une université publique comprendront également un conseil d’université. Ce conseil comptera entre 7 et 9 membres dont plus de la moitié proviendra de l’extérieur de l’université. Le président du gouvernement étudiant sera membre d’office, les autres membres seront élus par le sénat de l’université. Les missions du conseil d’université seront notamment d’approuver la stratégie de l’université et sa mise en œuvre, de superviser les finances et la gestion de l’université, de nommer le recteur.

Le recteur sera élu par un collège d’électeurs ou par le conseil d’université – cela dépendra du mode de fonctionnement de l’université défini dans la chartre de l’université. Les fonctions du recteur consisteront à représenter l’université, la gérer, mettre en place la stratégie de l’université, organiser les finances de l’université, créer des écoles doctorales.

LES JEUNES CHERCHEURS

Le projet de loi prévoit également d’uniformiser la définition de « jeune chercheur ». Telle qu’elle figure dans la loi actuelle sur le financement de la science, elle a été contestée par le défenseur des droits de l’homme polonais, Adam Bodnar, comme pouvant être discriminatoire en raison du critère d’âge maximal fixé à 35 ans. Désormais la définition proposée ne fera pas référence à l’âge :
« Un.e jeune chercheur est une personne impliquée dans des activités scientifiques : un doctorant ou un professeur d’université sans doctorat, ou une personne qui est docteur depuis moins de 7 ans. »

ÉTUDIANTS EN DOCTORAT

Les réformes engagées sur les études doctorales visent à « professionnaliser » l’étudiant en lui permettant un accès immédiat à des financements, tout en étant plus strict sur la qualité de ses recherches et publications :

• Les universités seront tenues d’établir des écoles doctorales et des bourses seront garanties pour tous les étudiants en doctorat – jusqu’à maintenant en Pologne seulement 40% des doctorants étaient cofinancés – par l’université d’accueil ou par l’Etat. La bourse de doctorat (accordée pour un maximum de 4 ans) sera initialement fixée à 55% du salaire moyen polonais - 2 500 PLN soit 600€. L’étudiant devra passer une évaluation à mi-parcours. Si celle-ci est positive, la bourse sera élevée à 85% du salaire moyen polonais - 3800 PLN soit 900€. Une évaluation à mi-parcours négative entraînera le retrait de l’étudiant de la liste des doctorants.

• Une monographie scientifique évaluée par des pairs (ou au moins un chapitre d’une monographie) ou une publication dans une revue reconnue (tirée de la liste du ministère) sera nécessaire pour obtenir un doctorat – ce sont des critères plus strictes qu’actuellement.

FINANCEMENT

Le modèle de financement va également changer. Les fonds de l’Etat pour les universités seront versés sous forme de subventions afin de permettre une plus grande flexibilité des institutions dans leurs dépenses. De plus ces subventions seront directement versées aux universités et non plus aux facultés comme cela se faisait avant.
Le projet de loi prévoit une part annuelle minimale du budget de l’État pour la science et l’enseignement supérieur. En 2019, elle sera de 1,2% du PIB et devrait augmenter de 0,1% par an jusqu’en 2025, pour atteindre alors 1,8% du PIB.

Rédacteur :

Thibaud DUBRULE, Chargé de Mission Scientifique à Varsovie, thibaud.dubrule[at]diplomatie.gouv.fr