Diagnostic moléculaire à la maison : tests à base d’ADN

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Canada | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie | Médecine individualisée
24 novembre 2015

Le professeur Alexis Vallée-Bélisle de l’Université de Montréal et ses collègues ont conçu un détecteur portatif peu coûteux qui rend possible la détection de plusieurs cibles moléculaires permettant d’établir un diagnostic médical en moins de 10 minutes. Le principe de détection est simple : la cible moléculaire pertinente aux fins de diagnostic, si présente, se lie à la séquence d’ADN électro-active et restreint la capacité de celle-ci à s’hybrider à sa séquence complémentaire située sur la surface d’une électrode en or. La réduction du signal électrochimique qui en découle peut être facilement mesurée à l’aide d’appareils peu coûteux semblables aux lecteurs de glycémie utilisés à la maison. Grâce à ce détecteur, les chercheurs ont été en mesure de détecter plusieurs protéines, de manière simultanée, directement dans le sang entier en moins de 10 minutes.

Des chimistes de l’Université de Montréal ont utilisé des molécules d’ADN pour mettre au point des tests permettant un diagnostic médical peu coûteux et qui ne prennent que quelques minutes à effectuer. Leurs résultats, qui seront publiées officiellement aujourd’hui dans le Journal of the American Chemical Society, pourraient contribuer à concevoir des appareils assez simples pour pouvoir être utilisés dans le cabinet du médecin, ou même à la maison, et qui permettent de diagnostiquer rapidement diverses maladies, telles que le cancer, les allergies, les maladies auto-immunes, les infections transmissibles sexuellement (ITS) et de nombreuses autres.

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La cible moléculaire pertinente aux fins de diagnostic (structures vertes ou rouges), si présente, se lie à la séquence d’ADN électro-active (brin vert) et restreint la capacité de celle-ci à s’hybrider à sa séquence complémentaire située sur la surface d’une électrode en or
La cible moléculaire pertinente aux fins de diagnostic (structures vertes ou rouges), si présente, se lie à la séquence d’ADN électro-active (brin vert) et restreint la capacité de celle-ci à s’hybrider à sa séquence complémentaire située sur la surface d’une électrode en or

Selon l’équipe de chercheurs, cette nouvelle technologie pourrait également avoir une incidence considérable sur la santé mondiale en raison de ses faibles coûts et de sa facilité d’utilisation. Ces tests de diagnostic, à base d’ADN rapides et faciles à utiliser, utilisent l’une des forces les plus simples en chimie : l’effet stérique, une force de répulsion qui survient lorsque des atomes sont amenés trop près les uns des autres – pour détecter des cibles moléculaires, telles des protéines, liées à diverses maladies.

On doit cette conception à l’équipe de recherche d’Alexis Vallée-Bélisle, professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal. « Malgré leur grande utilité, les tests de diagnostic moléculaire actuels demeurent considérablement limités puisqu’ils exigent encore des manipulations complexes en laboratoire. De manière générale, les patients doivent attendre plusieurs jours sinon des semaines avant de recevoir les résultats de leurs analyses sanguines, affirme M. Vallée-Bélisle. Les échantillons de sang doivent être transportés à un laboratoire centralisé, puis analysés par du personnel spécialisé. Les résultats doivent ensuite être acheminés au bureau du médecin. Si tout peut se faire aux points d’intervention auprès des patients, ou même à la maison, nous pourrions éliminer le temps perdu entre le test et le traitement, et améliorer ainsi l’efficacité des interventions médicales. »

L’importante percée à la base de cette nouvelle technologie est le fruit du hasard. « Lors des travaux sur la première génération de ces tests à base d’ADN, nous avons constaté que les cibles moléculaires que nous voulions détecter, malgré leurs petites dimensions (habituellement 1 000 fois plus petites qu’un cheveu humain) ont une grosseur suffisante pour entrer en collision entre elles et créer un effet stérique (un effet comparable à une congestion – ou du trafic – moléculaire) à la surface du détecteur, réduisant ainsi de façon draconienne le signal de nos tests, mentionne Sahar Mahshid, stagiaire postdoctorale à l’Université de Montréal et première auteure de l’étude. Plutôt que de tenter de minimiser cet effet de répulsion, nous avons décidé d’utiliser cette force à notre avantage pour concevoir un nouveau mécanisme de signalisation qui détecte ces effets stériques. »

Ce principe de détection est simple : la cible moléculaire pertinente aux fins de diagnostic (souvent une protéine) se lie à une molécule d’ADN électro-active et restreint la capacité de celle-ci à s’hybrider à une molécule d’ADN complémentaire située sur la surface d’une électrode en or. Francesco Ricci, professeur à l’Université de Rome Tor Vergata, qui a également participé à cette étude, explique que ce nouveau mécanisme de signalisation produit un changement de courant suffisant pour être mesuré à l’aide d’appareils électroniques peu coûteux, semblables aux lecteurs de glycémie (glucomètres) utilisés à la maison par les personnes diabétiques.

Les chercheurs ont démontré que ce test à base d’ADN permet de détecter plusieurs cibles moléculaires de manière simultanée directement dans le sang entier en moins de 10 minutes, même si la concentration de ces cibles est un million de fois inférieure à celle du glucose dans le sang. « Un des grands avantages de ce test électrochimique à base d’ADN est que son principe de détection peut être généralisé à de nombreuses cibles moléculaires. Nous pouvons donc créer des appareils abordables permettant de détecter des dizaines de marqueurs de maladies en moins de cinq minutes dans le bureau du médecin ou même à la maison », conclut M. Vallée-Bélisle.

Univalor, le partenaire commercial de l’Université de Montréal, supporte activement ce projet et a déposé une demande de brevet afin de protéger la technologie. « Nous sommes convaincus que ce nouveau biosenseur rapide et facilement multiplexable pourrait significativement améliorer la santé des patients en permettant le développement de nouveaux tests diagnostiques de type ‘’point-of-care’’ pour de nombreuses maladies », rapporte Patricia Escoffier, directrice de projets chez Univalor. Par ailleurs, de nombreuses applications sont envisagées, y compris la détection de pathogènes dans les aliments et l’eau, et la pharmacovigilance thérapeutique à la maison, une fonction qui pourrait considérablement améliorer l’efficacité de différentes catégories de médicaments et de traitements.

Source :
UdeM Nouvelles, 24 septembre, http://www.nouvelles.umontreal.ca/recherche/sciences-technologies/20150924-des-chimistes-concoivent-des-tests-rapides-simples-et-peu-co-teux-a-base-dadn.html

Rédacteur :
William Raillant-Clark, Attaché de presse à l’international, Université de Montréal, w.raillant-clark chez umontreal.ca

Relayé par : Pauline Bryère, chargée de mission scientifique, pauline.bryere chez diplomatie.gouv.fr