Produire du biohydrogène avec des microalgues : deux groupes de l’Université de Tel Aviv s’associent pour les dompter

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13 avril 2017

Les microalgues sont certes capables de produire de l’hydrogène, un des biocarburants d’avenir, mais elles n’en restent pas moins capricieuses. Deux équipes de l’Université de Tel Aviv relèvent le défi de les dompter.

Yacobi, Nelson & Co, ceci pourrait être le futur nom d’une entreprise de production d’hydrogène par des microalgues en Israël. En effet, le Dr Iftach Yacobi et le Dr Nathan Nelson de l’Université de Tel Aviv ont tous deux une spécialité : le domptage d’organismes photosynthétiques. Leurs efforts communs pourraient bel et bien révolutionner la production de biohydrogène en utilisant des super-microalgues.

Qu’est-ce que le biohydrogène ? Comment est-il produit par des microalgues et pourquoi cela serait-il une révolution ? Commençons par le biohydrogène. Il s’agit d’une molécule composée de deux atomes d’hydrogènes qui se distinguent par une forte densité énergétique : c’est un biocarburant. Or, lorsque l’on brûle ce carburant, l’on rejette de l’eau. De l’eau. Adieu les pots d’échappements, les pics de pollutions et le changement climatique. Seul bémol : sa production nécessite beaucoup d’énergie (électrolyse de l’eau) ou des ressources fossiles.

Les microalgues sont des candidats de choix pour la production d’hydrogène puisqu’elles poussent dans des milieux assez simples (de l’eau, du dioxyde de carbone et quelques nutriments) et tirent leur énergie des rayonnements solaires. Néanmoins, la production d’hydrogène à partir de microalgues rencontre aujourd’hui trois grands obstacles : la sensibilité des mécanismes de production d’hydrogène à l’oxygène, les faibles rendements et l’agrandissement des infrastructures à l’échelle industrielle. Le dernier point est une question de temps, compte tenu des moyens déployés aujourd’hui à la montée en échelle de la culture de microalgues. Pour le reste, le Dr Yacobi et le Dr Nelson s’en chargent.

Le Dr Yacobi travaille sur le rendement de production d’hydrogène. Les travaux de son équipe ont permis de comprendre que le faible rendement était dû à des « déviations » du flux d’électrons tiré de l’énergie solaire, qui se dirige vers la production d’autres molécules. Or ces déviations proviennent de la différence d’affinité entre le complexe photosynthétique, à l’origine du flux d’électrons, et la protéine receveuse. Cette affinité est grande si c’est une FNP (Ferredoxin-NADP+-Reductase) alors qu’elle est faible dans le cas d’une hydrogénase, la protéine responsable de la production d’hydrogène. Le Dr Yacobi a montré qu’en customisant ces hydrogénases par fusion avec un complexe protéique contenant du fer (ferredoxine), il était possible d’augmenter le flux d’électrons vers la production d’hydrogène. Les résultats, publiés en Août dernier dans Biotechnology for Biofuels, sont sans équivoque : le rendement a été multiplié par 4,5.

De son côté, le Dr Nelson travaille sur la sensitivité de l’hydrogénase à l’oxygène et la capacité d’organiser cette production de façon continue. En effet, lors de la photosynthèse, les microalgues produisent de l’oxygène. Or, elles ont aussi un métabolisme respiratoire qui consomme de l’oxygène. En présence de lumière, la photosynthèse s’active et la production éclipse la consommation : il y a accumulation d’oxygène. Pour pallier à cela, l’équipe du Dr Nelson a cherché des mutants dont l’activité photosynthétique serait sensible à la température. Elle a ainsi trouvé un mutant dont l’activité photosynthétique est complètement inhibée à 37°C, entrainant la baisse du taux d’oxygène jusqu’à épuisement. La production d’hydrogène se fait alors au détriment des réserves d’amidon. Les chercheurs ont ensuite conçu et imaginé un photo-bioréacteur en deux compartiments, permettant une production semi-continue d’hydrogène. Le principe est simple : les microalgues poussent à 25°C sous lumière solaire et accumulent de l’amidon dans le réacteur n°1. Elles sont ensuite pompées vers le réacteur n°2, toujours sous lumière, dont la température avoisine les 37°C. L’activité photosynthétique des microalgues génétiquement modifiées s’arrête, le taux d’oxygène devient nul et les algues commencent à produire de l’hydrogène en captant l’énergie solaire. L’hydrogène ainsi produit infuse à travers les parois en silicium du réacteur n°2 et peut alors être récolté. Enfin, les algues, une fois « épuisées », sont renvoyées dans le réacteur n°1 pour se multiplier et régénérer leur réserve d’amidon. Ces résultats ont été publiés en Décembre dernier dans Photosynthetic research.

En savoir plus :

Remerciement à Vinzenz Bayro-Kaiser, élève doctorant de l’équipe de Nathan Nelson pour ses explications et son aide.

Rédacteur : Arthur Robin, doctorant à l’Université de Tel Aviv.