Troisième édition de « Women in Science » : repenser l’IA en santé

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Autriche
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Politiques de recherche, technologiques et universitaires
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
3 mars 2025
Le 11 février dernier, à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles dans la science, s’est tenue la troisième édition de l’événement intitulé « Women in Science : Breaking Frontiers », qui valorise les carrières scientifiques féminines et met en lumière les obstacles et biais de genre existant dans le milieu de la recherche.
Cet événement est le fruit d’une co-organisation par l’Ambassade de France en Autriche et les Ambassades de six autres pays (Canada, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). Il a eu lieu, comme l’édition précédente, au sein de l’Académie autrichienne des sciences, partenaire depuis 2023. Cette année, l’accent a été mis sur l’équité et l’inclusion dans l’utilisation de l’IA en médecine, en écho au Sommet mondial pour l’action sur l’IA de Paris (10 et 11 février 2025).

Lors de l’ouverture de cette conférence, le Directeur des Instituts et des Infrastructures à l’Académie autrichienne des sciences, M. Hubertus Schmid-Schmidsfelden a rappelé le rôle clé que jouaient les institutions universitaires de recherche en Autriche dans la promotion de la science et de la recherche sous toutes ses formes et réaffirmé l’engagement de l’Académie autrichienne des sciences pour accompagner et valoriser les étudiantes et les chercheuses dans tous les domaines scientifiques.
L’évènement se composait de deux tables rondes modérées par Rania Wazir, mathématicienne et data scientist autrichienne, cofondatrice de leiwand.ai. Elles réunissaient des scientifiques, expertes et experts internationaux invités par les pays organisateurs. Parmi lesquels, Elodie Germani, une jeune chercheuse française au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bonn, et lauréate du L’Oréal/Unesco Young Talent Award pour les femmes en science 2024.
La première table ronde portait sur l’équité de l’IA en santé et l’importance des ensembles de données inclusifs. Les discussions ont révélé un problème majeur : les bases de données médicales sont souvent biaisées, sous-représentant certaines populations comme les femmes, les minorités ethniques ou les personnes âgées. Ces biais peuvent fausser les résultats, retarder des diagnostics ou générer des recommandations inadaptées. Si l’IA a permis des avancées majeures dans le diagnostic médical, elle reste confrontée à un défi de taille : les biais inhérents aux données utilisées. Par exemple, si les modèles d’IA sont principalement entraînés sur des sujets masculins, ils risquent de ne pas diagnostiquer correctement certaines pathologies chez les femmes.

Un cas concret a été évoqué lors des discussions : celui du diagnostic des maladies cardio-vasculaires. La plupart des outils de diagnostic sont conçus à partir de données masculines. En effet, le test sanguin de troponine qui est communément utilisé pour détecter les crises cardiaques applique des seuils uniformes pour les deux sexes. Cela implique des retards de diagnostics chez les femmes (50 % de chances supplémentaires). Les expertes ont alors démontré qu’en appliquant des seuils spécifiques au sexe, le taux de diagnostic augmenterait non seulement de 25 % chez les femmes mais également de 6% chez les hommes. Cela illustre parfaitement la nécessité de mettre au point des technologies médicales basées sur l’IA à la fois précises, mais également équitables.
D’autres méthodes, stratégies, politiques et perspectives afin de surmonter les biais de genre dans la recherche et les systèmes d’IA, ont été proposées lors de la deuxième table ronde.
En effet, les experts de ce second panel, ont notamment recommandé d’intégrer systématiquement l’analyse du sexe et du genre dans les études scientifiques et de favoriser une collaboration interdisciplinaire pour développer des cadres de recherche plus inclusifs. Un levier important pour lutter efficacement contre les biais de genre est notamment de former les chercheurs à l’analyse différenciée selon le sexe (ADS). Il s’agit d’un processus d’analyse qui vise à prendre en compte les réalités distinctes des femmes et des hommes dans la mise en place de projets, de programmes ou de politiques. Une application de cette méthodologie dans le domaine scientifique semble être une solution adéquate pour favoriser l’égalité entre les genres, d’autant qu’elle permet d’obtenir des résultats plus précis et applicables à l’ensemble de la population.

De plus, l’initiative européenne pour l’élaboration d’un espace de données médicales partagées (European Health Data Space – EHDS) a été saluée. En effet, cet espace européen commun de données, qui a fait l’objet d’un accord politique entre le Parlement européen et le Conseil au printemps 2024, a pour objectifs de faciliter l’échange des données de santé pour la prestation de soins dans l’ensemble de l’UE (utilisation primaire des données) mais également de mettre en place un cadre cohérent, fiable et efficace pour la réutilisation des données de santé à des fins de recherche, et d’innovation, en outre (utilisation secondaire des données).
Ainsi, cet événement a mis en lumière le rôle des femmes dans la science tout en soulignant l’importance de prendre en compte les dimensions de genre dans le traitement des données, un enjeu d’autant plus crucial à l’ère de l’intelligence artificielle, dont la fiabilité dépend de la qualité et de la représentativité des données utilisées.
Sources :
> "Troponine T hautement sensible : nécessité d’adapter les seuils en fonction de l’âge, du genre et de la fonction rénale", Cairn.info : https://stm.cairn.info/revue-annales-de-biologie-clinique-2021-2-page-203?lang=fr
> "European Health Data Space" Commission européenne : https://health.ec.europa.eu/ehealth-digital-health-and-care/european-health-data-space_en
> "Analyse différenciée selon les sexes", Gouvernement du Québec : https://www.quebec.ca/gouvernement/portrait-quebec/droits-liberte/egalite-femmes-hommes/analyse-differenciee-selon-sexes
Rédactrice : Auregan Labrune, auregan.labrune[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/