Une étude réalisée à HKUST apporte de l’espoir pour le traitement des traumatismes médullaires. (30/09/2015)

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Hong Kong

Rapport
Hong Kong | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
15 octobre 2015

Article publié le 30/09/2015

Crédits : HKUST website


Un traumatisme médullaire correspond à un traumatisme au niveau de la moelle épinière, la partie du système nerveux central qui permet la communication entre notre corps et notre cerveau. Il peut être causé par tout gros choc physique de la vie quotidienne assez violent pour endommager la colonne vertébrale. Les lésions à la moelle épinière peuvent se produire par lacération (déchirement), compression (écrasement) et dénutrition [1]. Selon la sévérité de la lésion, elles peuvent entraîner des troubles moteurs et sensitifs ainsi que des séquelles irréversibles allant jusqu’à la paralysie totale ou partielle. Au niveau de la perte de motricité, la paraplégie désigne une paralysie des membres inférieurs (jambes) alors que la tétraplégie symbolise une perte de motricité des bras et des jambes. En plus de la perte de motricité, des complications neurologiques sont associés à 30 % des fractures vertébrales [2].

Classification des différents stades d’une blessure médullaire

On distingue couramment 5 grands stades de gravité dans les traumatismes médullaires [3]. Ils nécessitent chacun un traitement adapté.

Stade A : Perte totale des fonctions de motricité et de sensibilité.
Stade B : Ressenti de sensibilité mais perte de la fonction moteur.
Stade C : Sensibilité préservée mais fonction motrice dégradée. Plus de la moitié des muscles du ou des membres sont affectés et ont un niveau de motricité ne leur permettant pas de lutter contre la gravité terrestre.
Stade D : Sensibilité préservée mais fonction motrice dégradée. Plus de la moitié des muscles du membre ont un niveau de motricité leur permettant de lutter contre la gravité terrestre
Stade E : Les fonctions de motricité et de sensibilité ne sont pas impactées. Il y a donc pas de changements perceptibles par rapport à une situation normale

Répartition des personnes touchées dans la population et causes principales des blessures médullaires

Au niveau de l’occurrence au sein de la population, en Europe et aux États-Unis, on dénombre entre 20 et 80 par an le nombre de traumatismes médullaires dans une population de 100 000 habitants. A Hong Kong, on recense 20 à 40 nouveaux cas par million d’habitants chaque année [4]. Aux États Unis, des études récentes ont estimé à 12 000 par an le nombre de nouveaux cas de patients atteints de paraplégie ou tétraplégie [5]. A l’heure actuelle, plus de 250 000 américains vivent avec une paralysie totale ou partielle due à un traumatisme médullaire [6].

Les principales causes de traumatisme médullaires dans le monde sont les accidents de la route. En effet, plus d’un tiers des patients atteints de paralysie ou de perte de sensibilité (36,5 %) ont été sujet à un accident de la route [6]. En dehors de cette cause principale, ceux liés au sport (qui ont tendance à augmenter) et les blessures dues aux armes sont les principales sources de blessures médullaires [7].

La fréquence maximale d’apparition dans les pays développés se situe dans la tranche d’âge 15 à 24 ans avec une nette inégalité entre homme et femme puisque 80 % des personnes touchées sont des hommes [8].

Les conséquences

La blessure médullaire est une blessure grave mettant en jeu le pronostic vital immédiat ou retardé. Elle est à l’origine de troubles moteurs et sensitifs, et de troubles des fonctions neuro-végétatives. Lors d’une blessure de la moelle épinière, le traumatisme initial provoque des dommages et une destruction des cellules mais déclenche aussi une cascade d’événements qui se propagent autour du site de la lésion et endommagent d’autres types cellulaires [9]. Les axones sont broyés et arrachés et les oligodendrocytes (les cellules nerveuses qui synthétisent la gaine de myéline autour des axones) commencent à mourir. Les axones exposés dégénèrent, la connexion entre les neurones est perturbée et le flux d’informations entre le cerveau et la moelle épinière est interrompu. Le corps qui est incapable de remplacer de façon naturelle les cellules perdues à la suite d’une lésion de la moelle épinière, subit une altération définitive des fonctions de la moelle épinière. Les patients peuvent subir de graves handicaps moteurs et sensoriels qui se traduisent en général par une paralysie et une perte de sensation au dessous du niveau de la lésion.

La médicalisation systématique et les progrès de la prise en charge pré-hospitalière ont permis d’améliorer considérablement la qualité de vie de ces blessés. L’évolution des connaissances, notamment dans la physiopathologie des lésions cellulaires, a aussi permis de proposer régulièrement de nouveaux traitements thérapeutiques.

Traitement :

Les médecins peuvent avoir recours à la médication, à la chirurgie et à la traction (alignement de la colonne) pour prévenir les dommages de la moelle lors de la phase aiguë de la blessure. L’injection de stéroïdes permet généralement de limiter l’enflure à la lésion et aide à protéger la moelle d’une plus grande détérioration [10]. S’il y a fracture, le médecin évalue sa stabilité, le déplacement de vertèbres et la présence de fragments d’os. La chirurgie peut être nécessaire pour récupérer les fragments ou consolider la colonne vertébrale à l’aide de tiges en métal et de plaques en association à une greffe osseuse. Une fois la colonne vertébrale bien alignée, elle est immobilisée jusqu’à sa consolidation. La kinésithérapie peut aider à retrouver un petit peu de mobilité mais cela reste dans l’ensemble modeste par rapport au dommage subi.
A l’heure actuelle il n’existe donc pas de traitement à proprement parlé capable de guérir d’un traumatisme modulaire. Les axes privilégiés de recherche se déclinent en trois voies principales [11] :

1) La Neuroprotection : C’est la protection des cellules nerveuses après la blessure afin qu’elle ne subissent pas de dommages supplémentaires.

2) Le remplacement cellulaire par des cellules souches : L’utilisation de cellules souches pour remplacer les celles nerveuses mortes et restaurer la motricité et la sensibilité des membres du corps.

3) La régénération : La stimulation des cellules nerveuses pour qu’elles puissent se reconnecter entre elles.

La stimulation des cellules nerveuses constitue aujourd’hui l’axe de recherche le plus prometteur et le plus avancé. En effet, très récemment une équipe de recherche dirigée par le professeur Kai Liu, professeur associé de la division des sciences de la vie à l’Université de Science et Technologie de Hong Kong (HKUST), a réussi à trouver un moyen de stimuler la croissance des axones de la moelle épinière [12]. Les axones « du faisceau corticospinal (CST) », ces fibres nerveuses qui contrôlent les fonctions motrices volontaires, sont le point de départ d’un nouveau traitement prometteur qui permet de soigner les blessures de la moelle épinière.

Alors que la thérapie physique et la rééducation aident les patients à faire face aux conséquences, d’une telle blessure, la repousse axonale des neurones blessés et lésés, dont le faisceau cortico-spinal évoqué ci-dessus, permettrait de guérir d’une telle blessure.

Plus techniquement, l’équipe de recherche du professeur Liu a récemment démontré que la délétion du gène PTEN (Phosphatase and Tensin homolog) pourrait activer l’enzyme mTOR (Mammalian target of rapamycin) qui pousserait les axones à se régénérer et les connexions nerveuses à se réformer. L’enzyme mTOR est responsable chez les mammifères de la prolifération cellulaire, de la croissance cellulaires et de la mobilité cellulaires [13]. Pour cette expérience, les chercheurs ont ainsi développé une stratégie permettant de moduler l’expression du gène PTEN et de l’enzyme mTOR dans les neurones responsables de la motricité dans le cortex des mammifères.

Cette nouvelle thérapie permet à la fois de favoriser la germination des axones CST abîmés mais aussi de régénérer les axones de la moelle épinière lésés par la blessure médullaire. Ces résultats positifs ont été obtenu même lorsque le traitement pour bloquer l’expression du gène PTEN a été commencé un an après la blessure initiale, montrant ainsi la faculté à traiter des blessures passées en phase chronique. A savoir que le blocage de ce gène peut entrainer des effets secondaires important puisque chez 70 % des hommes sujets à un cancer de la prostate, les analyses montrent une perte d’activité du gène PTEN.

Les axones qui sont les prolongements cellulaires des neurones permettent le transfert des informations sous forme de signaux électriques vers les autres neurones, les muscles ou les glandes. La régénération des axones est une première étape importante vers la naissance d’une thérapie pour les personnes souffrant de blessures médullaires. D’après le Professeur Kai Liu : « La régénération des axones CST était considérée comme un défi majeur dans le domaine, surtout pour des blessures dites chroniques." Il a ajouté que la plupart des manipulations ont été, jusqu’à présent, effectuées sur des modèles de blessures aiguës ou suraiguës. C’est la première fois qu’une régénération axonale CST a été effectuée.

Perspectives :

En plus de donner espoir aux patients paralysés suite à une blessure médullaire, cette découverte ouvre aussi des perceptives très intéressantes pour le traitement des maladies médullaires, qui se définissent comme une anomalie de production des cellules par la moelle osseuse [14]. Elles imposent généralement une prise en charge spécialisée et rapide en raison des complications possibles. Comme pour les blessures médullaires, il n’existe pas de traitement curatifs à l’heure actuelle. La fréquence d’apparition de ce genre de maladies est cependant plus faible que les blessures médullaires puisque le ratio actuel en France est de l’ordre de 1 à 2 pour 100 000 personnes.

Le Professeur Kai Liu originaire de Chine a effectué son doctorat en neurosciences de l’Université Rutgers (Etats-Unis). Il a travaillé pour « The Boston Children’s Hospital of the Havard Medical School », avant de rejoindre en 2011 la prestigieuse université hongkongaise HKUST.

Cette découverte révolutionnaire a été publiée dans « The Journal of Neuroscience » le 1er juillet 2015 [14] ; il fait suite aux premiers résultats encourageants publiés par la même équipe en 2010 dans Nature Neuroscience 2010 Sep, v. 13, (9), 2010, p. 1075-1081

Sources :

[1] http://sante-medecine.journaldesfemmes.com/faq/46491-traumatisme-medullaire-definition
[2 ; 4 ; 8 ; http://campus.neurochirurgie.fr/spip.php?article384
[5] http://repli.net/larticle/aigue-des-blessures-de-la-moelle-epiniere
[3 ; 6 ; 7]http://www.ninds.nih.gov/disorders/sci/detail_sci.htm#186393233
[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Traumatisme_médullaire
[9 ;10]http://traumaquebec.com/PDF/Documentation/Guides%20et%20feuillets%20d’information/Guide%20d’information%20à%20l’intention%20des%20personnes%20ayant%20une%20blessure%20médullaire%20et%20de%20leur%20famille.pdf
[12]http://www.ust.hk/cover-stories/hkust-breakthrough-study-brings-hope-chronic-spinal-cord-injury-patients-4/
[14] http://sante.lefigaro.fr/sante/maladie/insuffisance-medullaire/ce-quil-faut-savoir
[13] https://fr.wikipedia.org/wiki/MTOR

Rédacteur :

Justin MONIER, Chargé de mission scientifique - Hong Kong