Tu Youyou, prix Nobel de médecine, propose de nouvelles solutions pour résoudre les problèmes de résistance rencontrés par les traitements anti-malaria

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Chine

Brève
Chine | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
21 août 2019

La prix Nobel a annoncé lundi 17 juin, que son équipe proposait de nouvelles pistes pour combattre la résistance à l’artémisinine soutenant que cette dernière reste le meilleur traitement pour combattre la malaria, l’une des maladies infectieuse les plus dangereuses au monde.

Tu Youyou, a obtenu le Prix Nobel de médecine en 2015, pour ses travaux contre le paludisme. Sa récompense fut le résultat direct de la mise en évidence des vertus antipaludiques d’un des composés de l’armoise annuelle (Qinhao en chinois). La Qinhao, issue de la pharmacopée chinoise, était déjà utilisée il y a plus de 2000 ans pour traiter les maladies infectieuses. Cette plante contient l’artémisinine, une molécule capable d’éliminer le parasite à l’origine de la malaria, Plasmodium falciparum.

Le traitement de combinaison à base d’artémisinine (Artemisinin-based combination therapy, ACT) qui en a découlé est toujours recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé comme traitement de première ligne pour la lutte contre la malaria. L’équipe dirigée par le Pr. Tu a ensuite concentré ses recherches sur le traitement anti-malaria démontrant avec succès que la résistance partielle du parasite à l’artémisinine pouvait retarder la disparition de ce dernier dans le sang.

Bien qu’ayant aujourd’hui 89 ans, Tu Youyou explique que Plasmodium est capable d’entrer dans un état de dormance durant la période qui couvre jusqu’aux trois jours de l’ACT et au cours de laquelle le parasite développe également une résistance au traitement. D’après ses travaux, une extension de la durée du traitement sur une période de 5 à 7 jours, pourrait résoudre le problème. Elle souligne également que les aptitudes de résistance observées chez le parasite sont souvent liées aux excipients utilisé mais qui contrairement à l’artémisinine peuvent être remplacés ; Par exemple, une combinaison du DHA et de la piperaquine peut se substituer aux molécules de mefloquine et d’arsunate habituellement utilisées. Les résultats de ces recherches ont été publiés en Avril dans le New England Journal of Medecine (NEJM).

D’après les autorités chinoises aucun cas de malaria n’a été reporté en Chine depuis 2017 indiquant que l’épidémie semble y avoir été éradiquée. La Chine a malgré tout continué ses recherches sur la prévention et le contrôle de la malaria qui tue encore 400 000 personnes chaque année, afin de compléter son arsenal médicamenteux. « Le contrôle global de la malaria s’inscrit dans l’impulsion donnée par le gouvernement chinois pour construire une communauté partageant l’avenir de l’humanité » a déclaré à ce propos le Dr. Pedro L. Alonso, directeur du programme mondial de lutte antipaludique de l’OMS à Genève. « Les travaux de recherche menés par Tu Youyou sur la lutte contre la malaria sont à la fois révolutionnaires, remarquables et incommensurables ».

D’après Wang Jigang, un des membres de l’équipe scientifique de Tu Youyou et de l’Académie des Sciences chinoise, l’idée de prolonger le traitement de quelques jours était conséquente à la découverte que l’artémisinine s’attaquait efficacement au parasite durant quelques heures seulement alors que le traitement ACT complet prend trois journées complètes. « Les souches résistantes à l’artémisinine ont ainsi été sélectionnées et une altération de leur cycle de vie leur a permis d’entrer dans un état de dormance qui les protège du traitement » a-t-il expliqué au South China Morning Post.

Néanmoins, plusieurs experts de la malaria dont Tang Linhua, membre du comité chinois pour l’élimination de la malaria, soutenu par la Commission nationale pour la Santé, ont déclaré que cette découverte qualifiée de rupture s’apparentait plutôt à un premier pas dans la bonne direction. La résistance à l’artémisinine est un sujet de recherche clé mondial dans lequel personne n’a encore réalisé de progrès majeurs. « Mon équipe s’est consacrée depuis dix ans à cette problématique dans une zone de la province du Yunnan, en bordure du Laos et du Myanmar et notre conclusion a été la même que celle du Pr. Tu et de son équipe » a-t-il exposé. « Je crois que les récentes découvertes de Tu Youyou, sont un premier pas vers la compréhension du processus de résistance de Plasmodium. Mais il reste encore beaucoup d’inconnues à ce sujet, telles que les différentes causes directes - protéine ou gène - de l’apparition et de l’évolution de la résistance [du parasite] à l’artémisinine. »

Il a également ajouté que les patients ingérant des doses excessives et irrégulières du médicament étaient susceptibles de développer plus facilement une certaine résistance au traitement. « Nous savons que beaucoup de personnes, même non atteintes de la malaria, prennent de l’artémisinine comme traitement préventif. »
Au cours de ses trois dernières années de recherche, le Pr. Tu a également pu mettre en évidence l’effet bénéfique de l’artémisinine pour traiter le lupus (Lupus Erythematous). En collaborant avec quinze instituts de recherche internationaux, son équipe a pu lancer des essais cliniques en mai 2018. Jusqu’ici, seulement 14 des 500 patients volontaires ont été guéris par la nouvelle thérapie. Toutefois, aucun effet négatif n’a été observé. La troisième phase de l’essai clinique a été validée par les autorités chinoises qui espère pouvoir approuver ce nouveau traitement définitivement d’ici 2026.

Les recherches du Pr. Tu sont pleinement supportées par le gouvernement chinois qui en a fait le fer de lance de sa campagne de promotion de la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Les travaux menés sur l’artémisinine ont permis à cette médecine de bénéficier d’une meilleure attention et même de se voir consacrer un chapitre dans la 6ème édition du Oxford Medical Textbook. Aujourd’hui encore, le principal défi de la MTC réside dans l’absence d’études scientifiques démontrant l’efficacité de ses traitements, clé nécessaire à leur entrée sur les marchés pharmaceutiques mondiaux. D’après Liao Fulong, chercheur dans l’équipe Tu La, la promotion de la MTC fait partie des priorités nationales de la Chine qui encourage fortement la mise en place d’étude sur ce sujet afin que les entreprises pharmaceutiques puissent obtenir la certification et l’approbation de l’OMS.

Source :

http://www.xinhuanet.com/english/2019-06/17/c_138150162.htm
https://www.scmp.com/news/china/science/article/3014917/chinese-scientists-may-have-found-way-tackle-resistance-malaria
http://www.ecns.cn/news/sci-tech/2019-06-17/detail-ifzkezvn2344997.shtml
https://www.shine.cn/news/nation/1906186845/
https://www.shine.cn/news/nation/1906176777/
http://www.ecns.cn/news/2019-06-17/detail-ifzkezvn2344815.shtml
http://www.chinadaily.com.cn/a/201906/17/WS5d06dfe3a3103dbf143287fe.html

Rédaction : Sarah Maesen, adjointe à l’attaché pour la science et la technologie au consulat de Shanghai, sarah.maesen[at]diplomatie.gouv.fr