Pas de repos pour les nourrices

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
10 janvier 2020

Vous ne fermez plus l’oeil de la nuit depuis que bébé est arrivé dans votre vie ? Cela pourrait être pire. L’équipe de Guy Bloch (HUJI) a montré comment chez le bourdon, les ouvrières abandonnent quasi intégralement le sommeil pour s’occuper de larves qui ne sont pas les leurs.

Certaines espèces animales sont dites sociables. En plus d’être particulièrement grégaires, leurs individus coopèrent à différents degrés au sein de sociétés plus ou moins structurées. Dans les cas les plus avancés, comme chez les abeilles ou les fourmis, on observe entre autres une division de la société en castes (reproductives ou ouvrières), que le travail est divisé (collecte de nourriture, entretien du nid, défense, etc.) et que l’élevage des jeunes individus est collectif. On parle d’eusociabilité. Ce mode de fonctionnement est assez rare mais jouit d’un fort succès évolutif et écologique (2% des espèces d’insectes mais représentant 50% de la biomasse des insectes).

A l’Université Hébraïque de Jérusalem, le groupe de Guy Bloch tente de comprendre comment les comportements sociaux ont été sélectionnés au cours de l’évolution et quels en sont les ressorts physiologiques et génétiques. Dans leur dernière étude, à paraître dans Current Biology, les chercheurs ont voulu comprendre comment le mode d’organisation social du bourdon commun (Bombus terrestris) affecte le sommeil des ouvrières.

Chez le bourdon, la durée et le rythme du sommeil dépendent de la fonction précise des ouvrières dans la ruche. Guy Bloch et son équipe se sont penchés sur le cas des nourrices dont le temps de sommeil est globalement plus court et fractionné que celui des butineuses par exemple. Or, au cours de leur vie les ouvrières occupent successivement tous les rôles au sein de la ruche. Leur sommeil est plastique et, contrairement à la plupart des animaux, c’est ici l’organisation sociale des bourdons qui semble le moduler.

Pour déterminer l’origine de ces modulations, l’équipe de scientifique a eu recours à un système d’analyse vidéo leur permettant de mesurer l’activité de bourdons dans différentes situations. Les résultats de leur étude montrent que c’est la présence de larves qui entraîne directement la diminution et la fragmentation de leur temps de sommeil. En outre, dans un environnement sans larves, le temps de sommeil des nourrices augmente mais n’atteint toutefois pas celui d’ouvrières occupant d’autres fonctions. L’équipe conclut que ce sont les individus juvéniles (larves et pupes) qui altèrent la durée du sommeil des nourrices mais surtout leur résistance au manque de sommeil, et ce à l’aide de phéromones probablement. Ainsi, les nourrices prennent soin du couvain en quasi-continu.

Ces résultats sont importants car ils sont le premier exemple d’animaux engageant leur propre temps de sommeil pour des individus juvéniles n’étant pas leurs descendants.

Sources :
● Article original par Nagari et al. : https://doi.org/10.1016/j.cub.2019.07.091
● Site de l’équipe de Guy Bloch : https://guybloch.huji.ac.il/

Rédacteur : Mathieu Rivière, post-doctorant à l’Université de Tel Aviv