Trois mille kilomètres de tempêtes

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Israël | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
28 août 2018

Un article résultant du travail d’équipes de recherche américaines, italiennes, françaises, suisses et israéliennes a récemment été publié dans la prestigieuse revue Nature. Les chercheurs nous font part de leurs découvertes surprenantes et passionnantes quant à la nature de l’atmosphère de Jupiter. En utilisant les données collectées par la sonde Juno dès son arrivée à proximité de Jupiter en 2016, ils ont découvert que les vents y hurlent sur 3 000 kilomètres d’épaisseur, bien plus que ce que l’on imaginait auparavant. Aussi ont-ils mesuré que l’atmosphère de Jupiter compte pour 1% de sa masse, l’équivalent de trois planètes Terre qui se baladeraient à des dizaines de mètres par seconde !

Lorsque Galilée observa pour la première fois les bandes colorées de Jupiter, il se posait déjà la question de savoir si celles-ci étaient le résultat de phénomènes de surface ou bien si elles s’étendaient profondément jusqu’au cœur de la géante gazeuse. C’est à cette question que des scientifiques de l’Institut Weizmann et du monde entier ont répondu en utilisant les données de la sonde américaine Juno.

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Image 1. Les bandes nuageuses de Jupiter (crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Kevin M. Gill)

Juno orbite autour de Jupiter en 53 jours et ses passages répétés donnent aux scientifiques la possibilité de voir ce qui se cache sous la surface de la planète par l’analyse de son champ gravitationnel. La sonde émet une onde radio vers la Terre dont la fréquence que nous mesurons dépend de la valeur de la gravité sous la sonde au moment de l’émission. Etant donné que l’orbite de Juno autour de Jupiter passe à des endroits différents à chaque révolution, les scientifiques peuvent ainsi dresser une carte de la gravité sur Jupiter, tout comme la gravité sur Terre varie selon que l’on se trouve près d’une montagne, au-dessus d’une nappe phréatique ou encore au dessus d’un puits de pétrole. En mesurant l’influence des tempêtes, qui forment les bandes de Jupiter, sur le champ gravitationnel de la planète, les chercheurs sont parvenus à mesurer précisément l’épaisseur de ces perturbations atmosphériques. Leur hauteur ? Trois mille kilomètres, soit trois fois la longueur nord-sud de la France ! Oui, les nuages sont très épais sur Jupiter.

Le Professeur Yohai Kaspi et le Docteur Galianti de l’Institut Weizmann ont commencé à développer les outils mathématiques nécessaires à l’analyse de ces données avant même le lancement de Juno en 2011. Outre les résultats mentionnés ci-dessus, leur travail a permis d’estimer que l’atmosphère de Jupiter compte pour 1% de sa masse totale. Cela peut paraître dérisoire mais dites-vous bien que, à titre de comparaison, notre atmosphère ne compte que pour un millionième de la masse terrestre. Aussi, l’atmosphère de Jupiter est-elle trois fois plus massique que la Terre toute entière ! Il y a donc l’équivalent de trois planètes bleues qui se déplacent sur Jupiter sous la forme de vents hurlants et de tempêtes d’une extrême violence.

Si, depuis quelques années, nous avons rassemblé de nombreuses données quant à la nature des couches superficielles de Jupiter, d’épais mystères restent encore à élucider lorsqu’il s’agit de ses profondeurs. Son noyau est-il solide et, si oui, quelle pourrait être sa masse ? Comment expliquer la disparition soudaine de sa célèbre grande tache rouge ? De nombreuses questions passionnantes auxquelles l’équipe de Yohai Kaspi s’attelle dès à présent.

Sources :
https://wis-wander.weizmann.ac.il/space-physics/unveiling-depths-jupiter%E2%80%99s-winds
https://www.nature.com/articles/nature25776

Rédacteur : Arnaud Courvoisier, doctorant à l’Institut Weizmann