Piège à atomes et température : un vaste programme

Partager
Israël

Actualité
Israël | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique
24 janvier 2018

Tandis que se déroulait à Tel Aviv le second café scientifique organisé par l’Institut français d’Israël en septembre 2017, où les travaux actuels en matière d’accélération des particules ont été présentés par Prof. Victor Malka (Institut Weizmann), une équipe de ce même institut, dirigée par Prof. Daniel Zajfman, a quant à elle rédigé une publication sur une nouvelle méthode pour créer un « décélérateur » de particules de nouvelle génération.

Pour comprendre les recherches qui appartiennent au monde de la physique des particules, il faut introduire une notion importante : la température. Bien que la définition de cette dernière nous semble acquise, elle est en réalité d’une grande complexité. Dans un premier temps, nous pouvons définir la température comme la perception d’un transfert d’énergie : ainsi, le diamant nous paraît plus froid que le bois pour une même température, car le premier conduit plus la chaleur que le second.
On peut aussi définir la température d’un point de vue thermodynamique. À température ambiante, les atomes/molécules présentent une certaine vitesse, avec une probabilité donnée de percuter un autre atome ; c’est ce que les scientifiques définissent comme un mouvement Brownien. On peut ainsi définir la température comme un indicateur de mouvement. Le zéro-absolu (-273.15 °C) est donc la température à laquelle le mouvement de tous les atomes est nul. Si l’on désire ralentir la matière, il faut donc réussir à la refroidir.

De nos jours, le refroidissement des ions est réalisé en plaçant les particules chargées dans un « puits » théorique, dont les parois sont formées à l’aide de champs électrique et magnétique. Les ions encapsulés ainsi sont ensuite éclairés par un laser, pour diminuer au maximum la température. Les chercheurs de l’Institut Weizmann ont développé une nouvelle méthode qui permet de supprimer cette dernière étape, travaillant sur le piège électromagnétique.

Les résultats, publiés dans la revue Physical Review Letters [1], montrent que le laboratoire du professeur Daniel Zajfman (département de physique et d’astrophysique) est parvenu à créer une forme alternative du piège électromagnétique. Les molécules chargées sont accélérées à une vitesse allant jusqu’à 10 000 km/h avant d’être piégées dans un « puits » théorique du même type que celui décrit ci-dessus. Telle une balançoire contrainte, malgré sa vitesse initiale, par son lien avec le portique, les particules commencent à osciller à l’intérieur du piège. Cette oscillation va dépendre de la vitesse des ions et sera distribuée sur un spectre fréquentiel. À ce stade, les scientifiques ont développé un système d’impulsions électromagnétiques variables, qui permettent de sélectionner les ions à une certaine fréquence, et donc à une certaine température. Suivant la même métaphore que précédemment, les impulsions électromagnétique vont sélectionner les balançoires qui sont les plus lentes (c’est-à-dire les ions les plus froids).

En augmentant la quantité d’atomes encapsulés dans le piège, on peut alors augmenter le nombre de collisions, et ainsi augmenter le transfert énergétique des particules les unes aux autres. Pour reprendre la métaphore, les balançoires entrent en collision : certaines vont accélérer et d’autres vont ralentir, ces dernières étant ainsi sélectionnées. Les scientifiques ont ainsi découvert une forte corrélation entre l’énergie cinétique et la position des particules à l’intérieur du piège : les ions les plus froids sont situés au centre du piège. Ils ont ainsi réussi à atteindre une température d’un dixième de degré au-dessus du zéro-absolu, et effectuent à l’heure actuelle des recherches pour atteindre des températures encore plus faibles.

Comme cette méthode de refroidissement ne dépend pas de la taille des particules, les scientifiques affirment que cette technique pourra être utilisée pour observer les propriétés de biomolécules larges, telles que les protéines ou des nanoparticules dans des conditions extrêmes.

Quelques définitions :

  • Thermodynamique : physique qui décrit les transformations entre un système et son environnement.
  • Mouvement Brownien : description mathématique du mouvement aléatoire de particules soumises à aucune force, si ce n’est celle engendrée par les chocs avec l’environnement environnant.
  • Ion : atome porteur d’une charge électrique due à la perte ou au gain d’un électron ou plus.
  • Énergie cinétique : énergie d’une entité avec une certaine masse et envoyée à une certaine vitesse.

Source :
[1] Autoresonance Cooling of Ions in an Electrostatic Ion Beam Trap, R. K. Gangwar, K. Saha, O. Heber, M. L. Rappaport, and D. Zajfman
Phys. Rev. Lett. 119, 103202 – Published 8 September 2017

Rédacteur : Samuel Cousin, post-doctorant à l’Institut Weizmann