Microbiome placentaire. « Etre ou ne pas être : telle est la question ».

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
13 mars 2020

Des chercheurs de l’université Bar-Ilan ont étudié la composition bactérienne de placentas de femmes accouchant pas césarienne et démontré l’absence de microbiome placentaire.

Depuis l’introduction du terme « microbiome » par le généticien Joshua Lederberg en 2001, de nombreuses études se sont focalisées sur la caractérisation des communautés microbiennes qui peuplent notre corps. Nous avons découvert ces dernières décennies que les communautés microbiennes étaient spécifiques d’un individu, d’un tissu ; pouvaient varier en fonction de l’âge, du sexe, de traitements médicamenteux, de l’environnement ; ou encore pouvaient être héritées. Le secteur médical a de plus réussi à identifier que des bactéries naturellement présentes dans notre corps avaient la capacité de moduler nos réactions allergiques, et même certaines maladies mentales, comme la dépression ou la schizophrénie. Aussi, identifier les processus par lesquels ces communautés se forment, réagissent à notre mode de vie et affectent notre corps est crucial pour notre compréhension de maladies héréditaires. Sans compter qu’ils sont une piste sérieuse dans le cas de troubles pour lesquels aucune cause n’est encore connue, tels qu’Alzheimer ou certaines formes de cancer.

Parmi les modes probables de formation, l’héritabilité fait l’objet de nombreux débats au sein de la communauté scientifique, et notamment la transmission via le placenta. En 1900, le chercheur Henri Tissier de l’Institut Pasteur déclarait que « le fœtus baigne dans un environnement stérile », niant ainsi l’existence potentielle d’un microbiome placentaire. Depuis, de nombreuses études ont mis à mal ce premier constat en prouvant que des résidus placentaires prélevés après accouchement par voie basse contenaient bel et bien des micro-organismes. Mais suite à des critiques quant aux méthodes de prélèvement, aucun consensus n’a encore été atteint.

Dans l’optique de faire la lumière sur cette question vieille de plus de 100 ans, une équipe de chercheurs de la faculté de médecine d’Azrieli de l’Université Bar-Ilan, dirigée par le Pr. Omry Koren, a réalisé des prélèvements placentaires directement dans l’utérus de patientes ayant accouché par césarienne. Ils ont ensuite isolé les molécules d’ADN présentes dans leurs échantillons et procédé à un séquençage dans l’espoir d’y trouver une trace de matériel génétique bactérien, et de fournir une preuve en faveur de l’existence du microbiome placentaire. Leur étude n’a détecté aucune trace du dit matériel génétique, ce qui suggère que la première hypothèse de Henri Tissier était vraie et que les fœtus baignent dans un environnement stérile.

Si cette conclusion semble anodine, elle a des conséquences importantes pour la recherche médicale. En outre, les enfants ne sont pas en contact avec le microbiome maternel pendant la grossesse, du moins au niveau de la peau. De fait, la transmission du microbiome maternel ne se fait pas au cours de la grossesse elle-même mais bien lors de l’accouchement, ce qui renforce la conviction des chercheurs que des accouchements par voie naturelle sont d’une importance capitale pour la bonne santé des nouveaux nés, et qu’améliorer notre connaissance de ce mécanisme peut aider à une meilleure prise en charge d’enfants nés par césarienne. Aujourd’hui, des travaux de recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour lever le voile sur l’ontogénie du microbiome humain, une fausse piste après l’autre.

Rédactrice : Camille Bordes, Doctorante à la Faculté des Sciences de la Vie, Université Bar-Ilan.

Sources :

  • Kuperman A.A. et al (2020) Deep microbial analysis of multiple placentas show no evidence for a placenta microbiome. An International Journal of Obstetrics and Gynaecology. 127(2) 159-169. https://doi.org/10.1111/1471-0528.15994.
  • Site officiel du Laboratoire du Pr. Koren. http://www.korenlab.com.
  • Stéphane Blanc, Gilles Boëtsch, Martine Hossaert-McKey, François Renaud, Ecologie de la santé, Cherche Midi, 2017, p. 184.
  • Joshua Lederberg & Alexa T. McCray, " ’Ome sweet ’omics : a genealogical treasury of Words ", Scientist. 15(7), 2 avril 2001, p. 8