Des chercheurs japonais ont mis en évidence un lien entre altération de la flore intestinale et perturbation du sommeil chez la souris

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Japon | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
24 mars 2021

Une équipe de chercheurs de l’université de Tsukuba a montré qu’une altération du microbiote intestinal impactait la production des neurotransmetteurs dans l’intestin et perturbait ainsi les cycles du sommeil chez la souris. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles thérapies ciblant les troubles du sommeil chez l’homme.

Le sommeil peut être perturbé par de nombreux facteurs, qu’ils soient environnementaux, comportementaux ou internes. Ces troubles du sommeil, de plus en plus fréquents dans la société moderne, peuvent avoir des répercussions sur la santé mentale et physique des individus. Si certains de ces facteurs font déjà l’objet de recherches, le rôle joué par le microbiote intestinal – soit l’ensemble des organismes microbiens non pathogènes de l’intestin – demeure jusqu’à présent peu documenté. L’écosystème bactérien intestinal est cependant étroitement lié à certaines fonctions cérébrales. Un déséquilibre de la flore intestinale peut engendrer une altération de la mémoire, des fonctions cognitives ou encore de la santé mentale.

Une équipe de chercheurs de l’université de Tsukuba a étudié la relation entre déséquilibre de la flore intestinale et régulation du sommeil chez les souris. Les résultats montrent qu’une altération de ce microbiote impacte significativement les voies métaboliques intestinales, notamment la formation de neurotransmetteurs dans l’intestin et influence le cycle du sommeil chez les souris.

Afin de mettre en évidence ces mécanismes, les chercheurs ont traité un groupe de souris durant 4 semaines par un cocktail d’antibiotiques (ampicilline sodique, chlorhydrate de vancomycine, sulfate de néomycine et métronidazole) dans le but d’éliminer leur flore intestinale. Leurs comportements ont ensuite été comparés à un groupe témoin, soumis au même régime alimentaire.

Les chercheurs ont dans un premier temps confirmé l’impact du traitement antibiotiques en montrant que les souris traitées arboraient une flore intestinale différente de celle des souris contrôles que ce soit en termes de composition ou de proportion. Ils ont par la suite établi que les souris traitées présentaient :

(i) Un déficit en neurotransmetteur sérotonine qui s’expliquerait par une carence en métabolites de la vitamine B6, substance participant à la catalyse de la synthèse de la sérotonine ;

(ii) Un enrichissement en glycine et en acide gamma-aminobutyriques (GABA), neurotransmetteurs inhibiteurs du système nerveux.

Dans un deuxième temps, des mesures de l’activité cérébrale et musculaire par électroencéphalogrammes et électromyogrammes ont révélé que les souris traitées présentaient des troubles de l’équilibre sommeil/éveil. Elles alternaient plus fréquemment entre phases de sommeil profond dit « non-rapid eye movment sleep » (NREMS) et de sommeil paradoxal dit « rapid eye movement sleep » (REMS).

L’altération du microbiote intestinal par un traitement antibiotique impacte donc les cycles du sommeil chez les souris. Les résultats obtenus par ces chercheurs suggèrent que cet effet serait médié par un déséquilibre de la balance en neurotransmetteurs intestinaux.

Cependant les auteurs soulignent que d’autres facteurs pourraient perturber le cycle du sommeil suite au traitement antibiotique. Ils proposent plusieurs pistes d’étude telles que la régulation du flux sanguin intestinal ou le dérèglement du rythme circadien des organismes microbiens intestinaux.

Cette nouvelle étude sur les effets physiologiques des microorganismes de l’intestin, suggère que la régulation de ce microbiote par le biais de régimes alimentaires par exemple, représente une piste de recherche thérapeutique des troubles du sommeil chez l’homme.

Sources :
[1] Ogawa, Y., Miyoshi, C., Obana, N. et al. Gut microbiota depletion by chronic antibiotic treatment alters the sleep/wake architecture and sleep EEG power spectra in mice. Sci Rep 10, 19554 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-76562-9

[2] IIIS press release, Gut Microbes : A Key to Normal Sleep, https://wpi-iiis.tsukuba.ac.jp/uploads/2020/12/J2010-150814-Yanagisawa-UniTsukuba-PR-1R_Press_Release_IIIS-revised.docx.pdf

Rédactrice  : Hélène Le Brun, chargée de mission du pôle Santé, Environnement et Vie au sein du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France au Japon.
helene.le-brun -at- diplomatie.gouv.fr