“Moi Monsieur, si j’avais un tel nez…”- Je pourrais vous donner un rein.

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
9 novembre 2015

Chaque nez est unique. Pas seulement par sa forme, mais aussi -surtout- par la subtile combinaison des ses récepteurs olfactifs. L’espèce humaine possède environ 400 types différents de récepteurs olfactifs, assez pour que chaque individu sur terre, avec ses quelque six millions de récepteurs, ait un nez unique. Il semble que l’on puisse établir des empreintes olfactives uniques des individus, et que ces dernières soient même des indicateurs fiables de leur identité immunitaire - auquel cas elles pourraient être utilisées pour établir les couples donneur/receveur de greffes.

Comment construire une empreinte olfactive ?

L’équipe du Pr Sobel, de l’Institut Weizmann, a mis au point une méthodologie pour déterminer l’empreinte olfactive de chaque individu.
L’individu dont on établit l’empreinte doit respirer 28 odeurs différentes. Il caractérise chaque odeur à l’aide de qualificatifs qui lui sont fournis et qu’il doit quantifier (il place sur une échelle combien une odeur donnée est citronnée, relaxante, etc.). Ensuite les chercheurs construisent des matrices qui déterminent combien chaque odeur est proche de chaque autre d’après cette évaluation. A chaque paire d’odeurs possible (sur les 378 formées à partir des 28 odeurs différentes) est attribué un coefficient de corrélation entre 0 et 1. Plus les odeurs ont semblé proches à l’individu, plus le coefficient sera proche de 1. C’est l’ensemble de ces coefficients qui constitue l’empreinte olfactive de la personne.

Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez !

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Chaque individu possède une empreinte unique

Par cette technique on peut établir une empreinte propre à chaque individu sur terre, pour peu que l’on utilise suffisamment d’odeurs et de qualificatifs différents. Plus précisément, 34 odeurs et 35 qualificatifs suffiraient pour obtenir une empreinte individuelle des quelque sept milliards d’individus qui peuplent la planète.
Cette façon de faire permet de créer des empreintes individuelles indépendantes des qualificatifs utilisés. Ce qui est important parce que la signification que chacun donne à un qualificatif est très personnelle. C’est pourquoi ici ce qui est mesuré c’est le degré de similitude que l’individu attribue à des odeurs qu’on lui impose (c’est-à-dire les coefficients de corrélation). Cette estimation lui est personnelle, ainsi les empreintes olfactives diffèrent entre les individus. Mais ces empreintes ne dépendent pas des qualificatifs utilisés puisque ceux-ci servent uniquement d’outils pour exprimer le degré de similitude estimé entre deux odeurs. Preuve en est que l’empreinte d’une personne reste inchangée quand on change les qualificatifs qui servent à l’établir.
Par ailleurs les empreintes olfactives semblent rester stables dans le temps. Cependant les auteurs ont mesuré ceci sur une durée de 30 jours, ce qui est assez court. Qu’en sera-t-il un an, deux ans, dix ans plus tard ? Il semble probable, d’après les données présentées dans ce travail, qu’une empreinte olfactive subisse de légères variations au cours du temps mais reste globalement stable. Ceci reste néanmoins à être démontré, d’autant plus que l’on ignore l’effet du vieillissement sur le devenir de l’empreinte.
Une autre question qui se pose concernant les utilisations potentielles des empreintes olfactives est l’âge minimum requis pour les établir, qui serait lié à la capacité à décrire avec précision une odeur.

De l’utilisation des empreintes olfactives

Les variations inter-individuelles des empreintes olfactives sont liées aux différences des récepteurs olfactifs des sujets étudiés, qui sont des différences génétiques. De ce fait les auteurs ont voulu voir si ces empreintes étaient informatives d’autres caractéristiques génétiques dont on sait qu’elles sont liées à l’olfaction, en particulier le système du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). Le CMH correspond à un ensemble de marqueurs cellulaires reconnus par le système immunitaire. Ces marqueurs sont très variables entre individus et dans les cas de greffe ils doivent être compatibles entre donneur et receveur. On sait qu’il y a un lien génétique entre CMH et olfaction, par exemple du fait que chez plusieurs espèces de vertébrés les mâles et femelles se choisissent à l’odeur, sélectionnant ainsi un partenaire possédant un CMH éloigné du leur.
Ici, les auteurs ont établi les empreintes olfactives de 130 personnes et ont analysé leurs compatibilités en termes de greffe par des analyses de leur CMH. Ils ont observé que les personnes compatibles avaient des empreintes olfactives bien plus proches entre elles que des personnes non compatibles.
Cette étude laisse donc déjà entrevoir des applications à court terme. En soumettant aux personnes un test olfactif court et peu coûteux, il est possible de dessiner une empreinte olfactive pertinente. Les chercheurs ont montré ici que si l’on testait la compatibilité immunitaire en priorité entre personnes ayant des empreintes olfactives proches, on réduisait significativement le nombre de tests nécessaire pour trouver un donneur dans le cas de greffe.

Sources :

L. Secundo et al., Individual olfactory perception reveals meaningful nonolfactory genetic information, PNAS vol. 112 no. 28, 14 juillet 2015

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4507195/

Auteur : Tirtsa Toledano, VI chercheuse à l’Université Hébraïque de Jérusalem