Nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie d’Alzheimer

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9 novembre 2015

Ramot, le service de transfert de technologie de l’Université de Tel Aviv, vient de signer un accord avec la compagnie pharmaceutique Neurimmune. L’objectif est de développer une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie d’Alzheimer, fondée sur les travaux du Pr Daniel Michaelson de l’Université de Tel Aviv. Cette stratégie cible une protéine qui est un facteur de risque important et qui n’a jamais reçu, selon le Pr Michaelson, l’attention qu’elle méritait.

La maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui entraine un déclin progressif des facultés cognitives et de la mémoire. Ceci est dû à la destruction des cellules nerveuses dans les zones cérébrales correspondantes, notamment l’hippocampe (région importante pour la mémoire) et le cortex associatif. Les personnes atteintes ont de plus en plus de mal, avec le temps, à mémoriser les événements, à reconnaître les visages et les objets, à manier correctement le langage et à exercer leur jugement.
Les deux types majeurs de dommages qui apparaissent dans le cerveau des personnes atteintes sont :

  • l’accumulation de protéines bêta-amyloïde dans certaines zones du cerveau, formant des plaques extracellulaires ;
  • la déformation et l’accumulation de certaines protéines structurales (appelées tau) des neurones, provoquant la dégénérescence des terminaisons nerveuses.

Source : Paul Pyronnet Institut

Les pistes thérapeutiques actuelles

Il n’est pas évident de déterminer lequel des phénomènes cellulaires ou moléculaires observés dans le cerveau des malades est réellement responsable des symptômes de la maladie.
Les thérapies actuelles sont uniquement symptomatiques et non curatives. Elles visent à pallier au manque de certains neurotransmetteurs causé par la mort des neurones.
Les recherches thérapeutiques à visée curative se sont jusque-là focalisées principalement sur la protéine bêta-amyloïde et dans une moindre mesure sur la protéine tau. Aucun des traitements mis au point n’a abouti à des résultats cliniques significatifs. Les plaques amyloïdes ont été considérées pendant longtemps comme étant au cœur de la pathogenèse dans la maladie d’Alzheimer, cependant les dépôts de ces plaques ne sont pas toujours corrélés avec les déficits cognitifs observés, alors que par exemple les modifications de la protéine tau le sont bien plus. La recherche est par conséquent en train de se réorienter en faveur de thérapies impliquant la protéine tau (1).

Une piste jusque-là inexploitée

Pour le Pr Michaelson de l’Université de Tel Aviv, la recherche doit se diversifier au-delà des protéines bêta-amyloïde et tau (2). En particulier parce que la maladie d’Alzheimer est probablement un syndrome, ce qui signifie qu’une thérapie unique ne conviendra pas à tous les patients. Le Pr Michaelson se tourne pour sa part vers les marqueurs génétiques associés aux formes sporadiques de la maladie. Le marqueur le plus prévalent, trouvé chez 60% des patients caucasiens, est l’apolipoprotéine ApoE4.
L’apolipoprotéine ApoE est une protéine dont le rôle est de transporter des lipides. Dans la maladie d’Alzheimer, des dépôts d’ApoE se retrouvent aux endroits où s’accumulent les protéines bêta-amyloïde et tau. Elle peut être exprimée dans le cerveau sous trois formes (ApoE2, 3 ou 4), et le risque de maladie est deux à trois fois plus important chez les personnes porteuses d’un allèle codant la forme ApoE4 et douze fois plus important pour les personnes porteuses de deux allèles codant cette forme. Par ailleurs les malades porteurs de la forme ApoE4 présentent de nombreux signes pathologiques plus prononcés que les patients qui n’expriment pas cette forme, tels qu’une inflammation cérébrale augmentée et une atrophie de l’hippocampe plus marquée.
Pourquoi l’ApoE4 a-t-elle été si peu étudiée ? La réponse classiquement donnée est qu’elle n’est « qu’un facteur de risque ». Pour le Pr Michaelson ce n’est pas une raison suffisante, étant donné que pour d’autres pathologies comme les maladies cardio-vasculaires l’attention prêtée aux facteurs de risque a permis des progrès significatifs. Plus probablement, la réponse réside dans le fait qu’il est très difficile d’étudier les lipoprotéines parce qu’elles interagissent avec des lipides. Pour pouvoir reproduire ce qui se passe in vivo il faut réussir à maintenir ces interactions in vitro, ce qui n’est pas facile. Ce problème est maintenant reconnu et des modèles fiables ont été mis au point qui devraient désormais permettre de développer des traitements ciblant l’ApoE4.
Le traitement sur lequel le Pr Michaelson s’apprête à travailler avec la compagnie Neurimmune est la mise au point d’anticorps dirigés contre l’ApoE4. L’équipe du Pr Michaelson a déjà montré que si on injecte de tels anticorps à des souris, ils s’accumulent dans l’hippocampe et empêchent l’apparition des symptômes cognitifs associés à la présence de l’ApoE4 (3). Il s’agit maintenant de mettre au point une stratégie thérapeutique efficace chez l’humain. L’objectif est de créer des anticorps qui reconnaissent spécifiquement l’ApoE4 humaine. Ces anticorps devront être capables de se lier à l’ApoE4 dans le cerveau afin de la neutraliser, et éventuellement de conduire à sa destruction.
Si cet objectif est réalisé il permettra certainement de ralentir la neurodégénérescence de façon très significative chez les patients qui expriment la forme ApoE4.

Sources :
(1) Giacobini E et al., "Alzheimer disease therapy-moving from amyloid-beta to tau". Nature Rev Neurol 9:677–86, 2013.

(2) DM Michaelson, "APOE ε4 : The most prevalent yet understudied risk factor for Alzheimer’s disease". Alzheimer’s & Dementia 10 861-868, 2014.

(3) Luz I et al., "AntiapoE4 immunotherapy : a novel approach to the treatment of Alzheimer’s disease". J Mol Neurosc 51, 2013.

https://english.tau.ac.il/impact/alzheimers_treatment

Auteur : Tirtsa Toledano, VI chercheuse à l’Université Hébraïque de Jérusalem