Le système de santé à Hong Kong
Rapport
Hong Kong
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
23 mai 2017
Le système de santé à Hong Kong est réputé pour être de bonne qualité, et son efficacité le place au sommet des classements internationaux. Son organisation a été modelée par l’histoire coloniale britannique dans la région administrative spéciale (RAS).
Le système de santé hongkongais se caractérise ainsi par un système public central, promouvant un accès universel aux soins sur le modèle du National Health System (NHS) britannique. L’accès aux soins hospitalier est comparable à la France. Il existe en revanche peu de similitudes avec le système de santé mis en place en Chine continentale.
Les hongkongais préfèrent en général utiliser la médecine occidentale, même s’ils ont couramment recourt à la médecine traditionnelle chinoise.
L’offre de soins se partage entre un système public quasiment gratuit qui absorbe la très grande majorité de l’accueil hospitalier, et un système privé très onéreux (l’un des plus chers au monde) qui répond à la demande des soins courants. Le système public est la pierre angulaire du système de santé à Hong Kong et se positionne comme un socle commun de sécurité sanitaire pour l’ensemble de la population, tandis que le système privé doit apporter des services plus rapidement accessibles et personnalisés.
Le système de santé à Hong Kong doit néanmoins répondre à plusieurs problèmes grandissants : engorgement du secteur public, pénurie chronique des professionnels de santé, demande croissante de soins liée à l’allongement de la durée de vie, et encadrement légal de la collaboration entre systèmes public et privé.
Le système de santé à Hong Kong par les faits
Des indicateurs de santé satisfaisants
La population de Hong Kong s’élève à 7,31 millions d’habitants. L’espérance de vie à la naissance est la plus longue au monde (81,2 ans pour les hommes ; 87,3 ans pour les femmes). Le taux de mortalité infantile est très bas (1,3 pour 1 000 naissances) tout comme le taux de mortalité maternelle (1,6 pour 100 000 naissances).
Les trois premières causes de mortalité sont liées aux cancers, aux pneumonies, et aux maladies du cœur.
Un total de 13 726 médecins était enregistré fin 2015, soit 1 médecin pour 534 habitants (environ 1 médecin pour 450 habitants en France en 2014 [http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/protection-sociale/risque-sante/professionnels-sante/quelle-est-densite-medicale-france.html]), et un total de 50 461 infirmiers, soit un pour 145 habitants (similaire en France). Environ 45% des médecins sont des spécialistes. La majorité des médecins hongkongais exercent dans le service privé (environ 60%). Il n’y a pas de visites à domicile, les patients se déplacent vers les lieux de soins.
Hong Kong compte 42 hôpitaux publics (environ 27 900 lits), 47 cliniques publiques de médecine spécialisée (specialist out-patient clinic), 73 cliniques publiques de médecine générale (general out-patient clinics) et 14 cliniques publiques de médecine traditionnelle chinoise. Ces établissements sont regroupés autour d’un hôpital principal au sein de 7 clusters géographiques. Par exemple, le Queen Mary Hospital (environ 1 400 lits) est le principal hôpital du Hong Kong West Cluster (3 142 lits).
Les trois premières causes d’hospitalisation sont associées aux maladies génito-urinaires, aux cancers, et aux maladies du système digestif.
Les hôpitaux privés sont au nombre de 12 et disposent d’environ 4 000 lits. Ils accueillent autour de 370 000 patients par an. Il existe enfin plus de 3 700 cabinets et cliniques dans le secteur privé (médecine occidentale). Dentistes, infirmiers, pharmaciens, physiothérapeutes, chiropracteurs, etc peuvent également exercer dans le privé [http://www.gov.hk/en/about/abouthk/factsheets/docs/public_health.pdf].
Gouvernance du système public : Hospital Authority
Au niveau gouvernemental, le système de santé publique à Hong Kong est organisé (établissement des politiques et allocation des ressources) par le « Bureau de l’Alimentation et de la Santé » (Food and Health Bureau) qui dirige le Département de la Santé (Department of Health) en charge de la gestion de la santé publique (Centre for Health Protection). Le système hospitalier est gouverné par l’Autorité Hospitalière (Hospital Authority) [http://www.ha.org.hk/visitor/ha_index.asp], un organisme indépendant de droit public, dirigé par son propre conseil d’administration suivi par le Secrétaire à l’alimentation et la santé. Le président de l’Hospital Authority et les membres du conseil sont nommés par le gouvernement.
Dans le système privé, chaque hôpital ou clinique est géré indépendamment. Ils sont reliés par le réseau de l’Association des hôpitaux privés de Hong Kong (The Hong Kong Private Hospitals Association [http://www.privatehospitals.org.hk/en/aboutus.htm]). Ils sont néanmoins soumis au contrôle du Department of Health.
Tous les médecins, des secteurs public et privé, qui pratiquent la médecine occidentale doivent être inscrits auprès du Medical Council of Hong Kong (MCHK), l’équivalent de l’Ordre des médecins en France.
« A dual-track system »
Les deux systèmes, public et privé, forment un système dual et complémentaire, où environ 90% des hospitalisations se font dans le public et où le privé assure environ 70% des consultations de médecine ambulatoire (prise en charge des patients en cabinet sans hospitalisation ou hospitalisation de quelques heures). Pour les soins de longue durée, les hospitalisations se font dans les hôpitaux publics.
La politique de santé conduite par le gouvernement poursuit un objectif de couverture sanitaire universelle : personne ne doit être empêché d’accéder aux services médicaux adaptés en raison de difficultés financières. Ainsi, le système public est fortement subventionné par le gouvernement pour maintenir des prix extrêmement bas pour les patients. Une admission aux urgences est par exemple subventionnée à 91%, seuls 100 HKD (environ 12 euros) restent à la charge du patient. De même, le tarif des hospitalisations d’un ou plusieurs jours sont alignées sur un prix forfaitaire de 100 HKD par journée d’hospitalisation (incluant consultations, diagnostic, lit, repas, soins infirmiers, médicaments, opération chirurgicale). Il existe peu de chambres privatives dans les hôpitaux publics (environ 400 lits sur les 27 900, et il faut ajouter des frais de 2 600 HKD ou 3 900 HKD par jour pour en bénéficier). Il faut pour bénéficier de ces tarifs disposer d’un passeport hongkongais ou d’une carte de résidence.
Coûts pour le patient et coûts pour les finances publiques dans le service public
Dans le privé, une consultation de médecine générale coûte de 160 HKD à 650 HKD environ (de 20 à 70€). Les prix des consultations de médecine spécialisée sont plus élevés. Dans les hôpitaux privés, les tarifs journaliers varient de quelques centaines de dollars à plusieurs milliers selon le type de chambre (sans compter le prix des consultations, des médicaments ou des examens). Ainsi, le coût moyen d’une hospitalisation dans le privé se situe entre 23 000 et 65 000 HKD (entre 2 700 et 7 700€) [http://www.myhealthmychoice.gov.hk/pdf/appendixC_eng.pdf]. Pour permettre l’accès au système de santé privé qui offre des soins de haute qualité mais à un coût élevé, un système d’assurance privée s’est mis en place à Hong Kong pour couvrir les dépenses. Il s’agit d’assurances santé individuelles ou collectives (via les entreprises) proposées par « packages ». Cela a tendance à favoriser chez les praticiens privés un comportement d’incitation à la consommation d’un maximum de soins pour générer des bénéfices en calquant le prix des soins sur le niveau maximal de remboursement autorisés par les assureurs privés.
Répartition public/privé dans le système de santé hongkongais
Les dépenses de santé à Hong Kong
Sur un budget annuel (2016-2017) de 347,5 milliards HKD (environ 41,5 milliards d’euros), 77,6 milliards sont attribués aux dépenses de santé (environ 9,3 milliards d’euros) soit 22,3% [http://www.budget.gov.hk/2016/eng/pf.html]. Sur cette somme, 50,8 milliards HKD sont alloués à la Hospital Authority. Les dépenses de santé du secteur public s’élèvent ainsi à 2,6% du PIB (Produit Intérieur Brut) de Hong Kong. Additionnées aux dépenses du système privé, les dépenses totales de santé s’élèvent à 5,4% du PIB. Elles sont relativement stables depuis 1992. À titre de comparaison, les dépenses de santé avoisinent 12% du PIB en France, 17% aux Etats-Unis. C’est ce chiffre, des dépenses de santé s’élevant à 5,4% du PIB qui place Hong Kong au premier rang international des systèmes de santé les plus efficaces (d’après le classement Bloomberg Health-Care Efficiency Index qui compare 55 pays en pondérant trois paramètres : espérance de vie, dépenses de santé absolue et relative). [https://www.bloomberg.com/news/articles/2016-09-29/u-s-health-care-system-ranks-as-one-of-the-least-efficient]. Il faut cependant noter que les dépenses du gouvernement en matière de santé sont en augmentation constante depuis 10 ans (avec une augmentation de 40% entre 2007 et 2012 par exemple).
Le système public est financé grâce aux revenus du gouvernement, donc en partie grâce aux impôts directs prélevés au près des contribuables (il s’agit d’une fiscalité modérée, qui est plafonnée à 15% du revenu brut pour les individus et à 16,5% des bénéfices pour les sociétés). Le gouvernement de Hong Kong ne dispose pas d’un régime d’assurance sociale. Les soins délivrés dans le secteur privé sont financés par les compagnies d’assurance privées. Le marché des assurances santé individuelle privées à Hong Kong est relativement récent. Il croît rapidement depuis les années 2000. En 2008, environ 34% de la population était couvert par une assurance privée (individuelle ou professionnelle), aujourd’hui ce chiffre se situe autour de 43% [http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-systemes-de-sante-en-chine-hong-kong-une-exception-ou-un-exemple-464580.html] (en France, environ 95% de la population serait couverte par une complémentaire santé [http://www.irdes.fr/EspaceEnseignement/ChiffresGraphiques/CouvertureComplementaire/DonneesGnles.html]). Les tarifs des assurances santé (les « premiums ») sont en augmentation, et selon un rapport du courtier Pacific Prime (2016), les prix à Hong Kong arrivent en deuxième position après les Etats-Unis (sur une liste qui classe 95 pays). Il reste donc une part importante des dépenses de santé qui sont prises en charge par les patients eux-mêmes (36% contre 16% aux Etats-Unis ou 11% au Royaume Uni) [https://www.pacificprime.com/assets/pdf/COHI2016_HK24_Final.pdf].
Les défis à relever
Les délais d’attente
La critique la plus récurrente concernant le système de santé hongkongais concerne les délais d’attente dans le service public et ses hôpitaux débordés. Il faut compter plusieurs dizaines de mois d’attente pour plusieurs opérations chirurgicales : de 8 à 30 mois pour une opération de la cataracte [https://www.ha.org.hk/visitor/ha_visitor_text_index.asp?Parent_ID=214172&Content_ID=214184], 11 à 90 mois pour la pose d’une prothèse de genou. Le classement des patients par ordre de priorité est inévitable car la demande associée à une population de plus en plus âgée dépasse l’offre des services que le secteur public peut fournir. Les maternités publiques sont également touchées par la surcharge des hôpitaux, et des voix s’élèvent pour critiquer le déséquilibre des capacités d’accueil entre les différents clusters qui peut engendrer des erreurs fatales. Ainsi le Prince of Wales Hospital compte 28 obstétriciens et gynécologues pour plus de 6 000 naissances par an, quand le Queen Mary Hospital en compte 28 avec un peu moins de 4 000 naissances par an [http://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/2080285/let-mothers-pick-hospital-says-hong-kong-woman-who].
Le manque de personnel est un autre facteur qui pèse sur l’accès aux soins dans le secteur public. Du fait de l’attrait du privé chez les jeunes diplômés, il manque de façon récurrente environ 250 médecins dans les hôpitaux publics d’après le ministre de la santé dans une interview au South China Morning Post de 2015 [http://www.scmp.com/news/hong-kong/article/1728880/plan-increase-medical-school-places-beat-chronic-doctor-shortage]. Un rapport du gouvernement montrait qu’il faudrait créer près de 6 200 postes de médecin supplémentaires d’ici 2041 pour maintenir un niveau de service équivalent à celui d’aujourd’hui. Après plusieurs années de diminution, le gouvernement de Hong Kong a donc ré-augmenté le nombre de places disponibles (420 d’ici 2018) dans les deux facultés de médecine (The University of Hong Kong, et la Chinese University of Hong Kong). La Hospital Authority a également reculé l’âge de départ de la retraite de ses employés de 60 à 65 ans en juin 2015 [http://www.fhb.gov.hk/download/committees/harsc/report/en_chapter9.pdf]. Les médecins formés à l’étranger peuvent exercer dans les hôpitaux publics avec une licence temporaire renouvelable annuellement par le Conseil médical. Pour obtenir une licence permanente, il faut passer un examen et participer à un stage de 12 mois. Face à ces contraintes, il existe très peu de médecins diplômés à l’étranger dans les hôpitaux hongkongais [http://www.scmp.com/news/hong-kong/article/1620172/foreign-doctors-quit-hong-kong-public-hospitals-over-licence-red-tape].
La Hospital Authority a annoncé dans son discours annuel de 2016 un grand plan de développement sur 10 ans [http://www.ha.org.hk/haho/ho/snp/v3/10%20Year%20HDP_FINAL.pdf] dont le principal objectif est d’améliorer le problème de la saturation des établissements publics. Parmi les différents projets, 11 hôpitaux vont être restructurés ou agrandis, et surtout, un nouvel hôpital est en cours de construction à Kai Tak (Kowloon). Il aura une capacité de 2 400 lits et proposera plusieurs grands services de médecine ambulatoire (dont un centre d’oncologie). Au total, ce plan doit permettre de créer 5 000 lits supplémentaires dans les hôpitaux, augmenter la capacité des cliniques publiques de médecine générale à 430 000 patients par an, et celle des cliniques de médecine spécialisée à 2,8 millions de patients par an.
Le vieillissement de la population
Hong Kong fait comme bien d’autres pays face à un vieillissement démographique. En 1993, 9% de la population était âgé de 65 et plus, 15% en 2016, et les projections anticipent une proportion de 26% en 2031, et 30% en 2041. La demande de soins augmente donc en conséquence. Environ 2 300 lits supplémentaires dans les hôpitaux publics seront nécessaires en 2021, 8 800 en 2031 [http://www.fhb.gov.hk/download/committees/harsc/report/en_chapter3.pdf].
L’augmentation des dépenses du gouvernement et la régulation du « Dual-track system »
Avec les avancées technologiques et l’amélioration des outils médicaux, le budget de la santé ne peut qu’augmenter. L’évolution du mode de vie entraîne également des soins plus longs et plus coûteux pour les finances publiques (maladies non transmissibles comme les cancers, le diabète, les maladies cardiovasculaires…). Des questions sont posées sur les capacités de financement à long terme du système de santé publique. Le gouvernement de la région administrative spéciale s’efforce de maintenir et de renforcer la participation du secteur privé dans la santé de la population pour répondre plus rapidement aux besoins. La Hospital Authority a ainsi mis en place des partenariats public/privé (PPP) à tous les niveaux de soins (primaires, secondaires, tertiaires) [http://www3.ha.org.hk/ppp/homepage.aspx?lang=eng], [http://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/1923506/hong-kong-government-tells-patients-use-private].
Un enjeu aujourd’hui est de pouvoir continuer à inciter la population qui le peut à utiliser le système privé tout en parvenant à encadrer les pratiques du marché des assurances santé privées, principalement améliorer la transparence des prix. Une action récente visant à favoriser les interactions entre les deux systèmes est la mise en place de dossiers médicaux électroniques pour optimiser le suivi des patients et augmenter l’efficacité du système de santé en général (« ehealth », electronic health record sharing system) [http://www.ehealth.gov.hk/en/home/index.html]. Lancé en mars 2016, ce système n’en est qu’à ses débuts.
Un modèle difficile à réformer
La réforme du financement du système de santé hongkongais fait régulièrement l’objet de propositions de réforme, mais elles n’obtiennent jusque là pas le soutien majoritaire de la population, des professionnels de santé et des législateurs.
Le « cross border care »
La différence d’égalité dans l’accès aux soins entre la Chine continentale et Hong Kong entraîne un afflux de « touristes médicaux ». Suivant les sources, entre 10 et 20% des patients des hôpitaux publics viendraient de Chine continentale. De même, les maternités hongkongaises ont pendant plusieurs années accueilli des mères du continent, mais face à l’agacement de la population, une interdiction totale d’accoucher dans les hôpitaux publics a été promulguée en 2012 par le gouvernement [http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-systemes-de-sante-en-chine-hong-kong-une-exception-ou-un-exemple-464580.html].
Un point faible de la santé à Hong Kong : la santé mentale
Hong Kong souffre d’un manque chronique de praticiens dans le domaine de la psychiatrie. Le rapport le plus récent de la Hospital Authority estime qu’environ 1,7 millions de hongkongais sont affectés par différents types de troubles mentaux, dont entre 70 000 et 200 000 souffrent de maladies graves [http://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/1912457/breaking-point-hong-kongs-overburdened-mental]. Le nombre des consultations dans les hôpitaux et cliniques publics est en augmentation, et les listes d’attente pour cette spécialité sont les plus longues du secteur public. Environ 330 psychiatres exercent dans le public, et le ratio médecin-population en général est faible : 4,5 psychiatres pour 100 000 habitants (environ 23 pour 100 000 en France).
Rédacteur : Gabriel BENET, Chargé de mission scientifique – Hong Kong