Les risques du sexe sur la toile

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Israël | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
28 août 2018

Les araignées sont célèbres pour piéger leur proie grâce à leur toile. En revanche, on vient de découvrir qu’elles se piègent aussi entre elles en utilisant du « parfum ». Découvrez comment les femelles veuves noires piègent les jeunes mâles pour les mettre dans leur toile… et leur estomac !

Le monde animal est une source de découverte infinie et souvent surprenante.
En effet, la nature a une créativité digne des plus grands scénarios Hollywoodiens ; les scientifiques qui l’étudient le savent parfaitement.
Ainsi, un groupe de chercheurs israéliens a décidé d’étudier le comportement copulatoire des araignées. Si la sexualité du monde animal fait souvent parler d’elle, du sexe « social » des bonobos aux viols groupés des dauphins, la sexualité des araignées a elle aussi reçu sa part d’attention avec la célèbre veuve noire. Les femelles veuves noires, du genre Latrodectus, ont en effet la fâcheuse tendance à dévorer leur prince charmant après l’acte amoureux. Si cette observation se révèle être limitée à certaines conditions où les proies sont en nombre insuffisant et où le « sacrifice » (consenti ou non) du mâle a alors vocation à améliorer les chances de survie de sa dulcinée affamée et de sa future progéniture, elle est maintenant un fait de notoriété publique.

Mais l’étude publiée en mars dernier dans la revue scientifique « Animal behaviour » par les chercheurs Shevy Waner et Uzi Motro de l’Université hébraïque de Jérusalem, Yael Lubin de l’Université Ben Gourion du Neguev et Ally R. Harari du Centre de recherche Volcani va plus loin. Ils ont cherché à étudier la préférence des jeunes mâles Latrodectus geometricus, une variété d’araignées veuves marron (« brown widow spider » en anglais) qui est endémique du Moyen Orient, concernant leurs partenaires sexuelles. En effet, les mâles reproducteurs ont le choix entre trois catégories de partenaires différentes, chacune ayant leurs propres spécificités : les jeunes femelles subadultes (que l’on pourrait qualifier d’adolescentes), les jeunes femelles adultes et les femelles adultes matures (plus âgées).

Illust: Photo. Latrodectus, 23.7 ko, 509x337
Photo. Latrodectus geometricus (crédits : https://jasontalbott.deviantart.com/art/Latrodectus-geometricus-326969416)

La raison pour laquelle cette étude a été menée est qu’il a été observé que les femelles mâtures sont plus « agressives » (entendez par là plus enclines à dévorer leur amant après copulation) que les autres, tout en ayant la même fertilité. A l’inverse, les femelles subadultes ou les jeunes femelles sont tout autant fertiles mais bien plus respectueuses de leurs prétendants. Or les jeunes mâles L. geometricus préfèrent les premières, au péril de leur vie. Ce choix est probablement dicté par un avantage pour l’espèce et, si vous suivez le fil, il vous sera vous aussi difficile de comprendre l’avantage d’avoir plus de chances pour les jeunes mâles de succomber après l’accouplement.
C’est d’autant plus surprenant que l’acte copulatoire des prétendants à huit pattes est précédé et ponctué de parades nuptiales où le mâle fait la cour à sa dulcinée en enlevant des parties de sa toile et en la faisant vibrer, en recouvrant la femelle de sa propre toile, mais aussi en faisant des pirouettes autour de la femelle. Or si cette parade est longue et fastidieuse pour les femelles matures, elle reste courte et simple pour les femelles jeunes ou subadultes. Les jeunes mâles investissent donc plus de temps et d’énergie pour copuler avec des femelles plus enclines de les dévorer par la suite, sans que cela ne semble procurer un quelconque avantage à l’espèce.

D’où la question des scientifiques : pourquoi diable les mâles préfèrent-ils des partenaires cannibales, leur demandant plus d’énergie et de temps à séduire pour un résultat plutôt mitigé au vu de l’effort demandé (constat euphémique pour le jeune mâle dévoré, les femelles matures étant moins fertiles et avec une espérance de vie très faible) ? En plaçant de jeunes mâles dans un espace comprenant des femelles de différentes catégories et en étudiant leur comportement et l’acte copulatoire lui-même (choix de la femelle, durée de la recherche de partenaire, durée de la parade, durée de l’accouplement, nombre de progénitures, survie du mâle, etc.), les chercheurs ont ainsi tenté de percer le secret de ce choix inexpliqué. Ils ont notamment vérifié si ce choix de partenaires était dicté par un avantage que les femelles matures auraient sur leurs compétitrices plus jeunes ou si ces dernières avaient au contraire un défaut qui pousserait les mâles à choisir des femelles plus âgées. Peine perdue, les chercheurs n’ont pas réussi à trouver d’explications en ce sens.
En revanche, en ce qui concerne la cause, les scientifiques israéliens ont une idée du coupable : le parfum des femelles. En effet, les jeunes mâles traquent les femelles en suivant leur « parfum », des molécules odorantes produites par les femelles qui enduisent leur corps et leur toile de ces traceurs chimiques. Ces molécules, appelées phéromones, sont produites en plus grande quantité par les femelles âgées, attirant ainsi les jeunes mâles dans leur toile, et ainsi à leur mort.

Il est tentant de croire que la sexualité de l’être humain est la plus complexe du monde animal et pourtant, entre piège, séduction, sexe, compétition, parfum, et cannibalisme, la sexualité des araignées pourraient inspirer plus d’un scénariste ou écrivain. Leur étude a en tout cas inspiré de nombreux articles dans la presse au point de créer une réputation de « cougar » à cette espèce (voir l’article intitulé « Cougartown » du Jerusalem Post, cf. lien ci-dessous).

Sources :
• Article sur Animal Behaviour : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0003347218300307
• Page Wikipédia « Latrodectus » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Latrodectus
• Article du Jerusalem Post : https://www.jpost.com/HEALTH-SCIENCE/Cougartown-These-spiders-prefer-sex-with-older-females-then-being-eaten-553127

En savoir plus :
• Lien vers le site du « Evolution and Behavior and Federmann Center for the Study of Rationality » de l’Université hébraïque de Jérusalem : http://www.ratio.huji.ac.il/About_us
• Lien vers le site de Yael Lubin : http://in.bgu.ac.il/en/bidr/SIDEER/MDDE/Yael_Lubin/Pages/default.aspx
• Lien vers le site d’Ally Harari : http://www.agri.gov.il/en/people/755.aspx
• Page Wikipédia « Phéromone » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Phéromone

Rédacteur : Arthur Robin, doctorant à l’Université de Tel Aviv