Climate Change Symposium au Vancouver International Wine Festival 2020

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Brève
Canada
3 mars 2020

Le Vancouver International Wine Festival (VIWF) a ouvert ses portes pour une quarante-deuxième édition ce 22 février 2020 au Palais des Congrès. Événement particulièrement prisé des professionnels du secteur et des amateurs d’œnologie, le festival se donne pour mission de proposer des contenus attractifs destinés à un public averti, et de mettre en relation producteurs et consommateurs autour de dégustations de vins internationaux, avec, chaque année, une région du monde à l’honneur : en 2020, le choix s’est porté sur les produits du terroir français.

Les enjeux de l’actualité environnementale n’ayant pas manqué de bouleverser l’industrie du vin au même titre que les autres secteurs de la production agricole, une table ronde sur le thème du changement climatique s’est tenue le 26 février dans le cadre du festival. Modérée par Michelle Bouffard, journaliste, sommelière et fondatrice du mouvement Tasting Climate Change, la discussion a été nourrie par les interventions de différents acteurs, tous soucieux de réduire leur empreinte écologique.

Tout d’abord, Michael Fagin, météorologue spécialiste des régions viticoles, ainsi que Felicity Carter, éditrice en chef de la revue Meininger’s Wine Business International, ont souligné l’importance de la rigueur scientifique dans l’évocation des phénomènes biologiques, physiologiques et météorologiques liés à la fois au changement climatique et à la production vinicole. En effet, à mesure que l’urgence climatique gagne en visibilité au sein du débat public, les témoignages et démonstrations pseudo-scientifique se multiplient, ce qui tend à brouiller la lisibilité de l’information disponible. Il s’agit, pour les acteurs concernés, de reprendre la main sur la production et la diffusion de contenus scientifiques en s’attachant à distinguer les faits scientifiques établis des contre-vérités.

Ce propos introductif ne doit cependant pas minimiser le constat d’une réalité alarmante : au point de vue strictement factuel, les températures, au cours du siècle passé, voire des soixante dernières années pour les cas les plus extrêmes, ont augmenté de manière drastique dans toutes les régions productrices de vin – de 0,5°C à 2°C selon les zones –, entraînant des perturbations notables du cycle des saisons et de la pluviométrie. Si ces variations profitent à certaines variétés de vignes, qui connaissent une maturation plus rapide, elles provoquent des épisodes de sécheresse, des incendies dévastateurs, et de véritables cataclysmes au niveau des cultures : les bactéries et parasites qui ne survivaient ordinairement pas aux rigueurs de l’hiver prolifèrent dans des milieux de plus en plus tempérés, et la diminution de la biodiversité – avec au premier chef l’extinction de dizaines d’espèces d’insectes – soulève le problème de la préservation des équilibres écosystémiques.

Les solutions proposées sont diverses, empruntant tantôt au bon sens, tantôt aux innovations technologiques récentes, tantôt aux opportunités offertes par les spécificités du territoire exploité. La réduction de l’empreinte carbone des viticulteurs concerne toutes les étapes de la chaîne de production. Outre les mesures évidentes, comme l’abolition quasi-totale de l’usage de pesticides, d’herbicides et autres engrais chimiques afin de protéger l’intégrité des sols et la qualité des fruits, plusieurs problématiques ont été abordées :

• L’irrigation des exploitations, enjeu majeur, s’oriente vers des systèmes plus durables : Richard Angove, membre d’une famille de vignerons australiens établis depuis cinq générations, explique que le système de micro-irrigation qu’il utilise présente de nombreux avantages par rapport à l’arrosage classique : il permet une répartition uniforme de l’eau aux racines de la plante, améliorant la santé des vignes, la qualité des fruits ainsi que le rendement. L’idéal étant de réduire les besoins en eau des plantations, Katie Jackson, propriétaire de la société vinicole de la famille Jackson, a indiqué que l’utilisation d’engrais naturels (compost), en injectant dans la terre une matière organique, en améliorait la fertilité et atténuait la nécessité d’irriguer constamment.

• De même, dans le processus de production, la question du recours aux énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne, pour faire fonctionner les machines conduit à celle de l’inégalité des petites et grandes exploitations face à la nécessité de réduire leur empreinte écologique. En effet, ces technologies constituent un investissement financier significatif que ne peuvent pas se permettre les producteurs les plus modestes. Katie Jackson, forte de son expérience – 31% de ses équipements s’appuient sur des énergies renouvelables – préconise avant tout d’estimer les dépenses énergétiques globales de l’exploitation et d’identifier les appareils ou procédés les plus voraces en énergie. Toutefois, le problème des insuffisances budgétaires de nombre de viticulteurs demeure un frein à cette transition.

• Le thème le plus débattu a été celui de l’emballage et du conditionnement du vin. Lenz Moser, issu d’une famille de vignerons autrichiens établis depuis 1610, a signalé la possibilité de fabriquer des bouteilles plus légères, avec des bouchons en liège. Katie Jackson a renchéri en soulignant l’importance d’éduquer les consommateurs à des pratiques plus durables, en démontant la représentation communément admise corrélant le poids de la bouteille à la qualité du vin. Plus généralement, ces considérations renvoient à l’objectif « zéro déchet » que se fixent de plus en plus de producteurs, désireux de privilégier des matériaux réutilisables.

• Enfin, la question du transport a été longuement développée par Pierre Corvisier, directeuren recherche et développement de Hillebrand – société fournisseuse de services logistiques pour le transport de vin, de spiritueux et de bière, produits nécessitant un soin particulier. Du constat initial de la composition de l’empreinte carbone d’une bouteille de vin, aux deux tiers liée à l’emballage et au transport, les conclusions à tirer sont sans équivoque : il s’agit de limiter au maximum les distances parcourues et de privilégier les moyens de transport les moins polluants. En effet, l’objectif de diminution des émissions globales de gaz à effet de serre de 50% d’ici à 2050 suppose une diminution de 70 à 75% par conteneur.

Ainsi, ce colloque a permis de mettre en évidence les enjeux principaux de l’impact du changement climatique sur l’industrie vinicole dans son acception la plus large. La fréquentation du VIWF, qui réunit chaque année quelque 25 000 personnes, et le succès de ce colloque qui a attiré près d’une centaine d’auditeurs, attestent de l’intérêt suscité par ces questions tant auprès des producteurs que des consommateurs.

Rédactrice : Maëlle Nagot, Service de Coopération Scientifique et Universitaire du Consulat Général de France à Vancouver