Interview avec un entrepreneur israélien

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Israël | Politiques de recherche, technologiques et universitaires
8 juin 2017

On vous en parlait dans la brève précédente « Inspecto, vérifiez-vous même si vos aliments sont bio ! », Inspecto, une start-up israélienne, propose un nouvel outil portatif pour analyser en quelques secondes la quantité de pesticides présents sur un produit alimentaire. Je vous propose de rencontrer l’un de ces fondateurs, Avner Avidan pour une série de question.

Jeudi dernier, je rencontrais l’un des co-fondateurs d’Inspecto. Mon but ? En savoir plus sur eux, leur start-ups, leur produit et surtout, la science derrière l’idée (je suis un scientifique, forcément …). Malgré tout, Avner étant particulièrement sympathique et enclin à échanger, j’ai laissé ma curiosité prendre le pas sur le scientifique et j’ai décidé de poser quelques questions plus en lien avec son statut de co-fondateur d’une start-up. En effet, Avner est un entrepreneur, cette « nouvelle espèce » de l’écosystème économique mondial. Or, justement, Israël est surnommé la « Start-up Nation » et Tel Aviv est l’un des principaux centres d’innovation du pays.

Rencontre avec un faiseur d’innovation :
- Comment vous êtes vous rencontrés avec Yair (Yair Moneta, second co-fondateur d’Inspecto) ?
Avner : « Avec Yair, on se connaît depuis longtemps, depuis le lycée en fait. On est resté bon ami et on est tous les deux actifs dans l’entreprenariat et le business management. C’était donc une équipe toute trouvée ! »

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Avner Avidan, co-fondateur de la start-up Inspecto, dans un bar de Tel Aviv juste après l’interview. 05/2017, (Arthur Robin)

- Comment l’aventure a-t-elle commencée ?
Avner : « Tout cela a commencé lorsque j’ai entendu parlé d’un documentaire à propos des résultats d’une étude du ministère de l’agriculture israélien montrant que de nombreux produits agricoles ne respectaient pas la législation en matière de pesticide. Notamment, certains produits censés être bio en avaient sur eux, d’autres dépassaient largement la concentration maximum autorisée et enfin, certains produits portaient même des traces de pesticides censés être interdits en Israël. Je venais de revenir en Israël après 6 ans passés en Australie et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. J’ai donc cherché à savoir si je pouvais trouver un moyen de détecter les pesticides sur les produits. J’en ai parlé à Yair et, à deux, on s’est vite rendu compte qu’il n’existait pas grand chose à l’heure actuelle. C’est comme ça que l’idée d’Inspecto a germé ! »
 
- Comment cela s’est-il passé niveau financement ? Quel a été le rôle de l’Etat ?
Avner : « Pour commencer, on a réuni une partie de l’argent via nos propres ressources, nos familles respectives et des amis (environ 40 000$), puis on a obtenu une bourse d’environ 30 000$ du bureau du Directeur scientifique du Ministère de l’économie israélien, ce qui nous a permis de démarrer, recruter un expert scientifique et construire un prototype. » 
 
- Quels conseils donnerais-tu à un gouvernement qui souhaiterait booster l’innovation et les start-ups ?
Avner : « Concernant notre start-up qui est basée sur une technologie et un produit, je dirais que le plus dire est le début car si l’idée est bonne, seul un prototype permet de vraiment intéresser des investisseurs ou des futurs clients et cela coûte cher. C’est donc durant la première étape qu’un gouvernement peut avoir un rôle décisif ce qui représente un investissement certes peu risqué mais plutôt modeste. De plus, je pense qu’il y a vraiment un travail à faire au niveau de la communication entre un gouvernement et les start-ups. En effet, les start-ups sont des structures qui nécessitent un certain dynamisme dans leur fonctionnement et ce dynamisme est parfois totalement absent chez les interlocuteurs officiels que l’on peut avoir, notamment sur la rapidité et la compréhension. Idéalement, j’aimerais avoir en face de moi quelqu’un qui a une expérience dans l’entreprenariat et qui me comprend. »
 
- Quelle est ta relation avec les investisseurs ? Y-a-t-il un profil que tu préfères ?
Avner : « Tout d’abord, il ne faut pas se voiler la face, les investisseurs veulent avant tout savoir quels sont les risques et les bénéfices avant d’investir dans notre start-up et c’est normal. Néanmoins, les investisseurs du capital-risque ont une approche purement financière alors que les particuliers qui souhaitent investir le font souvent car ils ont été séduits par l’idée et que cela leur parle directement. Ils se sentent concernés par les pesticides et c’est donc plus naturel et motivant de travailler avec eux. »
 
- Inspecto utilise une technologie dernier cri dans le domaine de l’analyse chimique, pourtant, ni toi, ni Yair avez une solide formation en science : comment s’est fait le lien ?
Avner : « C’est assez logique en fait. Une fois que l’on a découvert qu’il n’existait pas de produit existant, on est allé frapper à la porte d’experts scientifiques dans le domaine des pesticides pour trouver une solution, notamment dans les universités ou les centres de recherche. C’est là que l’on a rencontré le Dr David Dressler, spécialiste en analyse spectrométrique, avec qui nous avons commencé à élaborer une solution. Ensuite, avec le financement réuni, on a engagé le Dr Dressler pour qu’il construise le prototype et aussi pour savoir si le courant allait passer. Cela s’est très bien déroulé et le Dr Dressler est maintenant le Directeur Technique d’Inspecto et bientôt son troisième co-fondateur. »
 
- A l’heure où de nombreux ingénieurs français choisissent la voie du double diplôme ingénieur/MAE (Master en administration des entreprises), penses-tu qu’avoir une casquette MAE soit important pour la (ou les) personne(s) gérant(s) la partie technique et scientifique ?
Avner : « Je pense que le plus important pour un directeur technique, c’est d’être un expert dans son(ses) domaine(s) d’expertise(s) et d’exceller dans son rôle. Néanmoins, une start-up a peu d’employés et il est donc primordial d’avoir une certaine polyvalence, notamment car lorsque nous sommes en réunion, un CTO doté d’un MAE peut également participer à la discussion sur la partie business ou financière, mais aussi mieux comprendre les réponses que l’on donne lorsque cela impacte son budget ou son travail par exemple. »
 
- On s’imagine souvent un(e) entrepreneur(se) entièrement concentré(e) sur son entreprise : comme s’organise ta journée ? Ta semaine ? 
Avner : « Je dirais que le principale souci, c’est que le rythme est complètement aléatoire. On peut avoir des périodes calmes et, au contraire, des périodes dingues ou l’on travaille jour et nuit. Mais, à part cela, j’ai pris soin de garder un rythme de travail sain en prenant le temps de manger convenablement mais aussi de faire de l’exercice au moins une heure tous les jours. Je m’impose également une journée de repos complet le samedi - même si je ne suis pas religieux - où j’en profite notamment pour voir ma famille et mes amis. Je me suis vite rendu compte que ces pauses étaient non seulement nécessaires mais me rendaient aussi plus efficace. »

Inspecto est un nom à surveiller. Même si je ne puis tout vous dire, la start-up a été approchée par de nombreuses compagnies de l’agroalimentaire, notamment un géant français de la distribution. Elle n’a donc pas fini de faire parler d’elle.
 
Sources :