Tri des déchets ménagers en Chine

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Chine

Brève
Chine | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
7 août 2019

Le 19 juillet 2017, la Chine a annoncé à l’Organisation Mondiale du Commerce qu’elle n’accepterait plus dès début 2018 24 catégories de déchets solides, ce qui a engendré en vent de panique dans la filière mondiale du recyclage.

En effet, l’Union Européenne exportait en 2017 50% de ses déchets en Chine. Cette décision s’inscrit en lien avec la volonté de la Chine de renforcer la protection de son environnement, le commerce des différents déchets, en particulier des déchets dangereux, contribuant à la pollution de l’air, des sols et de l’eau. Mais quel est le fonctionnement en Chine du tri des déchets et en particulier celui du tri des déchets ménagers ?

Historique du tri des déchets ménagers en Chine

Les réglementations concernant le recyclage sont majoritairement décidées par ville ou par province, cependant certaines réglementations sont à l’échelle nationale.

  • Le premier plan sur le recyclage en Chine a été promulgué en 2000 et concernait 8 villes dont Pékin, Shanghai et Shenzhen ;
  • En mars 2017, la NDRC (National Development and Reform Commission) et le MOHURD (Ministry of Housing and Urban-Rural Development) ont publié la directive "The Implementation Plan of Garbage Sorting" qui prévoit que 46 villes* doivent imposer un recyclage obligatoire des déchets. L’objectif fixé est d’obtenir 35% de recyclage d’ici 2020. Pour mettre en œuvre ce plan, le tri des déchets doit être institutionnalisé et les habitants doivent être formés au recyclage.

Mise en œuvre du tri en Chine

En Chine, environ 210 million de tonnes de déchets ménagers ont été produites en 2017 (avec 22 000 tonnes et 26 000 tonnes de déchets produites par jour pour respectivement Shanghai et Pékin) et ce chiffre pourrait atteindre 500 million de tonnes en 2030. En 2018, environ 40% des déchets collectés étaient mis en décharge, le complément étant majoritairement incinéré.
Actuellement, les chinois trient peu leurs déchets pour différentes raisons :

  • Manque d’habitude de ce type de pratique, ce qui est souvent lié à l’absence même de poubelles de recyclage ;
  • De plus, même s’il existe des possibilités de tri, celui-ci est souvent mal ou non effectué, soit par manque de connaissance des pratiques à mettre en œuvre pour trier, soit en raison d’une non prise en compte des consignes de tri. Par ailleurs, le contenu des différents types de poubelles est souvent réuni à postériori lors de la collecte par les services municipaux, ce qui n’incite pas les habitants à trier.
    Selon une enquête menée auprès de 1 300 personnes par « Policy Research Center for Environment and Economy » sous la tutelle du MEE (Ministry of Ecology and Environment), seulement 30% de personnes interrogées pensent savoir trier leurs déchets alors que 90% des personnes sondées sont conscientes de l’importance du recyclage pour la protection de l’environnement. La livraison à domicile est aussi en plein essor en Chine, produisant en un an la même quantité de déchets que la ville de Philadelphie. Or, selon un sondage du quotidien d’état Global Times, 71,6% des personnes interrogées sur ce type de consommation ne sont pas conscientes des conséquences environnementales qui en sont induites.

Une des problématiques majeure pour le tri des déchets ménagers est donc de réussir à former et changer les habitudes des chinois concernant le tri. Différentes méthodes ont donc été déployées dans les villes chinoises comme à Xiamen où le tri des déchets est enseigné à l’école primaire. A Shanghai différentes mesures sont mises en œuvre :

  • Depuis mi-juin 2018, dans quelques districts de la ville, des volontaires et employés municipaux aident les habitants à trier leurs déchets. Une fois le tri effectué, l’habitant reçoit des points qui pourront par la suite être convertis en yuans pour acheter des produits ménagers ;
  • L’installation de 4 types de poubelles : déchets humides (nourriture), déchets secs (résiduels), déchets toxiques et déchets recyclables, couplée à un système d’amendes allant de 50 à 200 yuans (environ 25€) pour les particuliers qui ne recyclent pas correctement. Cependant, ce système est complexe à mettre en place car difficile à contrôler. Par ailleurs, un des objectifs est de limiter les déchets à la source en interdisant par exemple aux hôtels de fournir des chaussons et bonnets de douches jetables ou en incitant les acteurs de la livraison à domicile à ne plus fournir systématiquement de baguettes et fourchettes jetables (loi adoptée le 31 janvier 2019 qui a pris effet le 1 juillet 2019). Depuis l’entrée en vigueur de la loi, quelques 30 000 volontaires ont été déployés pour superviser la séparation des ordures.

L’entrée en vigueur de ces réglementations à Shanghai a aussi entrainé l’essor de nombreuses start-ups et applications mobiles. Des start-ups proposent des applications mobiles allant de l’aide au tri à l’envoi de personnel au domicile pour faire le tri et sortir des déchets. Dans d’autres villes, il existe aussi des poubelles « intelligentes » qui permettent aux habitants de gagner de l’argent quand ils recyclent les déchets. La somme d’argent perçue est calculée en fonction du poids et du type de déchet (métal, papier…) déposé.

La Chine possède par ailleurs un système unique de recyclage : les collecteurs. Il est estimé que le nombre de collecteurs est d’environ 160 000 pour Pékin, et 10 million pour la Chine. Des matériaux de toute catégorie (plastiques, métaux…) sont ainsi collectés et recyclés. Cependant ce recyclage dans des conditions précaires n’est pas toujours vertueux, car il est souvent réalisé sans considération des régulations. Par exemple, une méthode employée pour le recyclage de câbles électriques consiste à en brûler la gaine en plastique afin de récupérer les métaux. Un des enjeux du recyclage en Chine est de reconnaitre et d’intégrer ces pratiques dans un système de recyclage plus vertueux et conscient des problématiques environnementales.

* : Pékin, Tianjin, Shanghai, Chongqing, Shijiazhuang, Handan, Taiyuan, Hohhot, Shenyang, Dalian, Changchun, Harbin, Nanjing, Suzhou, Hangzhou, Ningbo, Hefei, Tongling, Fuzhou, Xiamen, Nanchang, Yichun, Zhengzhou, Jinan,Taian, Qingdao, Wuhan, Yichang, Changsha, Guangzhou (Canton), Shenzhen, Nanning, Haïkou, Chengdu, Guangyuan, Deyang, Guiyang, Kunming, Lhassa, Shigatse, Xi’an, Xianyang, Lanzhou, Xining, Yinchuan, Urumqi

Pour plus d’informations :
China Focus : China endeavors to embrace waste sorting as new lifestyle, Xinhuanet
China’s Efforts to Promote Garbage-Sorting Have Gone to Waste, Caixin
Shanghai’s new regulation on domestic garbage to take effect on July 1, China Daily
Beijing struggling to contain its growing garbage problem, SCMP
’A sort of eco-dictatorship’ : Shanghai grapples with strict new recycling laws, The Guardian
Food Delivery Apps Are Drowning China in Plastic, The New York Times
A Shanghaï, des volontaires aident au tri des ordures à la source, Le Monde
Économie, environnement et travail en Chine. Le cas du recyclage informel à Pékin. Gaspard Brun, Monde Chinois, Nouvelle Asie, N°56, 2018

Rédaction :
Marie-Laure Tarot, chargée de mission au service pour la science et la technologie de l’ambassade de France à Pékin, marie-laure.tarot[at]diplomatie.gouv.fr