La production d’hydrogène revisitée par des chercheurs du Technion
Actualité
Israël
|
Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
10 mai 2017
Diviser pour mieux régner, c’est l’approche proposée par une équipe de recherche du Technion afin de surmonter certains obstacles de la production d’hydrogène, un carburant propre, par voie solaire. En séparant physiquement le compartiment où l’hydrogène est produit de celui où l’oxygène est produit - homologue inséparable de l’équation - on résout ainsi nombre de problèmes qui limitent encore aujourd’hui le développement de cette technologie.
L’équipe israélienne du Technion composée par la doctorante Avigail Landman (Nancy & Stephen Grand Technion Energy Program) et le Dr. Hen Dotan (Electrochemical Materials & Devices Lab) propose de séparer géographiquement les deux compartiments accueillant chacun une des deux réactions électrochimiques à l’origine de la production d’hydrogène : la réaction d’oxydation (produisant de l’oxygène) d’une part et la réaction de réduction (produisant de l’hydrogène) d’autre part. Pour bien comprendre l’aspect innovant de cette séparation, une petite remise en contexte s’impose. Tout d’abord, le dihydrogène (H2) est l’un des principaux candidats pour devenir le carburant vert du futur. Sa spécificité ? Il est non-toxique, possède une très bonne densité énergétique (quantité d’énergie que l’on peut libérer par unité de masse), et sa combustion en présence d’oxygène rejette de l’eau. D’où l’engouement pour la recherche sur les procédés photo-électrochimiques (PEC) de production d’hydrogène.
Les installations de production d’hydrogène actuelles consistent en deux compartiments d’eau séparés par une fine membrane empêchant l’oxygène et l’hydrogène produits séparément de se mélanger (le mélange étant explosif). Chaque compartiment contient une électrode (bout de métal), qui est reliée à son homologue via un fil conducteur (cuivre, etc.) comme présenté dans la figure 1 ci-dessous. Le procédé consiste à créer un flux d’électrons d’une électrode vers une autre (de l’anode vers la cathode), créant ainsi un « manque » d’électron du côté de l’anode (à droite de la figure 1). Ceci provoque une réaction produisant de l’oxygène et un surplus d’électrons du côté de la cathode (à gauche de la figure 1), menant à l’hydrolyse de l’eau et à la production d’hydrogène. Les deux réactions dépendent également de la migration d’une molécule (OH-, hydroxyde) faisant office de transporteur d’électrons d’un compartiment à un autre à travers la membrane. Néanmoins, tout ce procédé dépend d’une source externe « forçant » le flux d’électrons de l’anode vers la cathode. Cette source peut être un panneau photovoltaïque bien entendu, mais l’on peut obtenir de meilleurs rendements en utilisant une photo-anode, c’est à dire une anode capable de catalyser directement la réaction décrite ci-dessus en captant les rayons solaires. On parle alors de cellules photo-électrochimiques (voir Figure 1).
Figure 1- Schéma d’une cellule photo-électrochimique permettant la production d’hydrogène (H2) à partir d’eau alimenté par l’énergie solaire. De l’oxygène (O2) est également co-produit lors du procédé.
Néanmoins, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, le risque de voir l’oxygène et l’hydrogène se mélanger et donc exploser. De plus, la surface de photo-anode requise pour une production en quantité commerciale est immense, il est donc nécessaire de trouver un moyen de récolter l’hydrogène tout au long de la surface photovoltaïque, le stocker, puis le transporter vers le point d’utilisation final près du consommateur. Or, le stockage et le transport de l’hydrogène sont complexes et coûteux.
C’est là que vient se greffer l’idée lumineuse d’Avigail Landman et du Dr. Hen Dotan : et si l’on séparait géographiquement les deux compartiments ? Sur le principe, l’anode et la cathode sont reliées par un fil de cuivre conduisant le courant. Or, le transport d’un courant électrique sur de longues distances ne pose aujourd’hui aucun problème, contrairement à celui de l’hydrogène. De plus, les deux compartiments étant séparés, il n’y a pas de risque d’explosion. Finalement, d’un point de vue logistique, il est très intéressant de pouvoir capter le soleil dans un lieu reculé, pour pouvoir ensuite créer de l’hydrogène directement à la « pompe » en centre ville. Reste le problème de la membrane et de la migration des ions hydroxydes OH-. Pour résoudre ce casse-tête, l’équipe a rajouté un couple d’électrodes additionnelles reliées par un second fil électrique (voir figure 2).
Figure 2 – Cellule photo-électrochimique avec séparation physique entre les deux compartiments via l’ajout de deux électrodes additionnelles, fabriquées dans un matériau à base de nickel et reliées par un fil conducteur.
Ces deux électrodes sont composées d’un matériau à base de nickel qui peut réagir avec les transporteurs d’électrons : les ions hydroxydes. D’un côté (compartiment de gauche, Figure 2), l’électrode est oxydée par ces transporteurs et capte leurs électrons qui rejoignent, via un fil conducteur, l’autre compartiment (à droite, figure 2) où l’électrode de nickel est réduite, libérant des électrons sous forme d’ions hydroxydes. De ce fait, le circuit devient « fermé » et la production d’hydrogène peut se faire de façon continue ! Si les perpétuelles réactions d’oxydation et de réduction des électrodes additionnelles finissent par les user, leur durée de vie est considérable et l’on peut inverser les électrodes dans les deux compartiments pour les régénérer. Il reste du chemin à faire avant de trouver une station à hydrogène dans chaque quartier mais la technologie est entrée en phase de test préindustriel et nous n’avons donc pas fini d’en entendre parler.
Pour en savoir plus :
• Publication de l’équipe dans Nature Materials : http://www.nature.com/nmat/journal/vaop/ncurrent/full/nmat4876.html?WT.feed_name=subjects_business-and-industry
• Vidéo (en anglais) du projet : https://player.vimeo.com/video/187919440
Rédacteur : Arthur Robin, doctorant à l’Université de Tel Aviv