L’originalité au profit du groupe ?
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Israël
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
24 janvier 2018
En simulant l’efficacité d’un groupe lors de la recherche d’objets sous différentes conditions expérimentales, une équipe de l’Institut Weizmann vient de faire cette étrange découverte : lorsque les individus d’un groupe cherchent à se différentier les uns des autres, ce groupe est plus performant que d’autres groupes plus homogènes. La créativité triompherait donc sur la coopération ? Lisez notre enquête neurobiologique !
Une nouvelle étude vient d’être publiée dans le journal PNAS issus des travaux d’une équipe du centre de Neurobiologie de l’Institut Weizmann. La conclusion de cette étude ? Suivre son propre chemin semble être la décision qui bénéficie le plus au groupe lorsqu’il s’agit de chercher des objets. Ce surprenant résultat est issu d’un travail complexe entre simulation mathématique et études comportementales, que nous avons décortiqué pour vous !
Tout d’abord, de quoi parle-t-on ? De sciences comportementales bien sûr ! C’est-à-dire des sciences qui étudient la manière dont le comportement d’individus et leurs interactions avec leurs voisins affectent le comportement et l’efficacité du groupe tout entier. Jusque là, cela ne semble pas vraiment concret, mais étudier les dynamiques de groupe possède en fait de nombreuses applications pratiques, notamment concernant le comportement de colonies de bactéries, de réseaux de neurones ou tout simplement d’un groupe de personnes. Et les découvertes sont parfois surprenantes.
C’est le cas pour les résultats d’une récente étude effectuée par le Dr Elad Schneidman et son ancien étudiant Adi Shklarsh dans le département de Neurobiologie de l’Institut Weizmann à Rehovot.
Ces deux chercheurs travaillent sur la construction de modèles mathématiques permettant de faire le lien entre le comportement collectif et le comportement des membres d’un groupe. En d’autres mots, si les individus agissent d’une certaine façon face à un problème, quelle est la conséquence de cette décision à l’échelle du groupe ? Ils se sont alors penchés sur un cas « typique » de ce domaine de la neurobiologie : la prospection de ressources par un groupe d’individus. Leur but : comparer l’efficacité d’un groupe d’individus selon le comportement de ses membres et surtout leurs interactions. Par exemple, on peut décider, lors des expériences, de laisser les individus partager ou non les informations qu’ils accumulent au cours de leur prospection (« il n’y a rien ici », « je crois avoir aperçu quelque chose d’intéressant », etc.), mais aussi de ce qu’ils vont faire de cette information (« ok, je te suis », « je préfère aller de mon côté », etc.). Même si cela vous parait un peu simpliste, dites-vous que derrière ces commandes relativement simples se cachent toute une série d’équations mathématiques assez complexes (voir Figure 1).
Pour cela, les deux chercheurs ont considéré différent cas de figures où un certain nombre d’individus partent à la recherche d’une ressource. Les individus disposent pour cela d’un sens leur permettant de scruter les environs et de réagir à la présence d’un signal issu d’une source. Par exemple, ce sens peut être l’odorat et le signal, une odeur plus ou moins prononcée issue d’une source de nourriture. Ce faisant, lors de leur recherche, ils accumulent de l’information qu’ils peuvent alors partager ou non avec les autres agents. Chaque agent décide aussi de sa trajectoire en fonction des autres agents et/ou de l’information que ceux-ci lui transmettent.
Voyez cela comme une meute de loup à la recherche d’une proie, le sens utilisé étant l’odorat et l’échange d’information s’effectuant via la communication sonore. Mais un loup peut aussi décider de changer sa trajectoire en fonction de la trajectoire d’un autre loup, sans qu’aucune information n’ait été échangée directement.
Ces différents comportements ont donc été minutieusement transcris en langage informatique et permettent de définir le comportement d’un agent (défini comme un individu ayant son propre comportement, sens et objectif) au sein d’un groupe.
Armés de ce modèle mathématique, les deux scientifiques ont pu tester différents cas de figures, dans lesquels les agents et la ressource étaient distribués aléatoirement sur une surface donnée (appelé arène) et où le nombre d’agents pouvait être augmenté (jusqu’à 20). Chaque simulation donne deux résultats finaux qui attestent de l’efficacité des agents à trouver une ressource : leur trajectoire dans l’arène (voir Figure 2 pour deux agents) et le temps nécessaire à la découverte de la ressource.
Ils ont ainsi observé que l’efficacité des groupes « indépendants » n’était pas très bonne et que celle des individus restant proches les uns des autres non plus. En revanche, les groupes où les agents coopèrent entièrement ont été les plus efficaces, ce qui est intuitif.
Mais lorsque les chercheurs ont simulé le cas de figure où les agents partagent une partie de leur information entre eux et la comparent à celle dont ils disposent déjà, le résultat est qu’ils tournent autour d’eux-mêmes sans jamais trouver la ressource. Les chercheurs ont donc testé un autre comportement : les agents doivent chercher à rester différents des un des autres. Or, les scientifiques ont découvert que l’efficacité de ce dernier cas de figure est quasiment égale à celle du groupe coopérant pleinement, ce qui est une première ! Ils ont également montré que plus l’échange d’information est limité, plus l’efficacité du groupe se trouve améliorée, car l’effet négatif des « bruits de fonds » est alors réduit. Il est ainsi suffisant pour les agents de comparer leur trajectoire à celle des autres pour trouver la ressource en un laps de temps relativement réduit sans qu’aucune communication ne soit nécessaire.
Les chercheurs ont donc conclu que, dans ce cas de figure, l’information était aussi importante que la communication et que l’individualisme pouvait profiter au groupe, soulignant l’importance de la diversité des individus sur l’efficacité d’un groupe pour effectuer certaines tâches.
Vous n’êtes donc pas obligé d’appeler pour chercher la télécommande : vous pouvez simplement regarder où votre voisin cherche et adapter votre trajectoire à la sienne.
Sources :
• Newsroom du site de l’institut Weizmann : https://wis-wander.weizmann.ac.il/life-sciences/go-your-own-way-group-depends-it
• Publication sur PNAS : http://www.pnas.org/content/114/22/5589.full
Pour en savoir plus :
• Lien vers le laboratoire du Dr. Schneidman :
http://www.weizmann.ac.il/neurobiology/labs/schneidman/The_Schneidman_Lab/Home.html
Rédacteur : Arthur Robin, doctorant à l’Université de Tel Aviv