Une nouvelle méthode pour contrôler la population de moustiques a presque permis l’éradication d’Aedes albopictus lors d’une expérimentation de terrain
Brève
Chine
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
7 octobre 2019
Les chercheurs ont combiné une technique de stérilisation avec l’injection d’une souche bactérienne dans une tentative d’éradiquer le moustique tigre asiatique.
A l’origine de plus de 725 000 décès chaque année, le moustique tigre est l’un des animaux les plus dangereux au monde. Ce moustique véhicule plusieurs maladies mortelles telles que le paludisme, la fièvre jaune, le Chikungunya ou le virus Zika.
Une équipe composée de chercheurs de l’université de Sun Yat-Sen et du Michigan (Sun Yat-Sen University-Michigan State University Joint Center of Vector Control for Tropical Disease) ont pour ainsi dire, presque décimé la population de moustique tigre asiatique (Aedes albopictus) sur deux îles chinoises de la ville de Guangzhou. Ils sont parvenus à réduire la population d’A. albopictus de 94% en combinant pour la première fois deux techniques de contrôle prometteuses.
La première technique consiste à infecter des moustiques de laboratoire avec une souche bactérienne de Wolbachia qui la capacité de compromettre les aptitudes des insectes à se reproduire et à transmettre des virus pathogènes tels que la dengue ou Zika. Cette souche bactérienne est naturellement présente chez plusieurs espèces d’insectes, dont A. albopictus. Lorsque les moustiques mâles infectés par une certaine combinaison de Wolbachia s’accouplent avec des femelles sauvages porteuses d’une autre combinaison de Wolbachia, ils ne peuvent pas générer de descendance.
La difficulté de cette première approche consiste à ne libérer que les moustiques mâles infectés avec la bonne combinaison de bactéries. Si des femelles porteuses de la même combinaison sont également libérées, elles pourront se reproduire avec les mâles relâchés et produiront à terme une progéniture qui remplacera la population locale. D’ordinaire, les structures d’élevage de moustiques réalisent une séparation mécanique puis manuelle des genres en se basant sur la différence de taille. Toutefois, c’est une tâche fastidieuse et chronophage qui a pour principal impact de limiter le nombre de moustiques pouvant être relâchés.
Les populations sauvages d’A. albopictus locales sont naturellement infectées avec deux souches de Wolbachia. Les chercheurs ont infecté les moustiques avec une troisième souche avant de les exposer à de faibles niveaux de radiation qui rend stérile les moustiques femelles mais ne compromet que légèrement l’habilité des mâles à se reproduire.
Les chercheurs ont ensuite relâché plus de 160 000 moustiques modifiés par hectare chaque semaine en 2016 et 2017 au sein des zones résidentielles de deux îles de la rivière à Guangzhou – ville détenant le taux record de transmission de la malaria en Chine.
En surveillant la population de moustiques, ils ont pu constater de fortes décroissances annuelles de la population de moustique femelle, responsable de la transmission des maladies (83 et 94% en 2016 et 2017). D’après le Pr. Xi Zhiyong, directeur de l’étude : « Le succès de cet essai de terrain a démontré que cette technique pourrait être utilisée pour établir une zone protégée des pathologies transmises par les moustiques. » Les résultats de l’expérimentation ont été publiés dans Nature le 17 juillet.
« Passer la technique à l’échelle supérieure en la transformant en une stratégie de Santé publique applicable sur de larges régions reste un véritable challenge », modère Gordana Rašić, écologiste moléculaire à l’Institut de recherche médicale QIMR Berghofer (Institut de recherche australien spécialisé dans l’étude des pathologies tropicales). L’étude a de plus nécessité une large quantité de ressources financière et humaines et la relâche d’une quantité astronomique de moustiques traités sur une zone délimitée.
Pour quelques spécialistes dont le biologiste Brian Lovett, cette nouvelle technique est n’est valable qu’à court terme : « Il faut la répéter continuellement. Sinon, la population peut se rétablir rapidement. Et c’est exactement ce qui s’est produit : la maturation de jeunes larves et l’arrivée de moustiques extérieurs a permis de remplacer les moustiques décimés. Cette nouvelle méthode va requérir une surveillance constante et un budget conséquent », a-t-il ajouté.
Selon les chercheurs responsables de l’étude, les coûts diminueront avec les progrès réalisés sur le terrain. Ils estiment pouvoir atteindre un prix situé entre 84 et 132 $ par hectare de terrain. « Ce qui revient moins cher que beaucoup d’insecticides auxquels les moustiques sont de plus en plus résistants », a affirmé le Pr. Xi. Son équipe se prépare désormais à un nouveau projet de terrain dans une zone quatre fois plus grande que la précédente.
Sources :
http://www.xinhuanet.com/english/2019-07/29/c_138267021.htm
https://www.nature.com/articles/d41586-019-02160-z
Rédaction : Sarah Maesen, adjointe à l’attaché pour la science et la technologie au consulat de Shanghai