Nanoparticules adaptables et ciblage de la chimiothérapie

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Canada | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique | Médecine individualisée
26 février 2016

La chimiothérapie n’est pas censée faire tomber les cheveux - elle est censée tuer les cellules cancéreuses. Un nouveau système moléculaire d’administration des médicaments créé à l’Université de Toronto pourrait permettre aux molécules de la chimiothérapie d’arriver à leur cible tout en minimisant les dommages collatéraux.

La plupart des médicaments contre le cancer ciblent les cellules à croissance rapide. Injectés chez un patient, ils passent dans le sang et agissent sur toutes les cellules à croissance rapide qu’ils croisent. Cela inclut les tumeurs, mais également les follicules pileux, la muqueuse du système digestif, et la peau.

Le Professeur Warren Chan (IBBME, Université de Toronto) a passé la dernière décennie à chercher comment administrer des médicaments de chimiothérapie dans les tumeurs - et nulle part ailleurs. Son laboratoire a conçu un ensemble de nanoparticules attachées à des brins d’ADN qui peuvent changer de forme pour accéder à un tissu malade.

« Votre corps est essentiellement une série de compartiments », explique le Dr. Chan. « Pensez-y comme une maison géante avec pièces à l’intérieur. Nous essayons de comprendre comment faire entrer quelque chose d’extérieur dans une pièce spécifique. Il faut élaborer un plan et un système qui peut se déplacer dans la maison où chaque chemin menant à la salle finale peut avoir des restrictions telles que la hauteur et la largeur. »

Une chose est certaine à propos du cancer : il n’y a pas deux tumeurs identiques. Le cancer du sein au stade précoce, par exemple, peut réagir différemment du cancer du pancréas pour un traitement donné, ou même différemment du cancer du sein à un stade plus avancé. Le type de particules capable de pénétrer à l’intérieur d’une tumeur donnée dépend de plusieurs facteurs tels que la taille, la forme et de la chimie de surface de la particule.

Le Dr. Chan et son groupe de recherche ont étudié la façon dont ces facteurs dictent l’administration de petites molécules et des nanotechnologies sur les tumeurs, et ont conçu un système de distribution moléculaire ciblé qui utilise des nanoparticules modulaires dont la forme, la taille et la chimie peuvent être modifiées par la présence de séquences d’ADN spécifiques.

« Nous créons des nanoparticules de forme changeante » explique le Dr. Chan. « C’est une série de blocs de construction, un peu comme un jeu de LEGO. » Les pièces constitutives peuvent se présenter sous de nombreuses formes, avec des sites de liaison exposés ou cachés. Elles sont conçues pour réagir à des molécules biologiques en changeant de forme, à l’image d’une clé et d’une serrure.

Ces nanoparticules sont faites de morceaux minuscules de métal avec des brins d’ADN qui leur sont rattachés. Le Dr. Chan pense que les nanoparticules vont flotter de manière inoffensive dans la circulation sanguine, jusqu’à ce qu’un brin d’ADN se lie à une séquence d’ADN connue comme étant un marqueur du cancer. Lorsque cela se produit, les particules changent de forme, puis joue leur rôle : elles peuvent cibler les cellules cancéreuses, exposer une molécule de médicament à la cellule cancéreuse, marquer les cellules cancéreuses avec une molécule de signal, ou quelle que soit la fonction pour laquelle l’équipe du Dr. Chan a conçu la nanoparticule.

Ces travaux ont été publiés dans deux études clés dans le journal Proceedings of the National Academy of Science et la prestigieuse revue Science .

« On s’est inspiré de la capacité des protéines à modifier leur conformation. A partir de cette idée, nous avons pensé : Peut-on concevoir une nanoparticule qui fonctionne comme une protéine, mais qui puisse être programmée à l’extérieur du corps avec des capacités médicales ? »

Appliquer la science des matériaux et les nanotechnologies à la médecine, et en particulier à l’administration ciblée de médicaments, est encore un concept relativement nouveau, mais que le Dr. Chan considère comme plein de promesses. Le vrai problème est de savoir comment fournir assez des nanoparticules directement aux cellules cancéreuses pour produire un traitement efficace.

« Voici comment nous envisageons ces problèmes : c’est comme aller de Toronto à Vancouver, mais sans indication, carte, billet d’avion ou voiture - Voilà où nous en sommes dans ce domaine », explique-t-il. « Diriger des médicaments précisément vers les tumeurs est comparable à trouver son chemin jusqu’à Vancouver. C’est un concept simple, mais y arriver n’est pas si simple si l’on ne dispose pas d’informations suffisantes. »

« Nous commençons tout juste à comprendre comment la vectorisation par nanotechnologie fonctionne dans le corps humain. Nous continuons à étudier pourquoi et comment les tumeurs et d’autres organes autorisent ou bloquent l’accès à des éléments extérieurs », ajoute le Dr. Chan.

Son groupe de recherche prévoit d’appliquer le système d’administration qu’il a conçu à la nanomédecine personnalisée : adapter davantage leurs particules pour délivrer des médicaments à un type précis de tumeur, et seulement à la tumeur.

Pour en savoir plus :
PNAS : Tailoring nanoparticle designs to target cancer based on tumor pathophysiology
PNAS, published ahead of print, 16 Feb 2016, doi : 10.1073/pnas.1521265113
http://www.pnas.org/content/early/2016/02/11/1521265113.abstract

Science : DNA-controlled dynamic colloidal nanoparticle systems for mediating cellular interaction
Science, 19 Feb 2016 : Vol. 351, Issue 6275, pp841-845, doi : 10.1126/science.aad4925
http://science.sciencemag.org/content/351/6275/841

Source :
Nouvelles de la Faculté d’Ingénierie, Université de Toronto
http://news.engineering.utoronto.ca/shape-shifting-engineered-nanoparticles-for-delivering-cancer-drugs-to-tumours/

Rédacteur :
Sophie DECAMPS – Chargée de Mission pour la Science et la Technologie à Toronto – sophie.decamps[a]diplomatie.gouv.fr