Des états quantiques bien protégés

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Israël | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
2 janvier 2017

Le dernier prix Nobel de physique vient d’être délivré à trois scientifiques britanniques pour leurs travaux en physique théorique portant sur l’étude des états topologiques de la matière. L’Institut Weizmann se trouve être particulièrement dynamique dans la recherche de ces états depuis maintenant de nombreuses années.

Bien souvent lorsque l’on parle de physique théorique, on imagine immédiatement quelque chose de bien éloigné de la réalité quotidienne. Ajoutons à ceci le terme topologique et nous voilà presque perdus. Mais bien au contraire, les découvertes de Kosterlitz, Thouless et Haldane pourraient ouvrir la voie à de multiples applications et l’Institut Weizmann possède plusieurs équipes pionnières dans ce domaine.

L’avènement de la mécanique quantique nous a permis de mettre à jour, entre autre, le fait que les électrons tournant autour du noyau possèdent une énergie quantifiée (d’où le terme quantique). Lorsque l’on vient maintenant placer plusieurs atomes les uns à côté des autres, comme dans un métal par exemple, les niveaux d’énergies forment alors des bandes énergétiques séparées par des zones interdites dites “gap”. Si, lorsque l’on applique un champ électrique sur le matériau, les électrons peuvent occuper une énergie plus haute, alors un courant électrique voit le jour et le matériau est conducteur. En revanche, si cette énergie additionnelle tombe dans le gap, les électrons ne peuvent se mouvoir et le matériau est isolant. Les derniers récipiendaires du prix Nobel ont montré que, dans certains cas exotiques, certains états peuvent être présents dans le gap et, qui plus est, sont potentiellement très robustes. Ces états sont en effet topologiquement protégés. Pour illustrer les propriétés topologiques considérons trois objets : une motte d’argile, un mug et un sac à main. En déformant continument ces objets, il est possible de les transformer respectivement en sphère, donut et “double donut”. En ce sens, un mug et un donut possèdent les mêmes propriétés topologiques, même si ce sont des objets géométriquement très différents.

Les états quantiques découverts par ces trois prix Nobel possèdent une protection d’ordre topologique, ce qui les rend plus robustes. En quelque sorte, ils gardent leurs propriétés quantiques même si on vient les déformer tant que l’on ne change pas la topologie du système. La robustesse de ces états peut grandement intéresser la communauté liée aux ordinateurs quantiques car le problème majeur à l’heure actuelle vers la construction d’un ordinateur quantique est la fragilité des bits quantiques qui servent de briques élémentaires.

Plusieurs équipes de l’Institut Weizmann étudient au jour le jour ces types de matériaux exotiques comme celle de Haim Beidenkopf utilisant des techniques de STM ou celle d’Elie Zeldov utilisant des mesures locales de champs magnétiques ultra précises. Enfin, l’équipe de Moty Heiblum essaye depuis plusieurs années de créer une nouvelle sorte de bits quantiques possédant une protection d’ordre topologique. L’effort de ces équipes de recherche pourraient donc déboucher sur une véritable révolution du monde de l’informatique et des sciences en général dans les années à venir.

Rédacteur : Fabien Lafont, Post-doctorant, Institut Weizmann