Visite des campus de l’AIT et de la BOKU à Tulln le 7 décembre 2022 : portraits de deux chercheurs français dans le domaine des sciences végétales

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Autriche

Autriche | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie | Agronomie et alimentation
12 janvier 2023

Le Centre de technologie et de recherche de Tulln (Basse-Autriche) (Technologie- und Forschungszentrum Tulln) est l’un des technopoles les plus reconnus au niveau international dans le domaine des biosources et la gestion des ressources naturelles. Il a ouvert ses portes en 2011 et regroupe des départements et unités de l’Austrian Institute of Technology GmbH (AIT) et de l’Université des ressources naturelles et des sciences de la vie de Vienne (BOKU Wien). Retour sur la visite des campus de ces institutions le 7 décembre dernier et portrait de deux de leurs chercheurs.

L’AIT

Fondée en 1956 en tant qu’Österreichische Studiengesellschaft für Atomenergie (SGAE), l’institution a ensuite pris le nom d’Austrian Research Centers (ARC) de 2006 à 2009 avant de prendre le nom définitif d’Austrian Institute of Technology GmbH en 2009. L’AIT est le plus grand centre de recherche extra-universitaire d’Autriche. En tant que partenaire des entreprises et des institutions publiques, l’AIT a pour but de relier la recherche et l’industrie aux niveaux national et international en fournissant de nouvelles technologies et de nouveaux outils en réponse aux demandes de la société. L’AIT est ainsi l’un des centres de recherche les plus reconnus dans le domaine de la recherche dite appliquée (pour la définition, voir ci-dessous). Les secteurs d’activité de l’AIT, qui compte près de 1400 employés répartis sur 8 sites, sont les suivants : Énergie, transports à faibles émissions, santé et bioressources, sûreté et sécurité numériques, vision, automatisation et contrôle, expérience technologique, et systèmes et politiques d’innovation. Aujourd’hui, l’AIT est financé à 50,46 % par la république d’Autriche (via le Ministère fédéral pour la protection du climat, l’énergie, la mobilité, l’innovation et la technologie), le reste provenant de la fédération des industries autrichiennes (Industriellenvereinigung).

Le Centre de technologie et de recherche de Tulln abrite le Centre de recherche en santé et en bioressources de l’AIT (Center for Health and Bioresources). L’unité "Bioressources" compte une quarantaine d’employés et a pour but de développer de nouvelles technologies et de nouveaux outils visant à étudier le fonctionnement de microorganismes associés au sol et aux plantes, à accroître l’exploitation des ressources végétales et microbiennes ainsi qu’à détecter plus efficacement les agents pathogènes aériens et environnementaux. L’unité a une longue expérience dans l’analyse des microbiomes végétaux, des interactions sols-plantes-microorganismes ainsi que dans la génétique et la génomique des bactéries et des champignons. L’unité cherche ainsi à réaliser des avancées dans les domaines de la production végétale durable et la lutte contre les parasites. L’unité allie un haut niveau de compétence scientifique à une vaste expérience dans la coordination de projets de recherche nationaux et internationaux – notamment européens – ainsi que dans le cadre de contrats de services passés avec des entreprises.

Stéphane Compant est un chercheur français au sein de l’unité "Bioressources" et est spécialiste des interactions plantes-microbes – c’est-à-dire l’étude de la manière dont les micro-organismes vivant sur et dans les plantes se comportent et la façon dont ils colonisent leurs hôtes. M. Compant a commencé sa carrière en tant que maître de conférences en microbiologie et viticulture à l’Institut national polytechnique de Toulouse après avoir obtenu son doctorat sur l’étude d’une bactérie bénéfique pour la protection de la vigne contre Botrytis cinerea (agent de la pourriture grise) à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et un post-doctorat en écologie microbienne à l’AIT. Il est aujourd’hui chercheur à l’AIT (depuis 2012) et possède une habilitation à diriger des recherches en écologie et évolution des communautés obtenue à L’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux. Il est l’un des principaux experts mondiaux dans le domaine de la recherche sur l’écologie microbienne des micro-organismes interagissant avec les plantes, sur la microscopie des interactions plantes-microbes en général, et sur le biocontrôle des maladies des plantes à l’aide de divers agents de biocontrôle provenant de différentes sources.

M. Compant ne fait aujourd’hui que de la recherche et est actuellement actif dans de nombreux projets de recherche :

  • Deux projets européens financés dans le cadre d’Horizon Europe, le programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation, et du partenariat public-privé Circular bio-based Europe Joint Undertaking (CBE JU) issu d’une collaboration entre l’Union européenne et un consortium d’industries et d’entreprises actives dans le domaine des bioressources (Bio-based Industries Consortium) et qui a pour but de soutenir les activités de recherche et d’innovation dans le domaine de la bioéconomie. Ces projets sont BIOVEXO et BeXyl et portent sur le développement d’outils de développement durable pour protéger l’olivier contre la bactérie pathogène de quarantaine Xylella fastidiosa.
  • Deux projets nationaux financés par le Fonds autrichien pour la science (FWF) : l’un sur le rôle de microorganismes dans la germination des semences de soja et l’autre sur des bactéries symbiotiques vivant dans un champignon pathogène de la vigne et dont les rôles sont encore inconnus.
  • Plusieurs projets financés dans le cadre de contrats de services avec des entreprises internationales ainsi qu’avec des centres de recherche actifs dans le domaine des bioressources, des matériaux biosourcés et l’agriculture.
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Serre d’oliviers de M. Compant

Enfin, l’unité "Bioressources" de l’AIT accueille également en son sein un doctorant français, Joan Bacqué, qui effectue sa thèse de doctorat en collaboration avec l’Université de médecine de Vienne.

La recherche appliquée à l’AIT

Selon M. Compant, la recherche appliquée, pour laquelle l’AIT s’engage, est particulièrement intéressante parce qu’elle permet de valoriser les travaux des chercheurs et de les concrétiser. Souvent, les expériences effectuées en laboratoires – et donc les travaux de recherche fondamentale – sont confrontées à des limites lorsqu’il s’agit de les appliquer à la "vie réelle". M. Compant fait aussi de la recherche fondamentale mais met essentiellement l’accent sur la recherche appliquée : ses recherches ont pour but d’étudier l’application pratique de la connaissance scientifique et d’exploiter les résultats de la recherche fondamentale afin de déterminer les applications possibles pour une entreprise et/ou un secteur d’activité particulier.

La BOKU

La BOKU Wien, fondée en 1872, consacre l’ensemble de son enseignement et de ses recherches à l’aménagement et à la préservation de l’environnement, à la gestion durable des ressources naturelles et à la sécurité alimentaire et sanitaire. L’objectif est de combiner recherche fondamentale et recherche appliquée afin de contribuer à la maîtrise des crises et des défis mondiaux tels que le changement climatique. La BOKU est l’une des principales universités européennes dans le domaine des sciences de la vie et compte près de 10 500 étudiants et 2900 employés. Elle est membre de l’alliance d’universités européennes EPICUR, aux côtés des universités de Strasbourg et de Haute Alsace.

Le Centre de technologie est de recherche de Tulln abrite une partie du département de sciences végétales de la BOKU, divisé en 5 instituts de recherches. Parmi ces instituts se trouve l’Institut de recherche en viticulture et pomologie, qui mène des enseignements et effectue des recherches appliquées aux écosystèmes du vin et des fruits et sur leurs implications biologiques, économiques et sociales dans leur environnement.

Suzanne Balacey est une chercheuse française au sein de l’Institut de recherche en viticulture et pomologie depuis le mois de septembre 2022 après avoir obtenu son doctorat à l’Université d’Adelaïde en Australie, et c’est dans le domaine de la viticulture qu’elle est active. Elle effectue actuellement ses recherche sur le phylloxéra, une variété de pucerons ravageurs parasite de la vigne apparue au XIXème siècle (le terme désigne également, par métonymie, la maladie de la vigne causée par cet insecte). En Europe, la propagation du phylloxéra a pu être contenue par l’insertion de pieds de vignes américains résistants au puceron et à la maladie ; de nouveaux biotypes de phylloxéra résistants ont cependant fait leur apparition ces dernières années et ont commencé à s’attaquer aux plants résistants, ce qui créé de nouveaux défis dans la recherche sur la vigne et le phylloxéra. Mme Balacey effectue plus particulièrement ses recherches sur les composés volatiles (des molécules chimiques) utilisés par les vignes quand elle se retrouvent attaquées par des parasites ou des agents pathogènes comme le phylloxéra afin de "prévenir" les autres plantes de l’agression extérieure. Il n’existe que très peu d’informations sur ces composés volatiles, notamment dans le cadre du phylloxéra, et Mme Balacey cherche à développer de nouvelles méthodes de recherche à ce sujet.

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Vignes de l’Institut de recherche en viticulture et pomologie de la BOKU

L’Autriche et la recherche en viticulture

Dans le domaine de la recherche en viticulture, bien que l’Autriche soit un pays réputé pour ses vignes et ses cépages, il existe beaucoup plus de fonds de recherche en France qu’en Autriche dans ce domaine. M. Compant et Mme Balacey expliquent que la production reste petite dans la république alpine et il est aujourd’hui assez difficile de faire de la recherche sur la vigne, sauf dans le domaine de la recherche fondamentale. Les chercheurs s’associent donc beaucoup à des pays comme la France ou l’Australie et cherchent ainsi à développer leurs réseaux. Par exemple, M. Compant effectuait des recherches sur la vigne au début de sa carrière de chercheur mais a dû diversifier ses activités parce qu’il était difficile de trouver des financements.

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Mme Balacey, M. Bacqué et M. Compant

Sources :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/