Une étude dévoile le secret d’une souche commune du VIH

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Canada | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
27 octobre 2016

La découverte que la variante la plus commune du virus VIH est aussi la plus faible aidera les médecins à mieux traiter les millions de personnes dans le monde qui souffrent de cette maladie mortelle, selon l’un des meilleurs chercheurs au monde dans le domaine du VIH / Sida.

« Le VIH est parmi les virus qui infectent notre population humaine un de ceux qui présente le plus de formes différentes », indique Eric Arts, professeur de microbiologie et d’immunologie ,chaire de recherche du Canada sur la pathogénèse du VIH et le contrôle viral. « Nous avons besoin de savoir comment traiter ces patients et comment ils réagissent au traitement quand ils sont infectés. C’est l’un des aspects les plus difficiles à gérer pour nous en termes de développement d’un vaccin - le fait d’avoir tant de souches différentes. »

Le VIH - ou Virus d’Immunodéficience Humaine - attaque et détruit les cellules qui combattent l’infection dans notre système immunitaire. Sans traitement, le VIH détruit progressivement le système immunitaire et progresse en SIDA - ou Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise. Le sida est le stade le plus avancé de l’infection par le VIH.

Selon les Nations Unies, il y avait environ 36,7 millions de personnes dans le monde vivant avec le VIH / sida à la fin de 2015. Parmi ceux-ci, 1,8 million étaient des enfants de moins de 15 ans. On estime que 2,1 millions de personnes dans le monde ont été infectées par le VIH en 2015 ; ce nombre comprend 150.000 enfants qui vivent principalement en Afrique sub-saharienne et qui ont été infectés par leurs mères séropositives pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement.

La majorité des personnes vivant avec le virus sont infectées par des souches VIH ne se trouvant pas en Amérique du Nord ou en Europe, explique le Dr. Arts, et, en conséquence, les chercheurs en savent moins sur elles.

Dans un projet de recherche commencé il y a près de 15 ans lorsqu’il travaillait à l’Université Case Western Reserve (Ohio), le Dr. Arts a exploré comment les différentes souches du virus VIH se propageaient dans le corps. Il a cherché des différences dans les souches et étudié la manière dont ces différences pourraient avoir un impact sur le traitement.

Le VIH est une maladie complexe et diversifiée, souligne le Dr. Arts.

« Ce n’est pas un virus infectant 33 millions de personnes mais bien 33 millions de personnes infectées avec 33 millions de types de virus. Nous ne pouvons plus le considérer comme une seule souche. Nous devons nous pencher sur les différences qui existent. »

Le VIH de type 1 (VIH-1) et le VIH de type 2 (VIH-2) sont deux virus distincts. En général, quand les gens parlent du VIH, ils font référence au VIH-1. Le VIH-2 est relativement rare en dehors de l’Afrique occidentale. Les souches de VIH-1 sont classées en quatre groupes - Groupe M, N, O et P. Parmi eux, le groupe M - ou « Major » - est responsable de la majorité des cas de VIH dans le monde.

Au sein du Groupe M, il y a neuf sous-types génétiquement distincts - A, B, C, D, F, G, H, J et K. Le sous-type dominant dans les Amériques, en Europe occidentale et en Australasie est le sous-type B. En conséquence, la majorité de la recherche clinique sur le VIH a été menée dans ces populations en dépit du fait qu’elles ne représentent que 10% des infections à VIH.

En revanche, une moindre recherche a été réalisée sur le sous-type C, bien qu’un peu moins de la moitié de toutes les personnes vivant avec le VIH présente ce sous-type. Ce sous-type est commun dans les pays d’Afrique australe, ainsi que dans la corne de l’Afrique et de l’Inde.

En testant environ 300 femmes au Zimbabwe, en Thaïlande et en Ouganda, nouvellement infectées par le VIH à partir du début des années 2000, le Dr. Arts et son équipe ont étudié le temps qu’il faut à la maladie de l’infection VIH au sida. Ils ont constaté que le sous-type C se répliquait mal et lentement chez les patients - ce qui lui vaut le surnom de « mauviette » parmi les autres sous-types.

Cette étude a été une occasion unique dans le monde de voir le mode d’évolution vers le sida et les raisons. Nous avons pu analyser la progression de la maladie jusqu’à ce qu’elle devienne le sida, qui correspond au début du traitement », a déclaré le Dr. Arts, notant que cette progression a pris de cinq à neuf ans.

À l’heure actuelle, une telle étude serait considérée comme contraire à l’éthique, a-t’il ajouté, sachant que le traitement commence maintenant beaucoup plus tôt pour les patients infectés par le VIH. Son équipe a été parmi les premiers à rendre le traitement disponible pour les patients atteints du sida, avant que tous les programmes de traitement n’arrivent en Afrique.

L’étudiant en Master Colin Venner, qui a assisté le Dr. Arts dans sa recherche, explique qu’ils vont tester la résistance du sous-type C en le mettant en présence d’autres sous-types, dans un environnement contrôlé en laboratoire.

« Nous ne disposons pas vraiment de moyen de visualiser directement ce qui se passe. Mais une fois que nous le sortirons, nous pourrons voir qui a « gagné » et, de fait, le sous-type C est appelé « mauviette », car il sera toujours réduit quasiment à zéro », a déclaré Venner. « Nous ne serons pas en mesure de trouver de sous-type C dans ces cultures dans la plupart des cas. Il est 100 à 1000 fois moins capable de se répliquer que d’autres souches de sous-type différent. »

Le sous-type C a explosé depuis le début des années 1990, ajoute Venner, conduisant beaucoup de personnes à conclure qu’il serait le sous-type de virus le plus fort. Cependant, le virus VIH se transmet généralement pendant la période où les patients ne présentent aucun symptôme et ne sont donc pas au courant de leur état. Un sous-type révélant lentement, comme sous-type C, est peut-être plus susceptible de se propager étant donné la longue période sans symptômes.

« Plus un patient est asymptomatique, plus il est probable qu’il le transmette ; c’est l’une des hypothèses sur laquelle nous travaillons en ce moment », déclare Venner.

Avec le sous-type C, souche dominante dans la population de VIH, les résultats du Dr. Arts pourraient bientôt avoir un impact sur des traitements potentiels pour les patients atteints du VIH.

« Connaître les différences de virulence (la capacité d’un micro-organisme à causer une maladie) de ces différents sous-types a un impact sur la façon dont on aborde les traitements médicamenteux et nous administrons des vaccins dans le monde entier », explique le Dr. Arts, ajoutant, malheureusement, qu’il n’y a toujours pas vaccin efficace dans la protection contre le VIH. « Mais, dans le traitement, si nous savons qu’un patient progresse très lentement vers la maladie et que le virus a un impact minimal sur le système immunitaire, toutes les conséquences dévastatrices de retard d’un traitement, comme nous l’avons vu en Amérique du Nord, peuvent ne pas être aussi prononcées chez les patients infectés par le Sous-type C. "

Ces traitements potentiels, cependant, ne sont pas sans susciter de débat éthique.

« Quand nous regardons les milliards de dollars dépensés par an pour traiter l’épidémie mondiale, nous pourrions avoir à déterminer des priorités : qui a besoin d’un traitement immédiatement et qui peut avoir un traitement retardé », souligne le Dr. Arts. « C’est très controversé, mais c’est quelque chose que nous devons prendre en compte »

Le Dr. Arts a mené cette étude avec des collaborateurs de l’Université de Western ; du laboratoire Case Western ; le Centre commun de recherche clinique à Kampala, en Ouganda ; de l’Université de Makerere à Kampala, en Ouganda ; de l’Université du Zimbabwe ; de Family Health International 360 ; et de l’Université d’Alabama à Birmingham.

En savoir plus :
Ebiomedicine 12 octobre 2016 : Infecting HIV-1 Subtype Predicts Disease Progression in Women of Sub-Saharan Africa
http://www.ebiomedicine.com/article/S2352-3964%2816%2930469-8/fulltext
DOI : http://dx.doi.org/10.1016/j.ebiom.2016.10.014

Source :
Western News- 13 octobre 2016
http://news.westernu.ca/2016/10/study-unlocks-secret-combating-common-hiv-strain/

Rédacteur :
Sophie DECAMPS – Chargée de Mission pour la Science et la Technologie à Toronto – sophie.decamps[a]diplomatie.gouv.fr