Programme national de recherche en Arctique : renforcement des capacités de recherche et de l’influence japonaise dans la région

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Brève
Japon | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
26 avril 2021

Face au bilan académique et politique largement positif de la 1ère phase du programme de recherche Arctic Challenge for Sustainability (2015-2020), le ministère chargé de la recherche a reconduit pour 5 ans ce programme phare, en cohérence avec la volonté japonaise de renforcer sa présence scientifique en Arctique.

Que ce soit sur le plan environnemental, économique ou sécuritaire, la région arctique concentre de nombreux enjeux internationaux, notamment au regard de l’ouverture progressive des routes maritimes nordiques et de l’accès à des ressources naturelles jusqu’alors peu ou pas exploitées. Véritable laboratoire à ciel ouvert, la région est également d‘un intérêt scientifique majeur pour l’étude des changements climatiques et environnementaux auxquels elle est soumise.

Historiquement consacrée à l’Antarctique, la recherche polaire japonaise se réoriente progressivement vers la zone arctique au début des années 2010. Le premier grand programme de recherche national GRENE-Arctic Climate Change Research Project, financé entre 2011 et 2016 par le ministère chargé de la recherche (MEXT, ministry for education, culture, sports, science and technology) a permis de renforcer et structurer les travaux de recherche et la communauté scientifique japonaise en Arctique jusqu’alors très dispersés. Au GRENE-Arctic succède pour 5 ans le programme Arctic Challenge for Sustainability (ArCS).

1. Arctic Challenge for Sustainability ArCS (2015-2020) [1]

Désigné programme prioritaire par le MEXT (national flagship project), il était piloté par les trois institutions de recherche japonaises majeures travaillant sur l’Arctique - le National Institute for Polar Research (NIPR), la Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology (JAMSTEC) et l’université d’Hokkaido.

Ce programme a largement participé au développement de la recherche japonaise en Arctique et à la dissémination des résultats scientifiques auprès de décideurs politiques, du secteur privé, des populations autochtones ou encore de la société civile, à l’échelle nationale comme internationale. Les thématiques de recherche portaient principalement sur l’observation et la prédiction des changements climatiques et environnementaux en Arctique et de leurs impacts sur les sociétés humaines. L’ArCS a considérablement renforcé la présence et la légitimé japonaise au sein d’instances internationales scientifiques et de gouvernance.

Un bilan très positif en est tiré, non seulement par les chercheurs chargés de sa coordination [2] mais également par l’International Advisory Board (IAB) constitué de cinq chercheurs internationaux éminents en matière de recherche arctique [3]. Ces derniers soulignent la contribution significative de l’ArCS à la compréhension des systèmes arctiques complexes, notamment par ses travaux d’observation. Les principaux résultats du programme sont :

  • La publication de plus de 900 articles scientifiques (dont les 3/4 sont revus par les pairs, et dont la qualité académique est soulignée par l’IAB), l’édition de près de 25 livres et le développement de matériel pédagogique ;
  • L’établissement d’accords bilatéraux portant sur le développement ou le renforcement de 10 stations de recherche et d’observation conjointes, offrant au Japon un accès à des infrastructures de terrain sur la quasi-totalité de la région pan-arctique ;
  • Le déploiement d’experts au sein d’instances internationales : 86 experts japonais ont ainsi participé à 65 réunions et conférences internationales ;
  • La mobilité de 52 chercheurs japonais à l’étranger, avec l’accent mis sur les jeunes chercheurs, dont une grande majorité au sein d’institutions de pays nordiques (22) et états-uniennes (12) ;
  • Le renforcement de la base de données Arctic Data archive System (ADS) [4], visant à faciliter le partage de données d’observation et de modélisation. Cette plateforme offre en libre accès des outils de visualisation qui favorisent l’émergence de recherches conjointes interdisciplinaires. Par exemple, l’étude des glaciers et des calottes glaciaires à Qaanaaq, Groenland, associant dynamique glaciaire, physique des océans, dynamique des écosystèmes et besoins des communautés locales ;
  • L’intégration des sciences humaines et sociales (SHS) à un programme national d’un telle envergure. Par exemple, les travaux portant sur le lien entre tracé des routes maritimes nordiques et ressources pétrolières et gazières russes ont significativement contribué à la compréhension des interactions homme-environnement en Sibérie orientale et au Groenland ;
  • Une couverture médiatique des enjeux liés à l’Arctique.

2. Prolongement du programme, ArCS II (2020-2025) [5]

Face aux résultats positifs de l’ArCS et en cohérence avec la volonté japonaise de renforcer sa diplomatie scientifique en Arctique, le MEXT a renouvelé le programme et acté son financement à hauteur de 9 milliards de yens (un peu moins de 70 millions d’euros) sur la période 2020-2025.

L’ArCS II s’articule autour de 4 objectifs stratégiques, chacun sous tutelle du NIPR, de la JAMSTEC ou de l’université d’Hokkaido, déclinés en 11 sous-programmes, ainsi que de 2 chantiers prioritaires (figure 1). La recherche scientifique représente environ 70% des ressources du programme. Les SHS sont intégrées à la majorité des sous-thématiques, contrairement à l’ArCS qui les cantonnaient à des projets de recherche distincts.

Thématiques et sous-thématiques de l’ArCS II :

  • Observation avancée des changements environnementaux dans l’Arctique et des processus associés, piloté par le NIPR. Les travaux portent principalement sur l’étude des changements atmosphériques et des forçages climatiques, des écosytèmes marins et terrestres ainsi que de la cryosphère.
  • Amélioration des prévisions météorologiques et climatiques, piloté par la JAMSTEC, notamment par le développement de nouvelles technologies de télé-connexions.
  • Evaluation des changements environnementaux en Arctique et de leur impact sur la société, piloté par l’université d’Hokkaido. Les travaux portent sur les effets du changement climatique sur la sécurité humaine et les ressource énergétiques et alimentaires, le développement de routes maritimes arctiques et les changements côtiers.
  • Utilisation des résultats de la recherche dans la société, piloté par le NIPR. Les travaux de cette thématique visent à étudier la dynamique complexe du paysage politique arctique dans le but de participer à la définition des règles internationales juridiques et politiques en Arctique.

Le programme comporte également deux « sujets prioritaires » visant à favoriser l’intégration des résultats de la recherche dans la société par (i) la mise en place de partenariats institutionnels à l’international, la participation aux conférences internationales, le développement d’appels à projets internationaux ; et (ii) la diffusion « stratégique » d’informations au travers de plateformes scientifiques en libre accès, le déploiement d’experts au sein d’instances internationales - Conseil de l’Arctique, International Arctic Scientific Committee, agences des Nations Unies, etc. - et l’éducation du grand public et des étudiants.

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Figure 1 : Structure du programme de recherche ArCS II

Sources :

[1] Arctic Challenge for Sustainability : https://www.nipr.ac.jp/arcs/e/
[2] Tetsuo Sueyoshia, Masao Fukasawa, Hiroyuki Enomoto, Sei-Ichi Saitoh, Takashi Kikuchi, Background and activities of the Arctic Challenge for Sustainability (ArCS) project, Polar Science, https://doi.org/10.1016/j.polar.2021.100647
[3] Rapport du International Advisory Board, février 2019, https://www.nipr.ac.jp/arcs/about/pamphlet/report201902.pdf
[4] Arctic Data archive System https://ads.nipr.ac.jp/
[5] Arctic Challenge for Sustainability II : https://www.nipr.ac.jp/arcs2/e/

Rédactrice : Hélène Le Brun, chargée de mission du pôle Santé, Environnement et Vie au sein du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de Fran<ce au Japon.