Différences génétiques entre hommes et femmes
Actualité
Israël
|
Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
8 juin 2017
Il est parfois important de revenir sur des choses acquises pour mieux les comprendre. C’est ce qu’ont fait deux chercheurs du Weizmann en réalisant une carte des différences génétiques entre hommes et femmes. Se basant sur une banque de données de taille importante, ils espèrent comprendre un peu mieux les maladies qui affectent un sexe en particulier ou encore les facteurs aggravant l’infertilité.
On estime que l’ADN humain est composé de 20 000 gènes codant pour différentes protéines [1]. Il y a naturellement des traits physiques plus ou moins évidents, mais également des différences bien plus subtiles. En effet, chacun des deux sexes peut réagir plus ou moins bien à certains médicaments, ou encore être affecté différemment par certaines maladies. On estime par exemple que 15 % des couples qui cherchent à concevoir un enfant sont infertiles, ce qui montre l’étendue de mauvaises mutations dans la population. Cette observation va à l’encontre d’un darwinisme le plus basique puisqu’une mutation affectant directement les organes reproducteurs devrait plus ou moins rapidement s’éteindre en raison de la fameuse règle de la sélection naturelle. Comment peut-on alors constater tant de mutations ?
Le professeur Shmuel Pietrokovski et le docteur Moran Gershoni de l’Institut Weizmann ont montré qu’une mutation affectant uniquement un sexe (par exemple la production de spermatozoïdes) peut se maintenir dans la population en raison du caractère exclusif de cette mutation. Dans leurs recherches publiées en février dernier [2], les deux chercheurs ont tenté de faire une étude plus systématique sur les différences génétiques entre hommes et femmes, analysant 53 tissus humains prélevés sur 544 individus. Ils ont ainsi pu, par exemple, repérer des gènes responsables du développement capillaire sur les tissus masculins, de l’augmentation de la masse musculaire chez l’homme ou encore du stockage de la graisse chez la femme.
Utilisant cette banque de données exceptionnelle (projet GTEx), les chercheurs se sont également intéressés à l’accumulation des mutations chez les hommes et les femmes. Dr. Gershoni affirme : « Plus un gène est spécifique à un sexe, moins sa sélection est importante. Une différence supplémentaire : de manière générale, la sélection est moins forte chez l’homme ». Ce dernier point n’est cependant pas encore parfaitement clair pour les scientifiques. Le Pr. Pietrokovski propose néanmoins une approche se basant sur une réflexion présente dans la communauté scientifique depuis de nombreuses années (avant même la découverte du code génétique par Watson, Crick et Franklin en 1953) : « Dans plusieurs espèces, les femelles sont limitées à produire un nombre limité de gamètes tandis que l’homme peut, en théorie, être le père de nombreux enfants ; la survie de l’espèce dépend donc bien plus de l’existence de femelles viables que de celle des hommes. Ainsi la sélection naturelle peut être moins drastique concernant les gènes propres aux mâles ».
Ces recherches ne s’arrêtent pas là. Parmi les nombreux exemples fournis dans cette publication, considérons ici l’existence de gènes propres au ventricule gauche du cœur de la femme. Les scientifiques pensent que ces gènes sont actifs chez la femme jusqu’à la ménopause et protège son cœur. Ces gènes sont en effet sources de problèmes cardiaques et d’ostéoporose une fois inactifs. Les chercheurs montrent, ici encore, comment certaines maladies peuvent affecter un sexe plus qu’un autre et nous donnent une explication scientifique sur ce phénomène bien connu empiriquement.
Il est intéressant d’effectuer une étude systématique sur un ensemble d’individus pour en tirer des conclusions, mais un•e lecteur•ice avisé-e notera que ces phénomènes globaux ne relatent en rien des cas particuliers connus où la différence homme/femme est bien moindre. Bien qu’il soit difficile de faire des statistiques, on estime qu’une naissance sur 1500/2000 présente un cas de litige entre homme et femme [3], ce qui est loin d’être négligeable.
Sources :
[1] Ezkurdia I et al. “Multiple evidence strands suggest that there may be as few as 19 000 human protein-coding genes” Human Molecular Genetics. 23 (22) : 5866-98
[2] Maran Gershoni and Shmuel Pietrokovski “The landscape of sex-differential transcriptome and its consequent selection in human adults”BMC Biology 2017 15(7)
[3] “An insight into respect for the rights of trans and intersex children in Europe” Erik Schneider Council of Europe
Rédacteur : Samuel Cousin, post-doctorant à l’Institut Weizmann