Cascadia Innovation Corridor : « An idea whose time has come » Brad SMITH, CEO Microsoft

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Brève
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18 décembre 2019

Depuis plusieurs années, les écosystèmes d’innovation de Vancouver, Seattle et Portland tentent de créer une dynamique régionale transfrontalière (1). Afin de consolider l’initiative et de permettre à tous les acteurs du projet de se rencontrer et d’échanger, des conférences annuelles ont lieu depuis 2016, alternativement à Seattle (USA) et Vancouver (Canada). La quatrième édition de la conférence « Cascadia Innovation Corridor » s’est déroulée à Seattle les 2 et 3 octobre 2019. L’objectif de ce forum « participatif », organisé par « Business Council of BC » et « Challenge Seattle », était de proposer une vision pour 2035. Les échanges se sont d’ailleurs poursuivis après la conférence, avec la diffusion le 17 octobre des relevés de conclusions de chaque groupe de travail réuni le 3 octobre ; puis l’ouverture d’un forum en ligne pour recueillir de nouvelles contributions jusqu’au 4 novembre 2019.

Un développement du cluster dans le respect de valeurs communes ; l’environnement en premier lieu

Dans de nombreux domaines, les états du nord-ouest des Etats-Unis et la Colombie Britannique se sentent beaucoup plus proches les uns des autres que de certains territoires situés plus à l’Est dans leurs propres pays. Ceci est lié à la proximité géographique, mais également à un héritage culturel et des valeurs communes. Jusqu’au milieu du 19ème siècle et l’apparition de la frontière au niveau du 49ème parallèle, le territoire alors dénommé « Oregon Country / Columbia District » constituait une région autonome qui n’était gérée ni par les Américains, ni par les Anglais. Préalablement à l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, les Premières Nations (peuples autochtones) se déplaçaient et commerçaient sans aucune barrière également. La gestion des ressources et la protection de l’environnement ont toujours fait partie des préoccupations principales des peuples natifs. Cette Histoire commune et ces valeurs, cimentent les communautés locales et sont sources d’inspiration pour la construction du projet.
De nombreux intervenants, y compris le Premier Ministre de la province de Colombie-Britannique (John HORGAN) et le Gouverneur de l’état de Washington (Jay INSLEE), ont rappelé que le développement économique du Cascadia Innovation Corridor, qu’ils soutiennent ardemment, ne pourra se faire que dans le respect de l’environnement. Les deux dirigeants ont d’ailleurs annoncé au cours de la conférence la mise en place du « Joint Clean Grid Initiative » qui vise à optimiser l’utilisation de l’électricité, principalement d’origine renouvelable, produite dans ces régions.

Des avancées récentes qui témoignent d’une forte implication de toutes les parties-prenantes

Depuis le lancement de l’initiative « Cascadia Innovation Corridor », de nombreuses avancées ont vu le jour. Le projet a donc quelques réalisations à son actif sur lesquelles il peut capitaliser :

  • Création de la « Cascadia Data Discovery Initiative » CDDI (2019)
    Ce projet est porté par les institutions suivantes : BC Cancer (agence gouvernementale), University of British Columbia, eScience Institute (University of Washington) et Knight Cancer Institute (Oregon Health & Science University). Il vise à faciliter l’accès, le partage et l’analyse des données biomédicales.
  • Création de l’alliance « Northwest Quantum Nexus » (2019)
    Ce regroupement, qui fédère University of Washington, the Pacific Northwest National Laboratory et Microsoft Quantum, a pour objectif de développer les activités quantiques en soutenant la croissance du secteur à de multiples niveaux : enseignement, formation, recherche et progrès technologique. La province de Colombie-Britannique dispose aussi de nombreux atouts dans ce domaine. L’entreprise "D-Wave" basée Burnaby est la première au monde à commercialiser un ordinateur quantique ; elle compte de nombreux clients américains. La province canadienne souhaite renforcer son potentiel dans le secteur des algorithmes et logiciels quantiques. En conséquence, le gouvernement provincial avait annoncé la veille de la « Cascadia Innovation Corridor Conference » un investissement de 17 millions de dollars canadiens pour la création du « Quantum Algorithms Institute » à Surrey.
  • Organisations de conférences et structuration de réseaux régionaux
    Les opportunités d’approfondir les collaborations transfrontalières sont multipliées avec l’organisation de conférences régionales. C’est par exemple le cas en médecine régénératrice avec le « 2019 BCRegMed Cascadia Corridor Research Symposium » initié par BC Regenerative Medicine à Victoria BC fin octobre 2019. On peut également citer l’organisation d’un forum de l’investissement (« Investment Showcase ») par « Cascadia Venture Forum » dans le cadre du BC Tech Summit 2019 (BCTECH#2019) à Vancouver BC. Les réseaux transfrontaliers sont également valorisés, à l’image du Seattle-Vancouver Financial Innovation Network (FIN), créé en 2017.
  • Projets dans le domaine de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
    Les projets de recherche transfrontaliers sont favorisés, avec un focus sur les thématiques à fort impact sociétal et économique. Le premier sujet identifié est la gestion des feux de forêts : « Wildfire and smoke research and policy in the Cascadia Corridor ». Dans le domaine des Sciences de la Vie, l’accent sera mis sur la Santé Publique : crise des opioïdes, vieillissement de la population et vaccination. Des alliances entre établissements d’enseignement supérieur voient le jour, comme celle qui lie depuis 2017 les instituts polytechniques suivants : British Columbia Institute of Technology, Lake Washington Institute of Technology and Oregon Institute of Technology. Les cursus universitaires partagés devraient se développer à l’avenir.
  • Amélioration de la mobilité dans le corridor (2018-2019)
    La frontière entre les Etats-Unis et le Canada n’est évidemment pas de nature à fluidifier les interactions entre états/province limitrophes. En fait, l’écosystème du Pacific NorthWest fait appel à de nombreux immigrants qualifiés qui ne peuvent pas toujours bénéficier des procédures accélérées de passage à la frontière. Un groupe de travail est donc en place pour identifier des solutions afin de faciliter le passage devant les officiers d’immigration, que ce soit par air, terre ou mer. Dès 2018, une nouvelle ligne d’hydravion « Nerd Bird » a été lancée entre Seattle et Vancouver. Afin d’assurer la viabilité financière du projet, Microsoft s’était engagé à utiliser régulièrement cette ligne. Par ailleurs, les services d’immigration américains et canadiens ont mis en place des bureaux à Lake Union et Coal Harbour respectivement. Ce service a rencontré un certain succès et le nombre de rotations s’est accru, passant de 2 à 3 liaisons journalières (dans chaque sens). Dans le domaine de la mobilité, le défi principal reste la construction d’une ligne de train à grande vitesse (voir ci-dessous).

Les défis

  • Développer une Liaison ferroviaire à Grande Vitesse (LGV) Portland-Seattle-Vancouver : Ultra High Speed Rail Corridor (UHSC)
    Comme je l’écrivais en 2017 (1), connecter physiquement les acteurs du Cascadia Innovation Corridor est un défi majeur. La création d’une LGV est envisager, mais ce type de projet fait face à de nombreuses réticences en Amérique du Nord (coût économique, réseau ferroviaire passager peu usité). Microsoft a cependant apporté un soutien appuyé à cette initiative de « Bullet Train » : l’entreprise a co-financé la réalisation d’une étude de faisabilité approfondie menée en 2018 par l’autorité des transports de l’état de Washington, à la demande des gouvernements régionaux (OR, WA et BC). Microsoft a également accueilli dans ses locaux le « Cascade Rail Summit 2019 » organisé à Redmond (agglomération de Seattle) du 6 au 8 novembre 2019.
  • Développer des zones économiques hors Vancouver, Seattle et Portland
    Un des freins majeurs à l’avènement d’un pôle d’innovation d’envergure internationale dans le Pacific NorthWest est le coût de la vie et l’accès aux logements pour les employés du secteur Tech dans les zones d’activités actuelles (Seattle et Vancouver). Les dirigeants politiques souhaitent donc aménager des centres urbains secondaires à forts potentiels technologiques. C’est le cas de la ville de Surrey, qui se développe aujourd’hui en synergie avec Vancouver. Cette ville pourrait d’ailleurs être la station terminus au Nord de la LGV du Cascadia Corridor. Rejoindre Vancouver se ferait alors par l’Expo Line déjà existante (King George Station). Du côté américain, les villes de Spokane, Olympia et Eugene ont été mentionnées.
  • Combler un déficit d’image
    Le « Cascadia Innovation Corridor » manque de visibilité par rapport aux autres clusters d’Innovation et des efforts de communication doivent donc être entrepris pour rendre ce pôle plus apparent et attractif, en Amérique du Nord mais aussi à l’international. De façon très intéressante, alors que ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises lors de la conférence, la référence à la « Silicon Valley » est très peu utilisée : le « Cascadia Innovation Corridor » ne se positionne pas comme « the next Silicon Valley » et n’a pas cherché à se renommer en utilisant des termes faisant référence à cette région leader dans le domaine de l’Innovation comme d’autres ont pu le faire. Peut-être s’agit-il d’un signe de confiance en soi et de maturité…

A présent, le projet rassemble largement la communauté d’Innovation, des grands comptes aux acteurs publics en passant par le secteur académique. Il est soutenu de façon appuyée par les gouvernements locaux (Oregon, Washington & Colombie-Britannique) et Microsoft. Certaines barrières, principalement liées à la mobilité des personnes, doivent être levées ; mais ce cluster d’Innovation, qui pourrait peut-être un jour rivaliser avec la Silicon Valley, est promis à un bel avenir.

(1) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/canada/article/cascadia-innovation-corridor-seattle-et-vancouver-s-imaginent-un-avenir-commun ?

Rédacteur : Fabien AGENES – Attaché de Coopération Scientifique et Universitaire / Vancouver