Le « super riz » en question
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Chine
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Agronomie et alimentation
16 juin 2015
Des rendements exceptionnels, une résistance accrue face aux ravageurs, une tolérance au stress renforcée… C’est la promesse des souches de riz hybrides du professeur Yuan Longping, surnommé le « maître du riz », dont les variétés recouvrent aujourd’hui 17 millions d’hectares en Chine et le double à l’étranger. Mais les récoltes désastreuses dans la province de l’Anhui en octobre 2014 (650 ha concernés) remettent en question le brillant avenir du « super riz » chinois : devant l’ampleur du phénomène, le ministère de l’agriculture chinois prend en charge le lancement d’un vaste programme de recherche avec pour objectif à très court terme d’améliorer la capacité d’adaptation et de résistance des cultures hybrides aux maladies fongiques.
Des rendements exceptionnels, une résistance accrue face aux ravageurs, une tolérance au stress renforcée… et le tout sans avoir recours aux OGM ! C’est la promesse des variétés de riz hybrides du professeur Yuan Longping, titulaire à l’université agricole de Changsha dans le Hunan, membre de l’Académie d’ingénierie de Chine et directeur général du centre national de recherche et développement pour le riz hybride. Lui et son équipe travaillent en effet depuis le début des années 70 à l’élaboration de nouvelles souches de « super riz », uniquement issues des technologies de sélection variétale. Depuis le lancement des premières variétés en 1974, le professeur et son équipe enchaînent les succès : dès les années 80, les rendements de ces nouvelles variétés de riz augmentent significativement de 15 à 20%. À l’heure actuelle, 17 millions d’hectares de riz hybride sont plantés en Chine, soit 58% des champs de riz du pays, et le rendement moyen a atteint 6,7 tonnes par hectare en 2012, soit 2,7 tonnes de plus que le rendement unitaire mondial. La réputation du « super riz » chinois dépasse aujourd’hui ses frontières et ces nouvelles variétés commencent même à être considérées au niveau international comme une solution aux crises alimentaires qui menacent quelque 600 millions d’habitants de la zone Asie-Pacifique. Un parcours jusqu’à aujourd’hui sans faute, qui a valu au « père du riz hybride » plusieurs récompenses scientifiques nationales et internationales : il remporte le prix Wolf de la fondation World Food en 2004 (équivalent du Nobel pour l’agriculture et l’alimentation), est décoré de l’insigne de chevalier de l’ordre du Mérite agricole français en 2010 et est nominé pour le prix de la paix Confucius en 2011.
Une espèce hybride issue de la sélection variétale
Dans les années 70, Yuan Longping croise des espèces domestiquées avec des souches sauvages dont l’organe mâle est stérile, grâce aux techniques classiques d’hybridation par fertilisation croisée de deux lignées parentales. Par sélection des plants fils, il a ainsi pu sur ou sous-exprimer des caractères spécifiques tels que le rendement, la résistance (au froid, à la sècheresse, aux insectes…), ou même la valeur nutritive. Seul bémol de cette technique : les variétés obtenues, bien que plus productives que les variétés de base, sont stériles et doivent donc être reproduites en laboratoire chaque année.
Dans le cas du super riz chinois, les critères de sélection variétale ont en premier lieu porté sur l’accroissement quantitatif des rendements : diminution de la taille des pieds, de la sensibilité à la verse, de la fragilité des tiges et du tallage abondant et peu fertile. Par la suite sont considérés l’amélioration de l’indice de récolte et la diminution de la durée du cycle (de 150-160 jours à 110 jours en 1976), qui permet une double voire une triple culture. A partir des années 90, Yuan Longping oriente ses recherches vers la résistance aux insectes et aux ravageurs, avec un objectif de stabilisation des rendements. Pour finir, il s’attache dans les années 2000 à l’amélioration de la qualité du grain : format, arôme, comportement à la cuisson sont dorénavant fixés par des normes, ce qui permet une diversification des semences selon la demande.
Du rêve à la réalité : de nouveaux défis agronomiques en perspective
Bien avant le succès mondial du riz hybride, ses détracteurs (dont le chercheur Li Changping par exemple, également secrétaire général de la province du Hubei concernée par ces cultures) dénoncent ses besoins accrus en engrais, son mauvais goût par rapport aux variétés traditionnelles, sa faible résistance aux crues et aux tempêtes, et surtout la dépendance du paysan envers des semences qu’il doit acheter à chaque cycle agricole. Jusqu’à aujourd’hui, les rendements exceptionnels du riz hybride faisaient figure d’argument d’autorité ; mais les récoltes désastreuses dans la province de l’Anhui en octobre 2014 (650 ha concernés) remettent en question le brillant avenir du super riz chinois.
La société dirigée par Yuan Longping, Yuan Longping High-Tech Agriculture Co Ltd, est aujourd’hui mise en cause pour avoir commercialisé une variété de riz hybride « Liangyou 0293 » à faible résistance fongique à la pyriculariose, ce qui a provoqué la chute des rendements ou même une absence totale de récoltes dans certaines régions de la province.
Mais au-delà des enjeux industriels, c’est la technologie du super riz elle-même qui est remise en question : devant l’ampleur du phénomène en Chine, le ministre de l’agriculture est lui-même intervenu pour lancer un programme de recherche, avec pour objectif à très court terme d’améliorer la capacité d’adaptation et de résistance des cultures de souches hybrides aux maladies fongiques. Responsable du programme, Yuan Longping aura accès aux ressources génétiques nationales afin de bénéficier du spectre le plus large de résistances fongiques. La sélection s’effectuera sur les plants obtenus lors du croisement dans des serres de phénotypage à forte pression de pyriculariose, dans lesquelles plus de 95 % des semis se révèlent sensibles à la maladie et décèdent.
Tous les hybrides obtenus seront systématiquement évalués, sur plusieurs sites d’essais répartis le territoire, en situation de pression parasitaire et pathologique fortes. Cette méthode d’évaluation très discriminante permettra de sélectionner des lignées puis des hybrides de plus haut niveau de tolérance à la pyriculariose.
Non seulement la Chine, mais également les 95 autres pays du monde ayant adopté les nouvelles variétés de riz hybrides, suivront de très près les résultats de cette étude dans les mois à venir.
Sources
http://www.isias.lautre.net/spip.php?article209
http://fr.wikipedia.org/wiki/Yuan_Longping
http://fr.ntdtv.com/ntdtv_fra/actualite/2011-11-28/761739621610.html
Rédacteur
Amélie Guiot-Zimmermann, amelie.guiot-zimmermann chez diplomatie.gouv.fr